Suites, concertos et chorals - Bach

Suites, concertos et chorals - Bach © Bertrand Pichène
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Bach, à la croisée des influences européennes

Le second week-end du 44ème Festival d’Ambronay s’est achevé sur un programme dédié à Jean-Sébastien Bach, proposé par l’ensemble Il Convito. On sait que cet ensemble a choisi d’explorer avec constance le vaste répertoire du Kantor de Leipzig. Les œuvres proposées dans ce concert mettent en relief l’agilité du compositeur, qui n’a jamais quitté l’Allemagne, pour s’emparer des courants musicaux italiens et français – qui dominaient alors le reste de l’Europe – et les accommoder à son goût.

Pièce d’ouverture du concert, la Fantaisie pour orgue BWV 562 date de la période de Weimar et marque l’influence de Nicolas de Grigny (1672 – 1703), compositeur et organiste français, actif à Saint-Denis et à Reims. Elle permet d’apprécier d’emblée la clarté des différents pupitres et leur équilibre, avec une belle présence des vents (en particulier des deux hautbois). Lui succède bientôt la Suite pour orchestre n°1 en do majeur BWV 1066, ensemble de danses qui renvoient elles aussi à la tradition française, comme le signale aussitôt l’ouverture et son premier mouvement au majestueux rythme pointé. Le Kantor introduit toutefois dans les danses une dimension virtuose, inspirée du style italien. Il Convito s’empare avec bonheur du rythme rapide la Courante, tout comme des élégants et agités Passepieds finaux.

La partie qui suit, consacrée aux chorals pour grand orgue, révèle pleinement les qualités des différents instrumentistes. Ainsi du Kommst du nun, Jesu, vom Himmel herunter BWV 650, où se déploie l’agilité aérienne de Maude Gratton au clavecin. Ou de la longue plainte des vents dans le O Lamm Gottes, unschuldig BWV 618, ou encore des développements de la flûte piccolo dans le Christe, du Lamm Gottes BWV 619. Cette succession de morceaux instrumentaux, qui appellent le chant, apparaît toutefois quelque peu longue à notre goût. Par ailleurs, et malgré la qualité de l’instrument, le volume du clavecin demeure un peu exigu au sein de la vaste abbatiale, ce qui ne rend pas totalement justice à l’engagement et à la virtuosité de son interprète. Qu’importe, les auditeurs ne boudent pas leur plaisir et ne ménagent pas leurs applaudissements.

Le programme se conclut sur le Concerto brandebourgeois n°5. Soulignons au passage le défi que constitue l’inscription au programme d’un morceau aussi connu du répertoire, confrontation implicite à une abondante discographie alimentée par les meilleurs interprètes, avec laquelle la comparaison tend à rendre passable une bonne interprétation… Mais Il Convito relève le gant avec un indéniable panache. Dès le premier mouvement Allegro, l’auditeur est transporté par le son aérien du traverso d’Amélie Michel, puis ses échanges vifs et parfaitement ajustés avec le violon de Yoko Kawakubo, au rythme affirmé du clavecin. Maude Gratton déploie une impressionnante maîtrise dans la redoutable partie de clavecin solo qui conclut le mouvement, proprement ébouriffante ! Le second mouvement Affetuoso, au rythme plus lent, offre aux trois instrumentistes un terrain de choix pour développer toute leur expressivité. Le troisième mouvement marque le retour à un Allegro, auquel le reste de l’orchestre apporte une densité tout à fait équilibrée, sur fonds d’échanges complices entre le traverso et le premier violon. Assurément une interprétation de haute volée, qui démontre s’il en était besoin le niveau d’excellence atteint par cette formation.

Les applaudissements fusent, appelant de nombreux rappels. En remerciement, l’ensemble offre un court bis, extrait de la Passion selon Saint-Jean.



Publié le 23 oct. 2023 par Bruno Maury