Cosi fan tutte - Mozart

Cosi fan tutte - Mozart © Monika Rittershaus : Susan Zarrabi (Dorabella) ; Nadja Mchantaf (Fiordiligi) ; Hubert Zapiór (Guglielmo) ; Amer El-Erwadi ; Goran Jurenec
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Une interprétation anatomique pour une bombe scénique/ Eine anatomische Interpretation für eine Bühnenbombe

Così fan tutte est le dernier opéra du trio mythique formé par Mozart et Da Ponte, après Le Nozze di Figaro et Don Giovanni. Mozart l’a composé en moins d’un mois en décembre 1789, en parallèle du livret, sur commande de l’empereur autrichien Joseph II. L’opéra, du genre buffa se veut inspiré d’une histoire vraie s’étant passé à Trieste, et lors de laquelle deux officiers auraient échangés leurs femmes. L’opéra ne fut joué qu’à dix reprises au moment de sa création, entre janvier et avril 1790, avant de retrouver la scène essentiellement dans le Saint-Empire… Et ce parfois dans une version allemande, et non en italien comme l’original. Bien qu’admiré par plusieurs compositeurs de premier plan, tel Beethoven, qui s’est inspiré de l’air de Fiordiligi Per pietà, ben mio pour écrire le grand air de Leonore dans Fidelio. Longtemps controversé, Così a été critiqué pour son livret, jugé tantôt ridicule, tantôt immoral. En effet, si le livret peut se montrer très suggestif, la musique, pour subtile qu’elle soit, tend aussi à souligner ce caractère parfois léger. A cause de cela, ce n'est finalement que tardivement au 20e siècle qu’il a été accepté comme un chef-d'œuvre au côté de Figaro et Don Giovanni.

L’argument de Così est somme toute assez simple : à la suite d’un pari avec le vieil Don Alfonso sur la fidélité de leurs fiancés respectives, Guglielmo et Ferrando, militaires de leur état, font semblant de partir à la guerre. Ils se travestissent alors en voyageurs étrangers, avant de revenir tenter de séduire leurs belles en se conformant aux ordres de Don Alfonso et de sa complice et servante Despina. Les promises de Guglielmo et Ferrando, Fiordiligi et Dorabella, ne les reconnaissent pas et les rejettent d’abord. Mais après plusieurs mises en scènes, Dorabella finit par céder la première aux charmes de Guglielmo, qui est hélas le fiancé de… Fiordiligi ! Outré, Ferrando (fiancé à Dorabella) redouble alors d’efforts et fini par réussir à recueillir les vœux de Fiordiligi. Une première morale est livrée alors par les trois hommes réunis, donnant son titre à l’opéra : Così fan tutte (ainsi sont-elles toutes). Vient ensuite le final, où un faux mariage à lieux – avec Despina déguisée en notaire – avant que les « vrais » fiancés ne reviennent et que les masques ne tombent. Les amants se pardonnent alors sur les instances de Don Alfonso, le chœur livrant alors la deuxième morale de l’opéra : Fortunato è l'uom che prende ogni cosa pel buon verso (Heureux ceux qui prennent les choses du bon côté).

L’approche du Komische Oper Berlin a été assez radicale, avec une scène à deux étages offrant jusqu’à deux actions parallèles dans une ambiance contemporaine confinant au burlesque. En effet, la mise en scène de Kirill Serebrennikov dévoile lors de pas moins de cinq scènes différentes l’anatomie des différents protagonistes… et exagère de même les situations de quiproquo à l’extrême, ce qui a beaucoup fait rire ! Cependant, on peut regretter qu’il semble avoir confondu nudité et érotisme lors des scènes à caractère plus « anatomiques ». Serebrennikov offre dans le même temps un voyage dans différentes ambiances, nous emmenant au fur et à mesure des airs d’une salle de gym à une ambassade orientale, en passant par une chambre d’hôtel ou encore par une cuisine moderne et un bar à chicha, insistant beaucoup sur l’aspect comique et décalé du livret… Appuyé par des clins d’œil à Broadway ou à la musique du Moyen Orient lors de certains mélismes de points d’orgue.


