Cours et chapelles d’Europe : de la scène à l’autel (1)

Cours et chapelles d’Europe : de la scène à l’autel (1) ©Michel Boesch
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Et si Biber avait raison ?

Le XXXIIIème Festival de l’Abbaye bénédictine de Saint-Michel en Thiérache a offert, ce dimanche 16 juin 2019, un moment magique dans un lieu gorgé d’histoire. Magique parce que chacun des festivaliers aura finalement trouvé ce qu’il était venu y chercher. Pour les uns, c’était une voix et Karina Gauvin les a littéralement hypnotisés et transportés. D’autres étaient en quête de timbres singuliers et la riche registration du splendide orgue de Jean Boizard (1666- 1717) a exhalé, sous les doigts de Fabien Armengaud, une palette de sonorités superbes et parfois surprenantes. D’autres encore voulaient baigner dans une atmosphère de fête des sons et l’ensemble d’Emmanuelle Haïm les a manifestement empoignés et subjugués.

Un festival, enfin, est un lieu dans lequel des amateurs et des connaisseurs venus d’horizons sans frontières communient dans une même ferveur. A ce titre, nous tenons à rendre hommage aux organisateurs et bénévoles qui partageaient visiblement un même objectif : faciliter les partages dans une atmosphère conviviale.

Un mot sur ce festival que nous avons eu le privilège et le plaisir de découvrir de l’intérieur. Pour sa trente-troisième année d’existence, il propose, sur les cinq dimanches du mois de juin, « deux ou trois concerts pendant la journée autour d’une thématique ». En 2019, les cinq entrées retenues s’intéressent à la musique « du théâtre à l’église, des cours aux chapelles, entre profane et sacré, tout un répertoire (qui) illumine un siècle et demi d’invention et de passion, de Gesualdo et Monteverdi à Bach et Gluck », explique le livret distribué aux participants. Un festival qui reste fidèle à ses fondamentaux. De toute évidence, cette constance exemplaire renforce la fidélité indéfectible des mélomanes et attire des ensembles et des chefs comptant parmi les plus prestigieux de la communauté baroque.

Ce festival entend donc se consacrer pleinement à la valorisation de la musique ancienne. Pour cela, il adopte le célèbre précepte de Nicolas Boileau (1636-1711) : « Qu’en un lieu, en un jour, un seul fait accompli/Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli » (L’art poétique, Chant III, 1674).

D’abord, un lieu impressionnant et imprégné d’histoire. Situé au nord-est du département de l’Aisne, l’ensemble abbatial actuel (église, cloître, bâtiments annexes) remonte au XIIème siècle. Si le transept et le chœur datent de cette époque, la façade et la nef portent la marque de l’abbé Jean-Baptiste de Mornat ( ?-1632), cardinal d’origine vénitienne venu à la suite de Marie de Médicis (1575-1642). Plusieurs incendies ont défiguré les lieux, notamment celui qui a détruit une grande partie des bâtiments dans la nuit du 6 au 7 mai 1971. Depuis, les colossaux travaux de restauration engagés par la commune de Saint-Michel ont redonné à l’ensemble une allure magistrale. Gageons que le concours de la Mission Stéphane Bern et la générosité des donateurs permettront de poursuivre ces travaux de réhabilitation pour redonner à l’ensemble sa physionomie d’antan.

Dans ce lieu placé sous le signe du renouveau, ce jour du 16 juin 2019, l’action avait pour ferment la régénération de la musique des « Cours et chapelles d’Europe ». Les organisateurs en ont précisé les contours : « de la scène à l’autel, entre virtuosité et dévotion, un art instrumental et vocal en représentation, des salons aux tribunes et des palais à l’opéra ».

Cette thématique nous est particulièrement chère car la musique, pensons-nous, est un précieux témoin de son temps. Le talent de ses interprètes se mesure donc à leur habileté à en restituer les couleurs et les affects. Ecoutons donc ce que ces œuvres ont à nous dire de leur époque.

