Haendel - Patrizia Ciofi

Haendel - Patrizia Ciofi ©A. Bloom/ Virgin Classics
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Une leçon de chant

Ce concert de celle qui est une des plus grandes sopranos du moment était alléchant à plus d'un titre. Son programme tout d'abord, entièrement consacré à Haendel, pour une colorature qui est surtout connue pour son répertoire bel cantiste XIXème siècle. Ensuite, la proximité calendaire avec le concert de Sonya Yoncheva, donné ici même une semaine plus tôt sur un programme également haendelien (lire notre compte-rendu : Sonia Yoncheva.

Dès le premier air (Rodelinda), on est saisi par un travail très proche de la déclamation, qui tire rapidement parti de l'ingrate acoustique de la Philharmonie pour la voix. Technique sûre qui produit des trilles ciselés et ses fameux aigus si reconnaissables à la fois rayonnants et comme étranglés. Le deuxième air confirme la grande forme de Patrizia Ciofi. Cet Ombre pallide est dépouillé et précis, sans aucun effet superflu mais avec une infinité de nuances. C'est bouleversant. Et d'une façon générale, le travail d'interprétation est tout à fait remarquable. Le style est précis et d'une grande netteté, très baroque, alliant déclamation dépouillée et ornementations échevelées des da capo. Les aigus sont beaux, toujours très justes. Les pianissimi sont aériens et jouent à fond sur l'acoustique de la Philharmonie ; dans Ah, mio cor..., ils semblent comme des sanglots.

Si le Vo far guerra d’Armide a semblé un peu en dessous avec ces longs passages de clavecin qui sonne mal à la Philharmonie et une Patrizia Ciofi moins inspirée, l'excellence est de retour avec un Furie terribili tout à fait terrifiant, d'une exactitude impitoyable. Les deux airs de Cléopâtre sont une véritable leçon de chant : là aussi, la technique est tellement impressionnante qu'elle disparaît totalement à l'écoute. L'interprétation est proprement bouleversante et le chant la sert avec une immense intelligence. Les ornementations sont délicates et élégantes mais trahissent aussi un goût réel pour la prise de risques.

Les bis la trouvent complètement libérée. Le Tornami a vagheggiar nous apporte un florilège de notes piquées et une parfaite osmose avec l'orchestre qui reprend les ornementations. Enfin une reprise du Furie terribili, encore plus échevelée, comme un cri, avec ses notes perçantes et glaçantes.

Il Pomo d’Oro, bien que desservi par une acoustique insuffisamment sèche qui n'est vraiment pas propice à la musique baroque, est vif, énergique, enthousiaste. La direction de Maxim Emelyanychev se livre à quelques audaces inhabituelles mais qui sont des réussites et qui s'accordent pleinement au chant de Patrizia Ciofi. Le Hasse fut très beau et très emblématique de l'enthousiasme de cette formation.

Cette belle soirée s'achève en triomphe pour une Patrizia Ciofi ayant dompté l'acoustique de la Philharmonie.



Publié le 01 mai 2017 par Jean-Luc Izard