Bach - Consort Brouillamini

Bach - Consort Brouillamini ©
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Les charmes du consort de flûtes à bec

La violoniste Alice Julien-Laferrière ayant dû annuler son récital initialement prévu, le festival Bach-en-Combrailles propose à son public de découvrir le Consort Brouillamini, ensemble de cinq flûtes à bec, dans un programme « 100% Bach ». Le consort (ensemble d’une même famille d’instruments de différentes tailles et registres) de flûtes à bec a connu son âge d’or lors de la Renaissance et le début du Baroque. La flûte à bec connaît cependant un lent déclin dès 1680 avec l’apparition de la flûte traverso, mais reste appréciée des compositeurs, l’utilisant essentiellement comme instrument soliste. Les membres du Consort Brouillamini, issus du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon, ont eu à cœur de transcrire les œuvres de Jean-Sébastien Bach (1685-1750) pour leur effectif, pratique qui ne fut certainement pas rare au XVIIIe siècle.

La première transcription d’une œuvre « tube » de Bach qui résonne dans la ravissante église romane Saint-Bonnet de Miremont, édifiée en 1147, est celle du Concerto pour clavecin en sol mineur BWV 1058, inspiré du tout aussi célèbre Concerto pour violon en la mineur BWV 1041. La caractéristique première et évidente d’un consort est son homogénéité de timbre, ce que l’auditeur apprécie immédiatement, dont celui de la flûte est doux et velouté. Dans le premier mouvement Allegro, cette unité déstabilise toutefois un peu la distinction des différentes parties, dont l’agilité est adoucie par les attaques lisses de l’instrument. L’oreille de l’auditeur s’habitue-t-elle ou l’ensemble gagne-t-il en précision d’attaque au regard de l’acoustique de la petite église, assurément modifiée par l’occupation de l’espace par le public ? Quoiqu’il en soit, l’écoute s’améliore très rapidement. Dans la partie lente centrale, Andante, on a davantage loisir à découvrir la pertinence est pensée les différentes lignes mélodiques, deux flûtes se partageant celle de la basse et deux autres celle du superius – disposées de part et d’autre de la petite scène, d’où un effet de stéréophonie –, afin d’optimiser la gestion du souffle. Cette transcription invite alors à une nouvelle et intéressante lecture de la partition. Le troisième mouvement Allegro assai manifeste l’agilité des musiciens. Toutefois, leur instrument ne permet pas la mise en relief dont on a l’habitude avec l’œuvre originale.

Après une brève présentation de l’ensemble par le flûtiste et transcripteur Guillaume Beaulieu, les musiciens changent rapidement de positionnement, échangeant leurs flûtes et la direction de l’ensemble pour présenter le Prélude en sib mineur BWV 867 et la Fugue en do# mineur BWV 849, tous deux extraits du premier livre du Clavier bien tempéré. On y apprécie particulièrement l’écriture polyphonique, avec le serein accompagnement harmonique du prélude et les entrées distinctes de la fugue. Lors du Concerto pour orgue en la mineur BWV 593, lui-même transcription du Concerto pour deux violons RV 522 d’Antonio Vivaldi (1678-1741), le relief de l’Allegro se créé par la musique elle-même, n’ayant pas besoin d’intentions qui seraient superflues et que la flûte ne peut avoir. Seuls quelques courtes dilatations du temps produisent volontairement quelques élans nouveaux. Le tempo de l’Adagio semble d’abord un peu incertain mais il en ressort très vite une sensibilité toute particulière, notamment grâce aux regards attentifs de certains pour préserver l’homogénéité et la précision d’ensemble. La virtuosité de l’Allegro est admirable, surtout quant à la bonne gestion du souffle. Le public en est bien conscient, félicitant les musiciens par de chauds applaudissements.

Le Concerto pour deux clavecins BWV 1060 est une transcription intéressante, particulièrement lors du premier mouvement où les voix se mêlent et se répondent avec malice. Les deux mouvements suivants sont de belles interprétations mais on sent globalement une certaine fatigue, que l’on peut sentir par quelques tout petits manques de concentration lors du mouvement central et un troisième mouvement un peu moins intéressant. Le programme se poursuit heureusement avec deux chorals en effectifs réduits : Dies sind die heilgen zehn Gebot BWV 678 (Ce sont les dix commandements sacrés) et Nun komm der Heiden Heiland BWV 659 (Viens maintenant, Sauveur des païens). L’ensemble termine enfin par le virevoltant Concerto pour orgue en ré majeur BWV 972, transcrit lui-même du Concerto pour violon RV 230 de Vivaldi.

Le public charmé montre sa reconnaissance par de chaleureux applaudissements, eux-mêmes récompensés par le troisième mouvement du Concerto pour clavecin BWV 1058 offert en bis, qui leur vaut de nouveau de forts applaudissements.



Publié le 14 août 2018 par Emmanuel Deroeux