Sonates pour violon et clavecin - Bach

Sonates pour violon et clavecin - Bach ©Antoine Thiallier
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Libertà a due !

Fervent admirateur de Arcangelo Corelli et Antonio Vivaldi, Jean-Sébastien Bach a été fasciné par la liberté exubérante de la musique italienne. Comme il était d’usage dans son cercle familial, la sonate était un genre qu’il pratiquait quotidiennement, qu’il soit au clavier ou au violon. C’est ce génial aspect du compositeur que veut faire découvrir la fratrie que forment Emmanuel Resche-Caserta, violoniste, Gabrielle Resche, claveciniste. Ils sont cet après-midi invité à se produire devant le public du festival Bach en Combrailles, réuni en l’église Saint-Benoît de Pontgibaud.

Avec la Sonate pour violon et clavecin obligé BWV 1019, Emmanuel Resche-Caserta montre une grande aisance, jouant dans tous les sens du terme sur son violon, dont on apprécie le timbre chaleureux. Le toucher de Gabrielle Resche est également facile et net, dont les rythmes sautillants sont soutenus par un timbre métallique sans acidité, ce qui donne à l’instrument son aspect raffiné. Son intensité sonore est peut-être un rien en-dessous par rapport à celui du violon, ce qui peut rendre difficile l’équilibre pour l’auditeur se situant en fond de l’église. Dans le Largo, la conduite des phrasés se fait sensible, presque émouvante, avec des couleurs sensibles et soignées. Les deux musiciens, et particulièrement le violoniste, font preuve d’un beau geste musical, apportant un véritable sens à leur discours. Le mouvement Cantabilie ma non troppo, par ses rythmes syncopés et très expressifs, demande une extrême rigueur. Et dans les mouvements les plus lents et les plus expressifs, les intentions des deux musiciens ne semblent pas être parfaitement les mêmes : le violoniste s’épanche naturellement davantage tandis que la claveciniste tient à sa régularité, qui ne manque néanmoins pas d’expressivité. Il en ressort une synchronisation rythmique très légèrement imparfaite mais qui crée immédiatement une impression – trompeuse – de décalage, tant du point de vue rythmique que de celui harmonique, avec les nombreux retards et appogiatures voulus par le compositeur. On apprécie toutefois la belle énergie proposée pour le mouvement final Allegro, dans lequel l’archet saute agréablement sur les cordes.

L’auditeur ne peut être que charmé par les phrasés sensibles, l’attention portée à la propreté des accords et surtout les intentions colorées d’Emmanuel Resche-Caserta dans la Sonate pour violon seul sans basse. Il fait également entendre un très beau grain de son dans les graves et un zeste d’acidité dans les aigus qui lui permet une certaine brillance. Bien que la difficulté de la fugue soit grande, le violoniste joue avec une apparente aisance, malgré une corde de mi qui fait parfois le caprice de ne pas vouloir sonner, particulièrement sur les poussés. Quoiqu’il en soit, la musique respire et le musicien réussit à partager son expérience de l’œuvre, bien au-delà de ses difficultés techniques.

Le premier mouvement de la Sonate pour violon et clavecin obligé BWV 1017 est très lyrique, surtout grâce au langoureux rythme qu’est la sicilienne. On peut toutefois regretter la différence d’intentions, de nouveau patente, entre les deux musiciens qui ne semblent pas encore avoir trouvé le compromis idéal entre épanchement et respect de la régularité du tempo. La Toccata BWV 914 est l’occasion d’entendre Gabrielle Resche seule, et d’apprécier notamment la netteté de son toucher. Ses élans se font démonstratifs, à l’image de ce que l’on peut se faire de la musique italienne. Malgré quelques maladresses lors de la fugue – ce qui est facilement pardonnable au clavecin, dont la résonance est bien plus discrète qu’à l’orgue par exemple –, les phrasés restent toujours justifiés et les ornements enrichissent le discours avec une certaine audace.

Pour la Sonate pour violon et basse continue BWV 1021, le public a le privilège de pouvoir admirer dans son programme le manuscrit des trois premiers mouvements. Il peut également suivre ainsi l’interprétation des musiciens sur la partition originale et d’en apprécier les talents d’ornementations, surtout lors des reprises. Lors du mouvement final Presto, ce sont les pianissimi profonds du violon qui finissent par charmer l’auditeur. En bis, le duo propose d’entendre de nouveau le dernier mouvement de la sonate BWV 11019, offrant ainsi la possibilité de comparer les différences entre une sonate avec basse continue et une sonate avec clavecin obligé. On remarque effectivement que la sonate avec clavier obligé offre un réel dialogue entre les deux instruments, considérés comme l’égal de l’autre. Un partage sensible d’un réel travail musicologique que le public ne peut que grandement apprécier !



Publié le 22 août 2021 par Emmanuel Deroeux