Coronation Anthems - Haendel
© ars.essentia Afficher les détails Masquer les détails Date: Le 26 juil. 2024
Lieu: Basilique Notre-Dame de Beaune. Concert donné dans le cadre du 42ème Festival International d’Opéra Baroque et Romantique de Beaune
Programme
- Georg Friedrich Haendel (1685-1758) : Dettingen Te Deum, HWV 283
- Coronation Anthems : Zadok the priest, HWV 258
- My heart is inditing, HWV 261
- Let thy hand be strengthened, HW 259
- The King shall rejoice, HWV 260
Distribution
- Ensemble Le Concert Spirituel :
- Chœur :
- Sopranos : Marie-Pierre Wattiez, Agathe Boudet, Gwenaëlle Clemino, Marie Griffet
- Altos : Lucia Nigohossian, Alice Habellion, Damien Ferrante, Gabriel-Ange Brusson
- Ténors : Randol Rodriguez Rubio, Martin Candela, Gauthier Fenoy
- Basses : Benoît Descamps, Jérôme Collet, Samuel Guibal
- Orchestre :
- Violons I : Solenne Guilbert, Augustin Lusson
- Violons II : Stéphane Dudermel, Tiphaine Coquempot
- Alto : Alain Pégeot
- Violoncelle : Tormod Dalen
- Contrebasse : Luc Devanne
- Hautbois : Héloïse Gaillard, Luc Marchal
- Basson : Nicolas André
- Trompettes : Jean-François Madeuf, Jérôme Princé, Joël Lahens
- Orgue : François Saint-Yves
- Percussions : Morgan Laplace-Mermoud
- Direction : Hervé Niquet
Musiques Royales de Grande Bretagne par Hervé Niquet et le Concert SpirituelLe Dettingen Te Deum HWV 283 fut commandé à Haendel pour célébrer la bataille de Dettingen qui vit la victoire de l’Angleterre et ses alliés hanovriens et autrichiens sur l’armée française le 27 juin 1743. Le Te Deum fut exécuté le 27 novembre 1743 dans la chapelle royale du palais Saint-James. Cet ouvrage visait indiscutablement à exalter la puissance de la couronne britannique.
En 1741 Haendel cesse de composer des opéras italiens. Il se consacre désormais à l’oratorio, la musique d’église et à des œuvres de circonstances. C’est ainsi qu’en 1741, peu après l’échec de son dernier opéra Deidamia, Haendel se consacre à l’écriture du Messie (Messiah, HWV 56) qui remporte un succès mitigé du moins au début avant de conquérir toute l’Europe. Les oratorios se succèdent ensuite avec des fortunes diverses et le Dettingen Te Deum s’inscrit donc dans ce contexte de spectacles d’inspiration religieuse. L’accueil du public fut très favorable.
Les Coronation Anthems rassemblent quatre hymnes HWV 258 à 261, composés par Haendel en 1727 pour célébrer le couronnement du roi Georges II de Grande Bretagne et de la reine Caroline, cérémonie qui eut lieu le 11 octobre 1727. Rappelons à ce propos que grâce à un acte de naturalisation signé par Georges Ier avant de mourir en 1727, Haendel devint citoyen britannique ce qui lui permit de composer ces Coronation Anthems. Ces dernières poursuivent le même but que le Dettingen Te Deum qui est de glorifier la couronne britannique. Comme au temps de Louis XIV en France, la musique facile à apprécier par un large public, était, bien plus qu’une initiative politique aisément contestable, susceptible de rallier la population au pouvoir royal.
Bien que composés à des époques différentes, le Dettingen Te Deum et les Coronation Anthems possèdent beaucoup de points communs et forment un tout homogène. Mon confrère Stefan Wandriesse a récemment écrit un remarquable article sur l’enregistrement de ces deux œuvres par les mêmes interprètes.
Le Te Deum HWV 283 en ré majeur, hymne de louange, débute par deux morceaux très puissants dans lesquels les trompettes confèrent à la musique un caractère grandiose ce qui est approprié pour chanter la gloire du Père éternel. Dans la section n° 3, les Anges et toutes les puissances célestes sont glorifiés. La musique consiste en un dialogue solennel dans le mode mineur entre les voix de sopranos piano et les basses forte. Les harmonies deviennent parfois modales. Les trompettes reviennent dans la section suivante où sont célébrés Chérubins et Séraphins. La section 5 débute par un dialogue entre voix graves et altos au-dessus d’une basse instrumentale très agitée ; elle célèbre les prophètes, les martyrs et l’Eglise sainte. Un chœur éclatant et des trompettes glorifient ensuite le Christ, roi de Gloire. Les sections suivantes alternativement très douces, dramatiques et joyeuses sont une profession de foi dans laquelle sont évoquées l’incarnation, la crucifixion et la résurrection du Sauveur respectivement. La section 10 débute par une vibrante sonnerie de trompettes, vient ensuite un chant d’action de grâces. La fin de ce passage reprend un air pour trompette du Messie contemporain et la section se termine par une fugue très savante. Après une dernière supplication, le monologue très expressif des basses dans le mode mineur accompagné par les batteries des cordes, la péroraison finale, Oh Lord, in Thee have I trusted (Oh Seigneur, en Vous j’ai cru), est grandiose.
