Concert imaginaire - Bach

Concert imaginaire - Bach ©Christophe Pean
Afficher les détails
Le tendre « concert imaginaire » d’œuvres de Bach

Le festival Bach-en-Combrailles ouvre sa 20ème édition avec un concert évidemment entièrement dédié au compositeur auquel il rend hommage chaque année : Jean-Sébastien Bach (1685-1750). Celui-ci a inspiré au violoniste Guillaume Rebinguet Sudre un « concert imaginaire » qu’il interprète ce soir avec son Ensemble baroque Atlantique.

Dans l’Allemagne du XVIIIe siècle, les musiciens interprétaient avec les instruments qu’ils avaient à leur disposition, sans alors pouvoir respecter scrupuleusement les indications instrumentaires des compositeurs. Ceux-ci étaient même les premiers à transcrire leurs propres œuvres, selon les instruments et instrumentistes disponibles et parfois aussi selon leurs envies. Il était fréquent, dans la grande famille Bach, de pratiquer la transcription. Cette pratique est également une intéressante redécouverte des œuvres, obligeant à comprendre l’intelligence de chaque ligne mélodique et sa place dans un ensemble magnifiquement homogène et équilibré. Le génie de J.S. Bach se manifeste sans aucun doute dans les incessantes redécouvertes que dévoilent ces nouvelles versions de ses œuvres.

Le public installé et les musiciens accordées, la charmante église du Prieuré de Saint-Hilaire-la-Croix s’emplit du son d’une pédale du violoncelle, sur laquelle Guillaume Rebinguet Sudre semble improviser la Sonate pour violon et basse BWV 1023, le violon de Simon Pierre exécutant les réponses, en échos. Le son moelleux des trois instruments à cordes installe de suite l’auditeur dans une certaine intimité. Cette première transcription introduit sans pause le Concerto pour deux violons BWV 1043. L’enchaînement est cohérent harmoniquement mais l’est peut-être moins quant au caractère. Le premier mouvement Vivace souffre alors d’un tempo relativement lent, sans doute bienvenue dans l’acoustique de l’église. Le chant semble prendre le dessus sur le rythme, dont il manque une direction active, malgré l’énergique motif qui débute le thème de ce mouvement. On entend toutefois l’équilibre soigné de l’ensemble, ses intentions de couleurs et l’attention portée aux parties devant être mises en valeur. L’exposition du thème du sublime Largo ma non tanto par le second violon solo semble d’abord manifester un tempo qui avance, la réponse du premier violon solo est toutefois plus légère, voire aérienne. La couleur du phrasé proposé par Guillaume Rebinguet Sudre est très intéressante ; elle n’est toutefois pas vraiment acquise par les autres musiciens, notamment les basses, malheureusement un rien trop présentes. Les courbes mélodiques et les subtils jeux harmoniques de la musique de Bach sont indéniablement ravissants et s’y épandre est une douce tentation. Si céder à tendre péché est tout à fait pardonnable pour l’auditeur, il est moins pour l’ensemble qui semble perdre l’énergie impulsée en tout début de mouvement. Ainsi, malgré des intentions musicales certaines, ce Largo devient monotone. Le perfectionniste peut regretter quelques traits savonneux aux intonations douteuses, sans que cela ne gêne véritablement le discours musical. Le dernier mouvement Allegro permet de trouver plus de caractère, avec plus de mordant et d’attaques dans les cordes.

Il est certain que J.S. Bach appréciait énormément la chaleur du violoncelle. Pourtant, il n’apparaît dans son catalogue aucune œuvre concertante pour violoncelle et orchestre. Introduit par le tendre touché du claveciniste François Guerrier, dont le Praeludium en la majeur BWV 888 résonne agréablement sous les voûtes de l’église, le violoncelliste Étienne Mangot se joint à lui pour une transcription de la Sonate pour violon et clavier BWV 1015. Les deux instruments sonnent assez différemment : le clavecin fait entendre un son défini et clair, voire plus assuré ; les graves du violoncelle semblent se perdre dans l’acoustique, l’archet est – sans grande surprise – moins franc que les plectres sur les cordes, les aigus sont un peu âpres avec une corde de la qui siffle facilement – le risque de l’interprétation sur instruments anciens. Le Concerto pour violoncelle en la majeur, concerto imaginaire d’après le Concerto pour clavecin BWV 1015 présente un premier mouvement énergique et joyeux. L’acoustique ne valorise sans doute toujours pas le violoncelle, dont on ne comprend pas tout le discours, qui semble toutefois manifeste d’un beau phrasé et de virtuosité. Suivent ensuite un mouvement lent à l’expressivité touchante et un fier mouvement final.

La deuxième partie débute par une belle interprétation d’une Sinfonia Adagio assai, inspirée des cantates BWV 4 & 12. Le tempo lent n’empêche absolument pas une respiration naturelle et implicite qui fait oublier le temps et laisse toute sa place à l’harmonie sur laquelle chante, avec une inspiration quasi improvisée, le violon de Guillaume Rebinguet Sudre. Il enchaîne de suite avec le premier mouvement du Concerto pour violon en la mineur BWV 1041, où l’auditeur ressent avec clarté les directions, les intentions et les contrastes de la musique. Le deuxième mouvement Andante souffre un peu de la justesse parfois approximative des violoncelles mais est toutefois joliment défendu par les intentions intenses et parfaitement maîtrisées de Guillaume Rebinguet Sudre. On aurait pourtant souhaité des entrées parfois plus présentes, voire plus assurées.

Après un apaisant Sinfonia Largo, transcription de la Sonate en trio BWV 1038, l’effectif de deux violons avec basse continue est toujours mis à l’honneur avec une version en trio de la Sonate pour orgue BWV 530, où se répondent Guillaume Rebinguet Sudre et la violoniste Diana Lee, avec énergie dans les mouvements Vivace et Allegro, ou tendresse dans le mouvement central Lente. Pour les parties tutti, particulièrement lors du mouvement final, une partie d’alto a été créée, renforçant certaines ponctuations harmoniques et osant parfois aussi participer au discours contrapuntique en répondant discrètement aux mélodies des violons solistes. Le programme se termine en toute simplicité et douceur par le choral Was Gott tut, das ist wohlgetan BWV 99 (Ce que Dieu fait est bien fait).

Plébiscité, l’Ensemble Baroque Atlantique offre en bis le premier mouvement du Double concerto pour violons BWV 1043, avec un tempo allant et réjouissant, sans doute galvanisé par l’énergie heureuse du public.



Publié le 07 août 2018 par Emmanuel Deroeux