Caprices de divas - Haendel

Caprices de divas - Haendel ©DR
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De bien plaisants caprices

L’idée de cette soirée est de retracer, du point de vue du compositeur, les difficultés de Haendel à concilier son fort tempérament avec celui, le plus souvent volcanique, des célébrissimes « gosiers » qu’il recrutait pour sa troupe de la Royal Academy of Music. Sur un récit écrit en grande partie sur le fondement de compte rendus et témoignages d’époque, le comédien Philippe Vallepin incarne un Haendel colérique et imbu, avec humour et sans bavardages. Le récit se concentre toutefois sur Senesino et Cuzzoni. Et pour cause, le troisième personnage, Anastasia Robinson, n’a pas laissé de traces de frasques particulièrement frappantes, ce qui ne fut pas le cas de Faustina Bordini, qui en vint même aux mains, sur scène, avec la Cuzzoni. Le choix de Robinson comme troisième personnage semble dès lors un peu curieux. L’absence d’interactions entre le comédien et les trois chanteurs vide aussi un peu le propos de son sens et faute d’être vraiment exploitée, l’idée initiale tourne à vide.

L’orchestre bruxellois Les Muffatti est dirigé ce soir par son premier violon, Rachael Beesley. Si la cohésion de cet ensemble baroque et les équilibres internes à la formation sont tout à fait remarquables, il s’en dégage quelque chose d’un peu suranné, dans les tenues, mais aussi dans la façon d’interpréter Haendel. L’absence de chef s’avère un point délicat à négocier pour des chanteurs jeunes qui auraient pu être davantage soutenus dans la synchronisation.

Mais c’est bien de ce trio de jeunes chanteurs français, réunis in fine après des modifications assez substantielles du cast (Hasnaa Benani qui a consacré un superbe enregistrement à ce répertoire était initialement attendue) que vient l’excellente surprise de cette soirée. Tous les trois sont jeunes, talentueux et dotés de superbes voix et s’ils ne sont pas complètement parvenus à maturité, ils sont extraordinairement prometteurs.

Myriam Arbouz a une voix d’une grande musicalité. Des trois, elle est celle qui gère le mieux son trac et elle jouit d’une grande aisance technique, y compris dans la virtuosité appuyée sur une belle longueur de souffle, un très beau vibrato et des trilles rapides et serrés superbes (comme, dit-on, Cuzzoni). La voix est ample, bien projetée, homogène mais elle manque un peu de couleur et l’on se dit qu’elle serait plus en valeur dans une musique moins théâtrale, plus intérieure, intuition qui est confirmée par son superbe air de Teofana (Ottone) en deuxième partie.

De théâtralité et de couleur vocale, Anthea Pichanick ne manque pas. Son Notte Cara est superbe d’intériorité et le travail de colorisation est remarquable. Juste quelques graves un peu laryngés dans ce premier air et, plus tard, dans un Barbaro ! d’anthologie, des fins de phrase sur le souffle un peu détimbrées trahissent probablement un peu de trac. Mais que ce chant est beau et que ce timbre, particulièrement dans le bas medium, est superbe !

Le trac, Paul-Antoine Benos-Djian en est victime aussi même si c’est sa posture qui le trahit et assez peu son chant. Confronté à la terrible écriture de Haendel pour Senesino, il triomphe crânement des difficultés dès son entrée dans Fra le stragi (Alessandro) : le timbre est instantanément séduisant, viril, la voix est très homogène, très bien projetée et d’une grande agilité. Le duo de Rodelinda sera particulièrement beau et le libère jusqu’à un Se fiera belva (Rodelinda) de fin de programme digne des meilleurs.

Un peu sur la réserve au début, le public a réservé un très joli succès, ô combien mérité, aux trois chanteurs de cette prometteuse soirée.



Publié le 30 nov. 2017 par Jean-Luc Izard