Trois concerti pour flûte - Les Contre-Sujets

Trois concerti pour flûte - Les Contre-Sujets ©Maéva Days
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Fougueux et élégant lever de rideau à l’Auditorium de Lyon

Fondé en 2012 et depuis remarqué par nombre d’institutions et festivals, le jeune ensemble baroque Les Contre-Sujets est de nouveau invité au lever de rideau d’un concert co-produit par l’Auditorium-Orchestre national de Lyon et le Centre culturel et de rencontre d’Ambronay. C’est dans la petite salle Proton de la Chapelle que les cinq musiciens invitent le public à un rapide tour d’Europe avec trois concerti pour flûte à bec.

Bien que l’on ait distribué à chaque spectateur une reproduction d’un manuscrit de la Sonate n° 8 de Georg Philipp Telemann (1681-1767) et que l’ensemble est régulièrement salué pour ses interactions avec le public, ce compositeur ne sera qu’indirectement à l’honneur ce soir. En effet, le cantor de Hambourg est connu pour être le maître des « goûts réunis », un amusant alliage du style français et de la follia italienne. Cet exercice de styles est à la mode jusqu’en France où exerce le flûtiste Jacques-Christophe Naudot (ca. 1690-1762) dont on découvre ce soir le Concerto n° 5. Le premier mouvement est un terrain de jeu où les violons dialoguent avec la flûte à bec. Les premiers défendent le fougueux style italien alors que la flûte adopte le raffiné style français.

La disposition des deux violons de part et d’autre de la scène produisent d’agréables effets de stéréophonie lorsqu’ils se répondent en écho. Lorsque la flûte joue, les autres musiciens portent un grand soin à changer la dynamique pour ne pas couvrir cet instrument peu puissant. Les changements de styles sont alors patents, sans paraître décousus, mais le timbre très doux de l’instrument à vent ne permet pas de tout comprendre. Pourtant, l’investissement et la musicalité de Samuel Rotsztejn est indéniable, par sa gestuelle très expressive. Dans le second mouvement, son chant est très joli mais il demande à l’auditeur l’effort d’une écoute toujours active pour l’apprécier. Il suffit d’un bref moment de passivité pour que l’oreille se raccroche au son plus audible des cordes, qui correspond à leurs gestes souples et élégants. Comme le concertiste est la flûte, le discours musical n’en est alors pas toujours très compréhensible. Le soliste paraît donc s’investir beaucoup pour être finalement peu audible ; peut-être pour être mieux compris. Si l’on apprécie la qualité de l’interprétation des violonistes Koji Yoda et Maya Enokida, il est toutefois étonnant d’entendre systématiquement, à la fin des trois mouvements, une note finale glissée depuis le demi-ton inférieur.C’est ensuite en Italie que l’ensemble fait étape, avec la Sonate en la mineur d’Antonio Vivaldi (1678-1741), où la flûte démontre une belle agilité. On y apprécie l’homogénéité et les beaux élans de la basse continue tenue par le violoncelliste Eric Tinkerhess et le claveciniste Takahisa Aida. C’est dans la Sonate en fa majeur de l’allemand Johann Friedrich Fasch (1688-1758) que le discours de Samuel Rotsztejn est plus intelligible, s’étant un peu rapproché du public en se plaçant sur le côté, à l’opposé des violons et jouant davantage dans l’aigu de son instrument. Après un premier mouvement lyrique puis un énergique deuxième mouvement, les cordes font entendre des spiccati glaçants sur lesquels s’exprime la flûte. Enfin, bien que concentrés, les musiciens interprètent un final avec vivacité et sourire.

Profitant du rappel, Samuel Rotsztejn invite la mezzo-soprano Ayado Yukawa, récemment récompensée du deuxième prix au Concours international de chant de Mâcon, pour terminer ce rapide voyage européen avec un air du compositeur anglais - sinon européen - Georg Friedrich Haendel (1685-1759). Pour accompagner la voix chaude de la chanteuse aux belles et claires vocalises, les instrumentistes se montrent très attentifs à ses phrasés et à l’équilibre, laissant libre cours à leur fougue lorsqu’ils ont la parole.

Grâce à ces jeunes musiciens assurément passionnés, les spectateurs de l’Auditorium partent heureux de ce court mais plaisant voyage baroque, en lever de rideau d’un concert, plus sérieux, commémorant la Passion du Christ.



Publié le 02 avr. 2018 par Emmanuel Deroeux