Contrapunctus - Les Récréations

Contrapunctus - Les Récréations ©
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Science et sensibilité de la musique contrapuntique

Le festival Bach en Combrailles, par la voix de son directeur Vincent Morel, est fier de pouvoir accueillir des artistes qui, fort de leur travail musicologique approfondi et de leur maîtrise instrumentale, sont ensuite capables de faire jaillir la musique dans toute sa sensibilité, au-delà de ces questions, certes fondamentales mais techniques. C’est justement le cas de l’ensemble Les Récréations, invité cet après-midi en l’église Saint Mamert de Montel-de-Gelat, dans laquelle les spectateurs sont invités à découvrir, à l’issue du concert, la remarquable Mise au tombeau du XVe siècle. Ce quatuor à cordes – bien que cette appellation soit anachronique – se consacre aux œuvres dont l’écriture est à quatre parties, manifestant ainsi la véritable science qu’est le contrepoint (le procédé de composition de plusieurs mélodies juxtaposées). Si Jean-Sébastien Bach est souvent et justement érigé en génial maître incontesté du contrepoint, notamment par son recueil Kunst der Fuge (L’Art de la fugue), cet art repose sur des modèles datant de la Renaissance. C’est ainsi que Les Récréations proposent aujourd’hui un programme autour de Contrapunctus de la Kunst der Fuge en regard avec des œuvres de compositeurs précédents, de Pierluigi Palestrina à Henry Purcell en passant par Alessandro Scarlatti.

Le concert débute donc par le Ricercare del primo tono de Palestrina, dans lequel les quatre musiciens démontrent immédiatement un son d’ensemble homogène tout en permettant une bonne distinction des voix, sublimant ainsi une harmonie très belle. Plus encore, ils font preuve d’un véritable geste musical qui fait que la musique respire et transporte. Suivent les Contrapunctus I et IV, où le jeu intellectuel de la fugue, de ce sujet qui se passe d’une voix à une autre, est absolument jouissif. Quel véritable plaisir pour l’auditeur d’entendre et de reconnaître, ce court thème, surtout lorsqu’il est interprété avec sensibilité et phrasés. C’est également très appréciable de pouvoir voir ce jeu en regardant les instrumentistes. On découvre le compositeur anglais Matthew Locke et sa Suite en ré Majeur, avec ses rythmés dansés lors de laquelle on peut se demander comment une écriture qui est le fruit de l’esprit peut ainsi atteindre l’âme. L’oreille semble en tous cas atteindre la perfection. C’est justement avec la Fantasia en ré mineur de Purcell que le mélomane attentif se rend sans doute compte du prix de ce résultat : une attention des musiciens extrême. Car cette musique est bien plus difficile qu’elle n’y paraît, les repères n’étant pas du tout aussi évidents que pour œuvre homorythmique, où les rythmes de chaque voix sont les mêmes et que l’oreille peut aisément se repérer par les règles naturelles de l’harmonie.

Dans la poursuite de l’exploration de l’art du contrepoint avant Bach, on peut également se montrer ravi de découvrir le compositeur italien Giovanni Maria Trabaci dont les harmonies profondes et intenses de la Durezze e ligature sont assez émouvantes. Il en est de même avec la Gagliarda del Principe di Venosa de Carlo Gesualdo qui offre au consort l’occasion de montrer leurs talents de virtuoses, avec d’élégantes fusées et autres vifs ornements. Ils font également preuve de délicatesse et de très tendres voire nobles couleurs avec la Sonata a quattro senza cembalo (sonate à quatre sans clavecin) d’Alessandro Scarlatti. Avec la Fantasia de Michael Praetorius puis le Contrapunctus XI de Bach, on apprécie une dernière fois ce jeu d’entendre un calme et fier sujet se détacher d’un environnement frémissant. C’est avec le fils d’Alessandro, Domenico Scarlatti, que Les Récréations terminent en bis le concert, avec une retranscription de son élégante et plutôt lyrique Sonate en si mineur K 87 pour pianoforte, tout aussi manifeste de l’art du contrepoint que l’on rencontrait chez le père. Un art et une science qui ne cesse d’émerveiller, encore aujourd’hui !



Publié le 20 août 2021 par Emmanuel Deroeux