Haendel forever - Barath

Haendel forever - Barath ©Jean-Yves Grandin
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Un programme exigeant

Il s’agissait d’un concert reprenant le programme de l’enregistrement Dualità réalisé par les mêmes artistes. Le programme est savamment construit : rôles masculins en 1ère partie, rôles féminins en seconde. Et un enchaînement particulièrement plaisant et réussi des différents morceaux, les œuvres instrumentales se liant parfaitement avec le reste du programme.

Le début du concert est un peu décevant. Artaserse est richement composé, peut-être trop d’ailleurs, notamment en violons, et les équilibres sont souvent mal assurés. Si on retrouve ses habituelles qualités de précisions et de nuances, l’ensemble manque de brillant. Philippe Jaroussky dirige avec énergie mais avec une gestique un peu étriquée. Il en ressort une ouverture de Radamisto un peu ennuyeuse. Mêmes réserves pour Emöke Barath dont le premier air semble marqué de difficultés de projection et d’un medium un peu étroit. Les ornementations sont excessivement discrètes voire timides. Ces limites disparaissent dès le Ombra cara mais les équilibres entre l’interprète et l’orchestre continuent à être un peu défaillants, malgré des piani superbes et un travail remarquable sur le souffle. Les choses commencent à s’améliorer avec une superbe interprétation du concerto grosso op 6 n° 12 suivi d’un Qual nave smarrita qui, quoiqu’encore un peu trop retenu, expose un grave sonore et somptueux, des attaques précises, un aigu clair, une ligne de chant nette et un sens affirmé des nuances. Le Ai greci qui clôt la 1ère partie du concert montre enfin des artistes vraiment libérés : Artaserse sonne avec brillance et accompagne avec délicatesse un chant virtuose, précis et d’une technique impressionnante.

La 2ème partie s’ouvre sur le duo de Rodelinda, pour lequel Philippe Jaroussky délaisse la direction et rejoint la soprano pour chanter la partie de Bertarido. Le duo est superbement interprété par les deux chanteurs même si l’interprétation de Jaroussky, très réussie, doit beaucoup à une intelligence musicale qui sait exploiter les qualités d’une voix désormais plus limitée dans l’aigu qu’autrefois. Vient ensuite Ombre pallide dont l’interprétation par Emöke Barath est tout à fait époustouflante : le phrasé est superbe, la diction remarquable, les vocalises et les ornementations exécutées avec talent et subtilité. En ressort une Alcina proprement terrifiante. Sa Cléopâtre est, à l’inverse, bouleversante et pantelante : les nombreuses nuances, souvent portées sur le souffle, sont très fines et délicates. On retrouve la vaillance dans Scherza in mar la navicella (Lotario) avec un orchestre vif qui nuance admirablement ses forte et une Emöke Barath qui vocalise avec une aisance totale. Le duo de Giulio Cesare qui clôt le programme est une petite merveille d’équilibre et de sensibilité.

Après ce programme exigeant, Emöke Barath accordera deux bis de grande difficulté à un public enthousiaste. Le Ah spietato d’Amadigi di Gaula, marqué par des piani aériens et des changements d’intentions touchants et réussis suivi du Da tempeste de Giulio Cesare, superbement orné et accompagné par un orchestre très dynamique.



Publié le 29 mars 2022 par Jean-Luc Izard