On reste dans le même esprit avec les Coronation Anthems. Hervé Niquet a changé l’ordre des motets afin de terminer par le plus célèbre d’entre eux, Zadok the Priest. Les textes sont tirés du Livre des Rois et de quelques psaumes de l’Ancien Testament. Dans tous les motets on remarque l’usage de « gimmicks », courtes formules musicales répétées qui attirent l’attention et se gravent aisément dans la mémoire.
The King shall rejoice HWV 260 est basé sur un texte du psaume 21. Il débute par des dialogues très harmonieux entre altos, sopranos, ténor et basses. La double fugue qui suit, Tu as posé sur sa Tête un diadème d’or, est jubilatoire. Ce motet se termine par un Alleluia éclatant. Les sopranos entonnent l’acclamation de louange tandis que le chœur répète la première syllabe du mot Alleluia. L’effet est grandiose.
Let thy hand be strengthened HWV 259 (Ta main est forte). Le texte de ce motet provient du psaume 89. Il débute en sol majeur par une belle introduction des cordes suivie de l’entrée des altos. L’alliage des voix graves de femmes et des cordes génère une euphonie très séduisante. Un rythme lombard sur une quinte constitue un motif récurrent. On passe en mi mineur et les voix chantent avec douceur une mélodie mélancolique. Un grandiose Alleluia consistant en une double fugue savante, met un point final à ce motet.
Le texte de My heart is inditing HWV 261 repose sur le psaume 49. Le motet débute par un dialogue entre ténors et altos. C’est un morceau pastoral qui se poursuit par un chœur d’une douce sonorité produisant un très bel effet. On entend un motif répété : trois brèves et une longue, qui donne de la personnalité à cet épisode. L’Allegro vivo qui conclut le motet sur les paroles, Et à ta droite, se tient la Reine, sous les ors d’Orphirs est vigoureux. Il n’y a pas d’Alleluia. La présence féminine de la Reine exclut toute musique guerrière. Les trompettes interviennent cependant à la fin.
Zadok the priest HWV 258 dont le texte provient du Premier Livre des Rois, débute par une vibrante introduction en arpèges des cordes piano. Les sept voix du chœur interviennent fortissimo, passage électrisant qui est devenue l’hymne officiel de la Ligue des champions de l’UEFA ! La tonalité de ré majeur se maintient jusqu’à la fin. Ce motet fut joué lors de l’onction du souverain et cet hymne national est joué lors de chaque cérémonie de couronnement britannique.
Ces œuvres sont généralement exécutés par des masses chorales (150 choristes lors de la création) et instrumentales très importantes. Selon certaines sources, 12 trompettes auraient même été prévues lors d’un concert du vivant de Haendel. Au cours du concert du 26 juillet 2024, Hervé Niquet, spécialiste incontesté de la musique anglaise, a pris le contre-pied de cette tendance avec un Concert Spirituel dont l’effectif restreint comportait un chœur à quatre voix (soprano/ alto/ ténor/ basse) avec 14 choristes seulement et une formation instrumentale de 15 musiciens, avec quand même trois trompettes. Cet effectif réduit sonnait pourtant de façon éclatante dans la nef de la basilique Notre Dame de Beaune. Aucune sensation d’étriqué n’était ressentie en raison peut-être de la qualité exceptionnelle des voix des choristes. J’ai été impressionné par les voix des quatre sopranos qui alliaient puissance et pureté du son. Le pupitre des altos comportait deux femmes et deux hommes (hautes-contre) produisant un son chaleureux, doux sans être mièvre. Les voix de basse très vaillantes étaient souvent mises à contribution. Au plan instrumental, j’ai adoré la sonorité fine, fière et brillante des trompettes naturelles et la précision des cordes.
A noter que ce programme fut également joué le 6 juin 2023 à l’église catholique Saint-James de Londres par Hervé Niquet et le Concert Spirituel, un mois jour pour jour après le 6 mai 2023, date du couronnement du nouveau Roi. A la stupéfaction des artistes, un auditeur de marque vint assister au concert en la personne du Roi Charles III. La surprise fut énorme chez les exécutants et la pression chez ces derniers augmenta d’un cran mais tout se passa à merveille et le Roi félicita les musiciens en remarquant que les tempi adoptés par les Français étaient plus rapides que ceux utilisés habituellement par les Anglais.
Publié le 06 août 2024 par Pierre Benveniste