Le programme de la journée, savamment construit, se présente sous la forme d’un triptyque. Le concert du matin résume, en quelque sorte, le concept du jour : le plaisir musical enjambe tous les lieux de sociabilité, des salons à la Cour et jusque dans les églises. C’est pourquoi nous consacrerons une première chronique à ce judicieux exercice de synthèse.

Le début de l’après-midi est plus particulièrement voué à la spiritualité tandis que la passion s’empare de la fin d’après-midi. Cette opposition catégorique de styles fera l’objet d’une seconde chronique à suivre.

1. Sacrum Profanum. Musique instrumentale pour la cour et l’église.

Emmanuelle Haïm a mobilisé Le Concert d’Astrée dans un exercice mêlant plaisir et pédagogie. Le plaisir de la découverte, d’abord. Celui de compositeurs faisant antichambre dans l’ombre des divas de la discographie, comme le méconnu Francesco Onofrio Manfredini (1684-1762). Mais aussi, dans le répertoire des stars, des bijoux comme ces trois chorals et une Fantaisie pour orgue de Johann Sebastian Bach (1685-1750) transposés pour un ensemble instrumental à cordes.

Mais ce premier concert de la journée nous a surtout dispensé un « plaisir total » tel que le définissait Charles de Marguetel de Saint-Denis de Saint-Evremond (1614-1703) : « C’est vainement que l’oreille est flattée, et que les yeux sont charmés, si l’esprit ne se trouve pas satisfait » (Sur les opéras, 1705).

Nos yeux ont saisi une réunion de musiciens accomplis communiant à un évident bonheur de jouer de concert. Leurs sourires et leurs œillades complices ne cachent rien de leur joyeuse complicité. Quant à nos oreilles, elles ont été baignées par des sonorités finement ciselées, aux nuances façonnées avec délicatesse. En somme, une expérience esthétique qui nous a plongé dans une bulle de sérénité.

Tel qu’il a été conçu par Emmanuelle Haïm et le premier violon, David Plantier, le fil conducteur ouvre également d’évidentes perspectives d’apprentissage lorsqu’il explore trois sphères d’investigation : géographique, musicologique et culturelle.

Tandis que l’Europe des politiques s’entre-déchire, l’Europe des musiciens s’enrichit au terme d’une fertilisation croisée des savoirs et des expériences. Trois mouvements des Ludi Musici (« Jeux musicaux », terme générique réunissant les quatre recueils publiés entre 1621 et 1627) de Samuel Scheidt (1587-1654) parlent justement ce langage musical européen élaboré par une subtile combinaison des « goûts réunis ». De la France, il emprunte la tradition des danses. De l’Angleterre, il adopte les consort music dont la forme apparie une Pavane et une Gaillarde, couple auquel s’associe généralement une Courante. L’influence anglaise semble d’autant plus prégnante que la dominante dolorosa du troisième mouvement pourrait être inspirée par la Pavana Dolorosa & Galiarda Dolorosa (1593) composée en prison par un catholique en terre anglicane, Peter Philips (1560 ?-1628). Mais le rôle prédominant et la virtuosité des violons projettent une lumière toute italienne quand la place attribuée aux violes de gambes affiche une filiation germanique. Fidèles à la destination ludique de cette musique, les interprètes polissent les phrasés et règlent la fluidité mélodique en fonction du caractère de la pièce, ici rêveuse (Pavane) et là enjouée (Gaillarde). Une entrée en matière en forme de ravissante synthèse.