© Monika Rittershaus : Susan Zarrabi (Dorabella) ; Nadja Mchantaf (Fiordiligi) ; Caspar Singh voilé (Ferrando) ; Hubert Zapiór voilé (Guglielmo) Amer El-Erwadi ; Goran Jurenec

On découvre aussi l’opéra sous un jour féministe – par la projection de scènes des Pussy riots, ou les amants portant le voile dans la scène final (voir photo) – et engagé contre la guerre en Ukraine, par la scène d’adieux des femmes aux soldats entrant symboliquement dans un cercueil au moment de partir à la guerre, dans le premier acte, qui nous rappelle ainsi que de tels problématiques sont intemporelles. Ceci amena ensuite naturellement le fait que les chanteurs jouant Guglielmo et Ferrando furent remplacés – pour l’action scénique, et non pour le chant – par des doublures après leur « enterrement symbolique », passant alors d’une salle à l’autre comme des esprits invisibles et scrutateurs, quand ils ne surveillaient pas les agissements de leurs promises par caméra interposé. Car en effet, la mise en scène se base aussi sur différentes technologies de projection – tant de jeux vidéo que de partage d’écran de portable ou de films érotiques – pour offrir des sous textes concernant les personnages : Despina est vénale et parvenue, Don Alfonso aigri et cynique, les amants voyeurs, et les amantes opportunistes. Bravo d’ailleurs à Ilya Shagalov à la régie vidéo pour avoir réussi le tour de force d’offrir ce sous-texte clair sans complexifier outre mesure la compréhension globale du livret. De plus, l’inscription à la fin de l’opéra de la morale légèrement changée en  Così fan tuttei (ainsi sont-ils tous) amène à réfléchir encore plus intensément au sens véritable de la mascarade, renversant les rôles sexués et la morale de l’époque de Mozart de façon flagrante et rendant l’opéra encore plus engagé en lui donnant une deuxième lecture : tous les hommes cherchent à tester leurs femmes. Ce renversement, propre à remettre en question toute la compréhension de l’œuvre, constitue un premier coup de massue, un deuxième venant d’une longue citation instrumentale de la scène du Commandeur de Don Giovanni au milieu du final (tournant ici au tragique, contrairement à beaucoup d’autres interprétations), amenant à s’interroger sur la fatalité du destin des personnes se retrouvant trompées en amour et à considérer plusieurs œuvres de Mozart comme porteuses de messages similaires derrière leurs apparentes légèretés. Cette prise de conscience offerte aux plus connaisseurs du répertoire mozartien ainsi fut tout simplement vertigineuse. Rien que pour ceci : merci au Komische Oper.

Concernant la distribution, Caspar Singh en Ferrando est proprement souverain, donnant à ses airs une apparente facilité digne des plus grands virtuoses. Son interprétation de l’air Un aura amorosa fut extraordinaire, sa voix transposant admirablement tous les affects demandés avec le ton juste. Son comparse Hubert Zapiór en Guglielmo mérite aussi les plus grands éloges, son timbre puissant et impérieux brillant dans tous ses airs et récitatifs.

Günter Papendell campe un Don Alfonso très aigri, qu’il sert à merveille par son timbre de baryton particulièrement sombre, tout en étant brillant dans son jeu d’acteur.

Alma Sadé en Despina offre à son personnage son timbre clair et versatile, s’ajustant aussi parfaitement à l’esprit burlesque de la mise en scène par son jeu très désinvolte.

Susan Zarrabi nous offre une Dorabella somme toute très juste dans son personnage, avec son timbre chaud sur toute la longueur de son large ambitus.

Quant à Nadja Mchantaf en Fiordiligi, malgré des récitatifs toujours impeccables et bien habités, ses graves légèrement râpeux et les effets dramatiques en coup de poing dans les aigus n’ont pas réussi à nous convaincre de la justesse de ses airs.

La belle prestation scénique d’Amer El-Erwadi et Goran Jurenec en doublure de Guglielmo et Ferrando peut aussi être soulignée.

Par ailleurs, la splendide Katharina Müllner à la direction musicale a su nous captiver par sa direction précise, fluide et engagée physiquement, de même que sa grâce, qui semblait fort naturelle.


© Monika Rittershaus : Susan Zarrabi (Dorabella) ; Nadja Mchantaf (Fiordiligi) ; Günter Papendell (Don Alfonso) ; Hommes du chœur du Komische Oper

En conclusion, bien que cette production soit plus recommandable aux grands qu’aux petits, sa propension à faire (beaucoup) rire et à s’engager de manière juste en dépassant le cadre de la simple interprétation textuelle la place comme interprétation préférée de votre serviteur, à égalité avec celle de Glyndebourne sous la direction d’Ivan Fischer en 2006. N’hésitez pas à vous précipiter à l’une des six représentations restantes d’ici mi-mai !

