Gala des 20 ans du Concert d’Astrée

Gala des 20 ans du Concert d’Astrée ©
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Emmanuelle Haïm sur ses terres

Un gala d’anniversaire est toujours très difficile à chroniquer, en raison du manque de continuité dramatique du concert, inhérent à l’exercice. Il s’agissait donc ce soir de célébrer les 20 ans du Concert d’Astrée, avec la participation (gracieuse) d’une bonne vingtaine d’artistes de renommée internationale. Le concert était donné au profit de l’Institut du Cerveau.

Pour ce concert-célébration, Emmanuelle Haïm est strictement restée sur ses terres baroques et ses compositeurs d’élection : Rameau et Haendel, avec de brèves incursions vers Campra et Purcell. La démonstration de la parfaite maîtrise de ce répertoire par la cheffe et son ensemble a été administrée sans coup férir. Sublimant les pages du programme sans exception, le Concert d’Astrée a fait étalage de ses qualités de coloration, d’équilibre, de sensibilité, de dynamisme et d’énergie. On soulignera en particulier la superbe prestation du chœur, notamment les voix d’hommes, dont l’homogénéité et les qualités d’interprétation sont remarquables.

Côté chanteurs, le plateau était également très remarquable même si on a été déçu par un Villazon dont la voix expose désormais des limites plus qu’évidentes qui ne lui permettent guère de s’aventurer au-delà du medium, et par un Tassis Christoyannis dont les graves étaient insuffisants et peu sonores. Mathias Vidal était souverain dans Rameau avec son phrasé ample et son impeccable diction, en particulier dans l’air de Dardanus Lieux funestes. La redoutable technique de Sabine Devieilhe a fait merveille dans l’air de Phani des Indes galantes et dans les parties de Belleza du Tempo. Anicio Zorzi Giustiniani a été très émouvant dans l’Oronte d’Alcina, son timbre italien faisant chatoyer la partition. Laurent Naouri a été impressionnant dans Hippolyte et Aricie et Nathalie Dessay a dispensé une véritable leçon de chant et d’interprétation dans Ombre pallide (Alcina). Mikhail Timoshenko était impeccable dans Monstre affreux (Dardanus) dont il affronte avec bonheur les notes les plus graves. Sandrine Piau a fait une fois de plus la démonstration, comme Mathias Vidal, de l’excellence de l’école baroque française, que ce soit dans Rameau ou dans Haendel, que ce soit dans les ensembles ou les airs solos. Jarrett Ott était impressionnant de projection et de précision, très engagé et « rageux » à souhait dans l’air d’Argante (Rinaldo). Andrea Mastroni s’est manifestement beaucoup amusé à jouer de son ambitus et de son agilité dans le Fra l’ombre e gl’orrori de Polifemo, usant (abusant ?) de changements de registres pour accentuer les sauts.

Les plus passionnants ont été Emőke Baráth et Carlo Vistoli. La première était sublime dans l’air de Theodora dans lequel se déployait une voix pleine et très homogène, toute en expressivité contenue. Carlo Vistoli a été impressionnant dans le redoutable A dispetto d’un volto ingrato (Tamerlano), monument de précision et de d’agilité, orné avec un gout très sûr et exécuté avec une rapidité diabolique. Ensemble, ils étaient bouleversants d’amour dans le duo Caro / dolce, amico amplesso.

Au final, un Allelujah du Messie exécuté en associant le public et avec les chanteurs dans la salle a conclu une belle soirée, très applaudie !



Publié le 19 nov. 2021 par Jean-Luc Izard