L’admirable démonstration du Concert d’Astrée constitue également une éclairante leçon par l’exemple consacrée aux origines d’un genre musical appelé à prospérer : la Sonate. Dans cette première moitié du XVIIème siècle, cette pièce destinée aux instruments à archet fait généralement office de prélude ou d’interlude. Comme dans les Ludi Musici de Scheidt, les compositeurs puisent d’abord leur inspiration dans les airs de danse. Ici, leurs cousines suédoises s’insinuent dans les divertissements curiaux, comme durant ce ballet de cour d’inspiration française, L’Amour constant, représenté le 6 septembre 1646 pour célébrer les noces du Landgraf (Comte) Friedrich von Hessen-Eschwege (1617-1655) et de la princesse Eleonore Katherine von Pfalz-Zweibrücken-Kleeburg (1626-1692). La partition, connue sous le nom de Ballet de Stockholm, propose des pièces instrumentales dans lesquelles Emmanuelle Haïm a prélevé un superbe échantillon. Rappelons que, dans ce type de représentation, ces pièces faisaient office d’ouverture instrumentale. A moins qu’elles ne fussent destinées à couvrir les bruits causés par les changements de décors. Et celles-ci sont particulièrement vives, denses, intenses. Ces neuf mouvements s’égaillent dans d’espiègles rebonds rythmiques qui suscitent la joie des interprètes. L’Ouverture est enlevée, l’Allegro piqueté par des notes pointées tandis que le Presto nous a spontanément évoqué le leste « vol du bourdon » d’un certain Nicolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) ! L’alternance de fugitifs passages vifs et lents dans le mouvement noté Geschwind/ Langsamer (rapide/ plus lent) contraste avec la galanterie de la Sarabande. De même, le mouvement final Allegro/ Presto s’avance avec une certaine majesté avant d’être emporté dans un rythme vertigineux. On notera que, pour régler leur tempo, les différents mouvements de cette pièce mêlent une référence traditionnelle aux suites de danses (Allemande, Sarabande) à l’emploi de la notation des nuances à la façon italienne (Allegro, Presto), parfois dans leur traduction en langue allemande (Langsamer, Geschwind).

Johann Rosenmüller (1617-1684) finira par adopter intégralement le vocable italien en même temps qu’il en épousera le style. En 1682, il publie un recueil de douze Sonate a 2, 3, 4, 5 stromenti da arco e altri (Sonates… pour archets et autres instruments) qu’il a probablement composées lors de son long exil à Venise. Cette fois, les danses ne font plus référence. De même qu’il n’évoquera plus la basse continue dans le titre, il accordera à chacun des instruments une égale importance en leur attribuant un rôle spécifique dans le déploiement de la ligne mélodique. Cela même si certains d’entre eux (notamment les violons) se singularisent par des bouffées de virtuosité. L’objectif, cette fois, est de faire briller les timbres en multipliant les effets de contrastes. Ceux-ci sont obtenus par la brièveté des sections et par les constantes brisures rythmiques. De bout en bout, cette musique a de la chair. A ce titre, l’interprétation du second mouvement (fugato) est particulièrement saisissante, tant la texture sonore s’épaissit au fur et à mesure de l’entrée des instruments pour former, en fin de compte, une pâte si onctueuse et goûteuse. De même, les interprètes séduisent par la beauté de leurs legato et la parfaite homogénéité de leurs attaques, notamment dans les passages les plus vifs.

Enfin, Emmanuelle Haïm prononce une conférence sans paroles sur ce moment culturel majeur, celui durant lequel la musique profane et la musique sacrée opèrent un rapprochement sans précédent.

Attaché à la tradition mais innovant dans ses modalités, Johann Sebastian Bach nous a bouleversé dans ses transcriptions pour orchestre à cordes de trois chorals pour orgue (BWV 731, 659 et 754) et de la Fantaisie en Do majeur BWV 570. Nous ignorons tout de l’arrangeur et n’avons trouvé aucune trace d’un quelconque enregistrement. Pourtant, leur interprétation est sublime. Les quatre voix de l’orgue sont distribuées entre les cordes. Ainsi, les violons développent-ils souvent le thème dans les aigus tandis que le continuo leur offre un solide appui dans les graves. On reconnaît sans peine la mélodie du choral autour de laquelle les instruments tissent de gracieuses ornementations. Mieux que par les voix et l’orgue, ces chorals débordent de sensibilité et de grâce. Chorals sans parole, ils portent néanmoins magnifiquement le message spirituel que les pasteurs luthériens des débuts de la Réforme leur avaient insufflé.

Deux autres compositeurs substituent les cordes à l’orgue, l’instrument de référence dans les célébrations liturgiques. L’un par nécessité car l’orgue est inopérant hors des murs de l’église. L’autre par un choix esthétique revendiqué.