(Deutsche Fassung)

Eine anatomische Interpretation für eine Bühnenbombe

Così fan tutte ist nach Le Nozze di Figaro und Don Giovanni die letzte Oper des legendären Trios von Mozart und Da Ponte. Mozart komponierte sie in weniger als einem Monat im Dezember 1789, parallel zum Libretto, im Auftrag des österreichischen Kaisers Joseph II. Die Oper im Buffa-Stil basiert auf einer wahren Geschichte aus Triest, in der zwei Offiziere ihre Frauen vertauschten. Die Oper wurde zum Zeitpunkt ihrer Uraufführung zwischen Januar und April 1790 nur zehn Mal aufgeführt, bevor sie hauptsächlich im Heiligen Römischen Reich wieder auf die Bühne kam... Und das manchmal in einer deutschen Version, nicht in Italienisch wie das Original. Obwohl Così von mehreren bedeutenden Komponisten bewundert wurde, wie z. B. Beethoven, der sich von Fiordiligis Arie Per pietà, ben mio zu Leonores großer Arie in Fidelio inspirieren ließ, blieb sie lange Zeit umstritten und wurde wegen ihres Librettos kritisiert, das teils als lächerlich, teils als unmoralisch angesehen wurde. Denn obwohl das Libretto sehr suggestiv sein kann, neigt auch die Musik, so subtil sie auch sein mag, dazu, diesen manchmal leichten Charakter zu unterstreichen. Aus diesem Grund wurde die Oper erst spät im 20. Jahrhundert als Meisterwerk neben Figaro und Don Giovanni anerkannt.

Die Handlung von Così ist alles in allem recht einfach : Nach einer Wette mit dem alten Don Alfonso über die Treue ihrer jeweiligen Verlobten simulieren Guglielmo und Ferrando, die beide beim Militär sind, in den Krieg zu ziehen. Sie verkleiden sich als fremde Reisende und kehren dann zurück, um ihre Schönen zu verführen, indem sie den Anweisungen von Don Alfonso und seiner Komplizin und Dienerin Despina folgen. Die Bräute von Guglielmo und Ferrando, Fiordiligi und Dorabella, erkennen sie nicht und weisen sie zunächst zurück. Doch nach mehreren Inszenierungen gibt Dorabella schließlich als erste dem Charme von Guglielmo nach, der leider der Verlobte von... Fiordiligi ist ! Der empörte Ferrando (der mit Dorabella verlobt ist) bemüht sich noch mehr und schafft es schließlich, Fiordiligi zu verführen. Die drei Männer liefern eine erste Moral des Stücks, die der Oper den Titel Così fan tutte (So sind sie alle) gibt. Es folgt das Finale, in dem eine Scheinhochzeit stattfindet – mit Despina als Notar verkleidet, bevor die « echten » Verlobten zurückkehren und der Schwindel aufgedeckt wird. Die Liebenden vergeben sich auf Don Alfonsos Drängen hin, und der Chor liefert die zweite Moral der Oper : Fortunato è l'uom che prende ogni cosa pel buon verso (Glücklich sind die, die die Dinge von der richtigen Seite betrachten).

Der Ansatz der Komischen Oper Berlin war ziemlich radikal, mit einer doppelstöckigen Bühne, die bis zu zwei parallele Handlungen in einem zeitgenössischen, an Burlesque grenzenden Szenenbild bietet. Kirill Serebrennikovs Inszenierung enthüllt in nicht weniger als fünf verschiedenen Szenen die Anatomie der verschiedenen Protagonisten... und übertreibt die Missverständnisse bis zum Äußersten, was für viele Lacher sorgte ! Allerdings ist zu bedauern, dass er bei den Szenen mit eher « anatomischem » Charakter Nacktheit mit Erotik zu verwechseln scheint. Serebrennikov bietet gleichzeitig eine Reise durch verschiedene Atmosphären, indem er uns im Laufe der Handlung von einem Fitnessstudio in eine orientalische Botschaft, über ein Hotelzimmer bis hin zu einer modernen Küche und einer Shisha-Bar führt und dabei den komischen und verrückten Aspekt des Librettos hervorhebt. Dies wird durch Anspielungen auf den Broadway oder die Musik des Nahen Ostens unterstützt, wenn bestimmte Melismen während bestimmter Orgelpunkte zu hören sind.


© Monika Rittershaus : Susan Zarrabi (Dorabella) ; Nadja Mchantaf (Fiordiligi) ; Caspar Singh voilé (Ferrando) ; Hubert Zapiór voilé (Guglielmo) Amer El-Erwadi ; Goran Jurenec

