Carmina latina

Carmina latina ©Ivan Solano
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Baroque festif des Amériques

En introduction, Leonardo Garcia Alarcón prit la parole pour rappeler ses origines sud-américaines et son attachement particulier à ce programme. Il nous fit remarquer à juste titre la méconnaissance des musiques composées de l’autre côté de l’Atlantique, nous décrivit brièvement le programme comme composé « des musiques allant de l’église jusqu’à la fête se trouvant en dehors », et termina par un hommage à Gabriel Garrido, chef d’orchestre Argentin spécialisé dans le répertoire baroque italien et le patrimoine baroque d’Amérique du sud.

Ivan Solano

Le concert débute d'une manière originale. Sur scène quelques instrumentistes (violistes, harpiste, bassoniste) sont bientôt rejoints par un tambour qui résonne depuis le fond de la salle. Les chants s'élèvent, et les autres instrumentistes prennent place peu à peu pour le premier morceau de cette soirée. Débute alors un programme très éclectique, conformément à la promesse du chef : de la musique religieuse à la musique « traditionnelle », comme le Romerico Florido de Matheo Romero, dans lequel Mariana Flores, s'impliquant de tout son physique, nous régale d’un solo survolté, énergique et rythmé. La première pièce religieuse sera le Salve Regina à huit voix de Juan De Araujo, remarquablement exécuté par les solistes ainsi que le Chœur de chambre de Namur. Ce dernier a fait preuve tout au long de ce concert d'une remarquable homogénéité, avec des voix bien identifiables même dans les morceaux les plus complexes.
Côté instruments l’Ensemble Clématis a montré sa bonne maîtrise du répertoire. Ses deux guitaristes ont su tenir la distance, rythmant chaque pièce avec précision. Au sein d'un solide continuo, il convient de mentionner tout particulièrement les violes de gambes, qui allièrent la stabilité de la ligne à une belle expressivité dans l’interprétation. Le cornettiste s'est montré à la hauteur de son brillant instrument, avec un jeu doux et un timbre puissant, doublant magnifiquement les sopranos lors des chœurs. La harpe, fréquemment effacée dans d'autres formations, était cette fois bien présente. En revanche nous avons regretté un violon difficilement audible même dans les premiers rangs, hormis quand il intervenait quasi seul.
La direction de Leonardo Garcia Alarcon s'est montrée très dynamique, alternant avec ses interventions sur un clavecin discret mais bien présent. L'intensité avec laquelle il s'était approprié cette musique s’est ressentie tout au long du concert. C'est avec une énergie débordante qu'il a justifié son programme, habile alternance de musiques religieuses, festives, qui rend hommage au contrepoint caractéristique de ces contrées et à ces rythmes si originaux dans la musique baroque. En outre cette alternance a le mérite de surprendre continuellement le spectateur, pour mieux l'entraîner dans la réjouissance générale.
Les artistes participent totalement à cette réjouissance : ils s’amusent, se regardent, jouent, dansent. Une soprano du Choeur de Namur s'est elle-même accompagnée de castagnettes pour mieux célébrer la fête. Même les instrumentistes ne peuvent se retenir de se balancer aux rythmes de cette musique endiablée ; ils rient, sourient. Il est rare de voir autant de joie et de bonne humeur sur scène lors de concerts classiques ! Et tous étaient au rendez-vous et retrouvaient leur calme lors des cadences, pour ainsi finir chaque pièce de la manière la plus harmonieuse possible.

Ivan Solano

Concernant les solistes, le jeune contre-ténor Leandro Marziotte nous a enchanté tout au long de son concert. Son timbre clair, ses aigus nets et aisés nous ont permis d’apprécier au mieux ces musiques. Côté ténor la voix puissante d'Emiliano Gonzales Toro résonnait avec chaleur dans la salle. La soprano Mariana Flores nous a régalé de sa belle voix, juste, dont les légères stridences soulignaient les ornementations de la musique. Nous avons en revanche regretté le manque de projection et d'assurance de la basse Matteo Bellotto, peut-être dû à une méforme passagère.
À la suite de ce merveilleux concert, le chef a offert non deux, mais trois bis à un public enthousiaste ! Le premier était une reprise d’un morceau du concert, dans lequel une chanteuse et un chanteur du chœur de chambre de Namur nous ont dansé un flamenco sur l’arrière scène. S’ensuivirent deux morceaux de musique du XXème siècle, le premier avec Quito Gato à la guitare classique, et Mariana Flores au chant, une pièce d’une douceur exceptionnelle Alfonsina y el mar, puis un troisième bis avec ce même guitariste et Emiliano Gonzales Toro, pour une pièce écrite par le compositeur Péruvien Chabuca Granda (La flor de la canela). Cette chanson d’amour brillamment exécutée nous a plongé dans une atmosphère de sérénité pour conclure ce concert plein de passion.

Publié le 28 déc. 2015 par Hippolyte DARISSI