Le premier, Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), les fera sonner sur un reposoir probablement magnifiquement fleuri et décoré par les Jésuites de la rue Saint Antoine à Paris, à l’occasion des processions de la Fête-Dieu de l’an 1672. Lors de l’exposition du Saint-Sacrement, il était d’usage de chanter l’hymne Pange Lingua (Chante, ô ma langue), texte composé par Thomas d’Aquin (1225-1274). Sa Symphonie pour un reposoir H 515 répond scrupuleusement aux codes de l’alternatim (alternance de versets chantés et de versets traduisant en musique le texte non chanté) en vigueur durant les offices proprement dits. Lorsque, comme ici, les interprètes décident de supprimer les interpolations grégoriennes (comme Reinhard Goebel l’avait fait en son temps – Archiv Produktion, 2003), la pièce prend une allure de concert profane, s’éloignant quelque peu de sa fonction liturgique. Pour en retrouver le sens, il est intéressant de feuilleter la partition originale de Charpentier (Mélanges autographes, volume 15). Le lecteur curieux y découvre alors tous les ingrédients d’une mise en scène. Une Ouverture majestueuse en trois parties (solennel, lent, vif) se déploie « dès qu’on voit la bannière » de la procession. « Quand on posera le St Sacrement sur l’autel du reposoir », l’ensemble instrumental énonce le premier verset évoquant le gloriosi corporis mysterium (le mystère de ce corps très glorieux). Les violons expriment cette quête dans une ligne mélodique planante, hésitante, retenue, tirée vers les aigus comme des yeux tournés vers le Ciel. La mélodie grégorienne se distingue à la basse tandis que les dessus animent la méditation. Le second verset est chanté par les prêtres avant une seconde intervention de l’ensemble instrumental sur le verset In supremae nocte coenae (La nuit de la dernière Cène). Charpentier confie cette partie mélancolique à un « petit chœur » instrumental à quatre parties dominées par les dessus. L’écriture en imitation figure la distribution du pain au douze disciples réunis autour de Jésus. Après le Verbum caro (Le Verbe fait chair) chanté par les prêtres, les instruments célèbrent un Tantum ergo Sacramentum (Il est grand, ce sacrement) dans lequel les dessus subliment la ligne mélodique alors que la basse le ponctue en contrepoint, par des noires puis des croches que le luth fait scintiller. Le dernier verset (Genitori, Genitoque/Au Père et au Fils) étant chanté par les prêtres, « les violons joueront l’Amen suivant » en guise de conclusion. Sa tonalité rappelle la solennité de l’Ouverture. Charpentier ajoute que, « après la bénédiction et que les prêtres seront assez loin pour ne plus les entendre, les violons joueront une Allemande » malheureusement perdue. Un air de danse pour signifier le retour au monde profane ?

Si Charpentier s’est distingué dans cette musique d’extérieur, Francesco Onofrio Manfredini s’installe sous les voûtes de la basilique San Petronio de Bologne. Cet élève de Guiseppe Torelli (1658-1708) a publié, en 1709, son Opus 2 constitué de douze Sinfonia da Chiesa a due violini col Basso per l’Organo e una Viola a beneplacito (Symphonies pour l’église pour deux violons avec la basse pour l’orgue et une viole selon son bon plaisir). Torelli avait constitué un ensemble instrumental étoffé dans cette basilique pour y faire entendre, durant les offices, des œuvres en style concertant. Son élève le suivra dans cette voie. Sa Sinfonia da Chiesa IX a 4 adopte la découpe formelle des sonates italiennes en faisant alterner les mouvements lents et vifs. Ce contraste dynamique fait se succéder de brefs espaces d’introspection et de courtes séquences enjouées. Le mouvement Grave inspire le recueillement tandis que l’Andante fugué ouvre aux violons un espace d’expression de leur potentiel virtuose. Un langoureux Largo voit les violons converser de manière apaisée avant un Presto durant lequel ils virevoltent, encouragés par les grands coups d’archets du continuo. L’art des interprètes se distingue par la fluidité des phrasés et le subtil jeu de nuances qui met parfaitement en valeur l’ingéniosité mélodique du compositeur.