Die Oper wird auch in einem feministischen Licht dargestellt – durch die Projektion von Aufnahmen von den Pussy Riots oder die verschleierten Liebenden in der Schlussszene (siehe Foto) – und engagiert sich gegen den Krieg in der Ukraine – durch die Abschiedsszene der Frauen von den Soldaten, die im ersten Akt symbolisch in einen Sarg steigen, um in den Krieg zu ziehen, was uns daran erinnert, dass solche Problematiken zeitlos sind. Dies führte natürlich dazu, dass die Sänger, die Guglielmo und Ferrando spielten, nach ihrer « symbolischen Beerdigung » durch Zweitbesetzungen ersetzt wurden - für die szenische Handlung, nicht für den Gesang. Sie gingen dann wie unsichtbare, prüfende Geister von einem Raum in den anderen, wenn sie nicht gerade per Kamera das Handeln ihrer Verlobten überwachten. Denn tatsächlich stützt sich die Inszenierung auch auf verschiedene Projektionstechnologien – sowohl von Videospielen als auch von Handy-Screen-Sharing oder Erotikfilmen –, um Subtexte zu den Figuren anzubieten : Despina ist käuflich und parvenühaft, Don Alfonso verbittert und zynisch, die männlichen Liebhaber voyeuristisch und die weiblichen Geliebten opportunistisch. Ilya Shagalov von der Videoregie hat es geschafft, diesen klaren Subtext zu liefern, ohne das Gesamtverständnis des Librettos zu sehr zu erschweren. Darüber hinaus führt die Inschrift am Ende der Oper mit der leicht veränderten Moral Così fan tuttei (so sind sie alle) dazu, dass man noch intensiver über den wahren Sinn der Maskerade nachdenkt, wobei die Geschlechterrollen und die Moral der Mozart-Zeit eklatant auf den Kopf gestellt werden und die Oper durch eine zweite Deutung noch engagierter wird: Alle Männer versuchen, ihre Frauen zu testen Ein zweiter Schock kommt durch ein langes Instrumentalzitat der Kommandeur-Szene aus Don Giovanni in der Mitte des Finales (das hier im Gegensatz zu vielen anderen Interpretationen tragisch wird), das die Frage nach dem Schicksal von Menschen, die in der Liebe betrogen werden, aufwirft und dazu führt, dass mehrere Werke Mozarts hinter ihrer scheinbaren Leichtigkeit eine ähnliche ernste Botschaft enthalten. Diese Erkenntnis, die den Kennern des Mozart-Repertoires auf diese Weise vermittelt wurde, war schlichtweg beeindruckend. Allein dafür : Danke an die Komische Oper.

Was die Besetzung betrifft, so war Caspar Singh als Ferrando wirklich souverän und verlieh seinen Arien eine scheinbare Leichtigkeit, die der der größten Virtuosen würdig ist. Seine Interpretation der Arie Un aura amorosa war außergewöhnlich, da seine Stimme alle geforderten Affekte bewundernswert mit dem richtigen Klang umsetzte. Sein Komplize Hubert Zapiór als Guglielmo verdient ebenfalls höchstes Lob, da sein kraftvolles und herrisches Timbre in allen Arien und Rezitativen glänzt.

Günter Papendell stellt einen sehr verbitterten Don Alfonso dar, dem er mit seinem besonders dunklen Bariton-Timbre wunderbar dient und gleichzeitig schauspielerisch glänzend spielt.

Alma Sadé als Despina verleiht ihrer Figur ihr klares, wandlungsfähiges Timbre und passt sich mit ihrem sehr lässigen Spiel auch perfekt dem burlesken Geist der Inszenierung an.

Susan Zarrabi bietet uns eine Dorabella, die alles in allem ihrer Charakterrolle sehr gerecht wird, mit ihrem warmen Timbre über die gesamte Länge ihres breiten Ambitus.

Was Nadja Mchantaf als Fiordiligi betrifft, so konnten trotz ihrer stets tadellosen und gut bewohnten Rezitative ihre leicht kratzigen Tiefen und die dramatischen Schlag-Effekte in den Höhen nicht von der Richtigkeit ihrer Arien überzeugen.

Die gute szenische Leistung von Amer El-Erwadi und Goran Jurenec als Zweitbesetzung für Guglielmo und Ferrando kann ebenfalls hervorgehoben werden.

Außerdem war die großartige Katharina Müllner als musikalische Leiterin mit ihrem präzisen, fließenden und körperlich engagierten Dirigieren sowie mit ihrer Anmut, die sehr natürlich wirkte, großartig.


© Monika Rittershaus : Susan Zarrabi (Dorabella) ; Nadja Mchantaf (Fiordiligi) ; Günter Papendell (Don Alfonso) ; Hommes du choeur du Komische Oper

Zusammenfassend lässt sich sagen, dass diese Produktion zwar eher für große als für junge Zuschauer geeignet ist. Nichtdestotrotz ist sie aufgrund ihrer Eigenschaft, (viele) Gelächter zu erzeugen und über die reine Textinterpretation hinauszugehen, die Lieblingsinterpretation meiner Wenigkeit, zusammen mit der Glyndebourne-Aufführung unter der Leitung von Ivan Fischer im Jahr 2006. Zögern Sie nicht, eine der sechs verbleibenden Aufführungen bis Mitte Mai zu besuchen !



Publié le 15 mars 2023 par Gabriel Beauvallet-Bauchet