Bach & Co - Les Accents

Bach & Co - Les Accents ©Antoine Thiallier
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La fougue des Accents en clôture de Bach en Combrailles

« Du jour où a été reconnue la grandeur de J.-S. Bach, tout ce qui était grand de son temps est devenu moins que rien », écrivait Romain Rolland pour défendre Telemann. Il est vrai que la musique de Jean-Sébastien Bach est aujourd’hui considérée comme le modèle par excellence de la musique baroque germanique, voire européenne. Pourtant, à son époque, sa notoriété, bien que reconnue, restait bien loin de celle de certains de ses contemporains et amis, à commencer par Georg Philipp Telemann. Loin de vouloir opposer les géniaux compositeurs, l’ensemble Les Accents, sous la direction de leur fougueux chef-violoniste Thibault Noally, propose de sortir certains de ces musiciens de la poussière et les mettre en regard avec l’œuvre de Bach, qui souvent les étudia avec estime. Pour le concert de clôture du festival Bach en Combrailles, l’ensemble interprète une partie de son travail qui a fait l’objet d’un enregistrement Bach & Co.

Les toutes premières notes du Concerto pour violon et hautbois de Johann David Heinichen, Kapellmeister de l’orchestre de Dresde, sont immédiatement portées par une énergie débordante, créant ainsi beaucoup de reliefs : des accents appuyés, sans sécheresse, du souffle dans les phrasés… de la vie ! Thibault Noally et le hautboïste Patrick Beaugirard dialoguent joliment, le premier faisant particulièrement entendre un violon brillant et vif. Les violons et l’alto, debout, et le reste de l’ensemble font également preuve d’une vivacité qui est aussi agréable à voir qu’à entendre. Séduit par cette mise en bouche, on souhaiterait entendre la suite de ce concerto, malheureusement inachevé.

Fort heureusement, le public a droit ensuite droit au sublime Concerto pour violon en la mineur de Bach. Si parfois on pourrait souhaiter que le violon de Thibault Noally soit plus sonore, on ne peut qu’apprécier ses phrasés animés et ses intentions tout à fait charmantes. Le mouvement Andante se fait affirmé, l’expressivité ne se voulant pas dans un pathos superficiel, mais par un accompagnement assez franc qui contraste avec le chant du soliste. Cela donne une impression de fatum en arrière-plan sur lequel se lamente le violon. Tout en jouant, Thibault Noally dirige à la manière d’un premier violon, c’est-à-dire par ses gestes musicaux visibles dans sa gestuelle et son corps mouvant, mais prend également son archet lorsqu’il ne joue pas pour assurer la conduite et le tempo. D’une manière générale, son excellent ensemble n’a pas besoin d’une direction précise et superflue. Il fait justement preuve d’un même geste musical permettant une superbe homogénéité de son ainsi que des dynamiques comme si les musiciens ne faisaient qu’un. Le mouvement final Allegro assai est aussi alerte et vivant que les précédents mouvements rapides, dans lesquels excelle indéniablement Les Accents. Il est fort appréciable de remarquer que, lorsque le soliste joue la même parie que la violon 1, leurs archets suivent exactement les mêmes emplacements et vitesse, preuve d’un important travail qui, malheureusement, n’est pas toujours aussi pointu même dans les plus grands ensembles.

Avec le Concerto pour violon et traverso de Georg Philipp Telemann, Les Accents nous emportent dans un tout autre univers, moins brillant peut-être, mais très raffiné, notamment grâce au jeu léger du traversiste Jean Bregnac. Le premier mouvement lent Adagio fait entendre un très beau dialogue entre le violon et le traverso, innocent et tendre, tel un dialogue amoureux d’adolescents. Puis le Presto contraste avec plein d’effets de reliefs frémissants. Thibault Noally fait démonstration de sa grande virtuosité, dans ce mouvement aussi court qu’il a été rapide. Après un Adagio nostalgique, tous les musiciens font à leur tour preuve de leur très belle maîtrise instrumentale avec un impétueux Allegro final.

Thibault Noally tient à s’excuser de leurs fréquents accords, leurs instruments baroques étant particulièrement sensible à la chaleur et à l’humidité, ce que l’on retrouve ce soir à Pontaumur. Néanmoins, la vigilance et l’exigence des instrumentistes ne permet en aucun cas que le concert ne souffre de défaut de justesse. Il est vrai que certaines cordes aiguës semblent parfois trahir une certaine fatigue en ne voulant pas sonner, mais cela reste occasionnel et ne dérange en rien le discours musical.

La deuxième partie de concert fait entendre trois concerti de Bach très différents les uns des autres, également mis en miroir avec les œuvres précédemment interprétées. Outre les qualités déjà citées, on se souviendra du très touchant mouvement Largo du Concerto pour violon en sol mineur ou le charme, une fois encore, du traverso dans l’Adagio du Concerto Brandebourgeois n°5. Lors du premier mouvement de cette même œuvre, le claveciniste Mathieu Dupouy a son moment de gloire avec un long solo, parfois un rien précipité et maladroit, alourdissant le phrasé, mais dont on ne peut nier l’agilité et l’interprétation engagée. Il est également très agréable de regarder les archets des musiciennes (car, outre les solistes et le claveciniste, les Accents est à majorité féminine) danser et sauter sur les cordes avec finesse et précision.

Ce concert marquant la fin du festival Bach en Combrailles, son directeur Vincent Morel tient à rappeler les trois valeurs du festival : l’audace, l’exigence et la transmission. Trois valeurs pour lesquelles on ne peut se sentir sensible et se montrer reconnaissant de tout le travail accompli. Ce sont d’ailleurs ces fortes valeurs qui rassemblent tout une équipe de bénévoles passionnés sans lesquels les 24 évènements du festival ne pourraient avoir lieu. Invitée devant la scène, le public l’applaudit chaleureusement. Vincent Morel donne donc rendez-vous au public, adoubé ambassadeur du festival, pour la XXIIIe édition qui aura lieu du 8 au 13 août 2022. Elle promet d’ores et déjà une programmation alléchante, avec notamment, en concert de clôture, le Magnificat de Bach. A l’année prochaine donc pour de nouvelles explorations dans l’univers incroyable de Bach !



Publié le 28 août 2021 par Emmanuel Deroeux