Quelle place tenait alors cette Sinfonia dans un cadre liturgique ? N’allait-elle pas à l’encontre de l’expérience mystique qui doit relier le fidèle à Dieu et qui exige davantage de silence que de musique ? Car, « pour beaucoup de spirituels, le plaisir musical est un plaisir de mauvaise compagnie », explique Jean-Yves Hameline (Le bonheur du chant dans la musique d’Eglise in Le plaisir musical en France au XVIIème siècle, Mardaga, 2006). Qu’à cela ne tienne. Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704) s’attache à rapprocher les genres profanes et sacrés dans un recueil qui, dès l’énoncé de son titre, entend en gommer les spécificités : Fidicinium Sacro-Profanum tam Choro, quam foro pluribus fidibus concinnatum et concini aptum (Musique sacrée et profane pour instruments à cordes, arrangée avec art pour la cour et pour l’église). « La juxtaposition des styles serait alors le simple prétexte à toutes sortes d’expérimentations musicales. Tel un apprenti sorcier, et à l’encontre des conventions, Biber associe des ingrédients a priori incompatibles, dans la lignée de Monteverdi et de ses Vêpres, par exemple. Le compositeur peut alors s’amuser à repousser les frontières des deux styles, à en dissoudre les contours, si bien qu’il est parfois bien hasardeux de reconnaître l’un ou l’autre » analyse David Plantier dans le livret du CD consacré à cet opus (Zigzag Territoires, 2008). En effet, Biber s’affranchit ostensiblement du schéma classique de la « sonata da chiesa », notamment de la stricte symétrie de ses mouvements (lent/ vif/ lent/ vif). Sa Sonata XI en Do mineur s’ouvre sur un Adagio à la tonalité grave, ponctué de lourds silences. Les violons tentent de se dégager de cette enveloppe ténébreuse. A peine y parviennent-ils dans le bref Piu Presto (plus rapide) qu’ils sont à nouveau engloutis dans le sombre Adagio qui lui succède. L’Allegro sonne comme une délivrance. Les cordes frétillent et s’élancent dans une poursuite joyeuse. Mais le bonheur n’aura duré qu’un instant. L’Adagio final imposant à nouveau son climat inquiet qui s’étire sur une longue tenue de note. Est-ce, pour Biber, une manière de figurer l’existence humaine, dominée par la douleur, soucieuse de son devenir, rêvant de bonheur mais traversant, sa vie durant, une « vallée des larmes »? En tout état de cause, il transcende les styles (sacrés et profanes) pour faire parler à la Musique un langage universel, celui qui permet le mieux d’exprimer, de partager et de ressentir des émotions.

Il était d’usage, dans la France d’Ancien Régime, de clôturer un concert par une Chaconne. Pour achever son tour d’Europe, Emmanuelle Haïm a donc convoqué John Blow (1649-1708). Sa Chaconne en Sol majeur s’avance au rythme des notes pointées, dans une allure pleine de majesté. Les effets de contrastes sont soulignés par des ruptures de rythme constantes comme par des lignes mélodiques constituées d’une succession de phrases éphémères. Le continuo bat vigoureusement la mesure tandis que les violons dialoguent en imitation ou se prononcent sur un mode homophone. Ici ou là, des mouvements vifs ouvrent de courts espaces à l’expression virtuose. Puis, imperceptiblement, la dynamique s’assagit, le crescendo s’adoucit et le concert instrumental s’éteint dans une sage harmonie.

Ce finale en forme de synthèse a évidemment suscité des applaudissements fervents. De sincères témoignages d’admiration autant que des compliments appuyés adressés à un ensemble d’artistes qui, au-delà de leur technicité remarquable, ont su donner une âme aux partitions qui les ont réunis. Manifestement, ils partagent un même enthousiasme pour leur art et leur coproduction leur procure un immense plaisir. Un plaisir communicatif qui s’est propagé dans le public et prolongé jusque dans les conversations d’après-concert. En somme, un grand moment de musique par un ensemble d’un immense talent.



Publié le 29 juin 2019 par Michel Boesch