Athalia - Haendel

Athalia - Haendel © Thomas Ziegler
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L’influence du théâtre français dans les oratorios de Haendel

Dans la production de Haendel, Athalia (HWV 52) succède à deux autres oratorios, Esther (HWV 50, voir notre récent compte-rendu) et Deborah (HWV 51). Comme Esther, il est inspiré d’une tragédie éponyme de Jean Racine pour les demoiselles de Saint-Cyr, commanditée par madame de Maintenon pour l’éducation de ses pensionnaires. La pièce de Racine, créée en 1691, avait connu le succès en France et à l’étranger ; elle avait été traduite en anglais. Samuel Humphreys l’a adaptée, en simplifiant au passage le caractère complexe d’Athalie, réduite à une cruelle despote. Les circonstances de sa création sont tout à fait inhabituelles. Haendel avait apparemment été invité par l’Université d’Oxford à venir recevoir un titre de docteur honoris causa lors de la remise annuelle des prix de l’Université. Il aurait refusé cet honneur mais en remerciement il offrit à l’Université un nouvel oratorio ! Celui-ci fut créé le 10 juillet 1733 au Sheldonian Theatre d’Oxford, devant une foule nombreuse, venue en partie depuis Londres. La pièce fut reprise à Londres en 1735, puis à Dublin et à nouveau à Oxford. En 1756, le Caro Sassone en produisit une nouvelle version remaniée. C’est la version originale de la création de 1733 qui a été choisie pour ce concert, qui se tient dans la Ulrichskirche de Halle (ancienne église Saint-Ulrich, transformée en salle de concert).

L’effectif des interprètes est impressionnant, qui mêle le Barockorchester Leipzig (ville distante d’une cinquantaine de kilomètres de Halle) et le MDR-Rundfunkchor (chœur de la radio Mittel Deutschland Rundfunk, une importante station régionale allemande). Un effectif que maîtrise avec aisance et finesse Philipp Ahmann, pour nous entraîner dans cette dense partition aux nombreux ensembles. De l’orchestre, nous retenons en particulier la clarté de différentes parties de cordes, d’enchanteurs solos de flûte (à bec et traversos), des tutti nourris avec trompettes et percussions (en particulier dans le chœur qui ouvre la seconde partie, The mighty pow’r). Du chœur soulignons les attaques bien réglées, avec beaucoup de dynamisme dans les monumentaux tutti (The mighty pow’r, ou Around let acclamations ring, dans la troisième partie).

La soprano Marie Lys porte avec conviction le rôle-titre. Son expressivité s’épanche avec force dans le dramatique accompagnato What scenes of horror. Notons aussi son excellent phrasé dans l’accompagnato Oh Athalia, et ses aigus agiles dans le Softest sounds, dans un étourdissant duo avec la flûte. Si on timbre se tend un peu dans les graves finals du redoutable My vengeance awakes me, elle se joue avec aisance des ornements tourbillonnants du To darkness eternal, appuyé par des cordes frémissantes.

La mezzo Anna Dennis incarne Josabeth, épouse du grand prêtre Joad. Ses couleurs cuivrées, sa projection ample donnent beaucoup de relief à ses airs, depuis la vive apostrophe Tyrants à l’motion retenue du Faithful cares. Son grand air, Though the land (seconde partie) est particulièrement réussi, avec d’éclatants aigus au final et accompagné par un magnifique solo de traverso. Mentionnons aussi ses deux duos à la fin de la seconde partie, avec Joas puis avec Joad, également très réussis.

Le rôle de Joad est dévolu à Alex Potter. Contre-ténor à la voix blanche, dans la plus pure tradition britannique, son accompagnato Oh Judah, Judah est animé d’une forte expressivité, tandis qu’il décoche des aigus insoupçonnés dans l’air O Lord qui suit. Retenons également les deux accompagnatos qui s’enchaînent au début de la troisième partie (What sacred horrors et Let harmony), passant de l’horreur à l’apaisement, ainsi que son duo final avec Josabeth.

Benjamin Hulett incarne Mathan, prêtre de Baal. Le ténor nous livre d’agréables ornements dans un Gentle airs débordant de joie sereine, qui contraste fortement avec l’air de sa fin tragique (Hark ! His thunders), magistralement chanté. De son côté, le baryton Edward Grint (Abner) projette généreusement ses graves furieux (When storms). Il a particulièrement régalé nos oreilles dans l’air de la seconde partie Ah, canst thou, avec une envoûtante descente dans les graves. Mentionnons aussi sa magistrale proclamation (Rejoice, oh Judah) avant le chœur final. Signalons enfin la courte intervention de la soliste du chœur qui chantait le rôle de Joas, qui s’est acquittée fort honorablement de l’air orné Will God et du duo avec Josabeth, dans la seconde partie.

Un concert salué par des applaudissements bien mérités du public nombreux qui emplissait la Ulrichskirche ce dimanche après-midi.



Publié le 23 juin 2024 par Bruno Maury