Splendeurs baroques

Splendeurs baroques ©Josef Fischnaller
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Guerre et Paix

Joyce Di Donato présente un programme composé sur les thèmes de la Guerre et de la Paix et destiné prochainement à l'enregistrement. La mezzo précisera au public que c'est la première fois qu'elle chante certaines pages en public.
Et cette soirée inaugurale de ce programme est pour la chanteuse une absolue réussite. Elle aborde avec un égal bonheur la passion amoureuse, la souffrance de la rupture, la haine, la vengeance, la folie, la guerre et la victoire. La voix est toujours chaude, suave, ronde et sait faire preuve de violence et prendre des accents rauques. La technique vocale est impériale et joue de la totalité de la palette des effets, en parfaite harmonie avec le goût baroque. Enfin, l'engagement est impressionnant et la qualité de l'interprétation est palpable.
Le premier aria de la soirée (Svegliatevi nel core) est orné de trilles magistraux et enchaîné avec un Cara speme, parfaitement maîtrisé, à l'exception d'une première attaque en limite de justesse. Les Scenes of horror de Jephta sont simplement superbes, alors que le Prendi qual ferro qui conclut la première partie est sauvage et violent.
Le Pensieri,... qui ouvre la seconde partie est un moment de grâce, chanté souvent mezza voce et qui module à l'infini la palette des sentiments. L'aria de l'Indian Queen qui suit est bouleversant. De même, la rare aria extraite de Bonduca est superbement élégante, ciselée, appuyée sur des trilles irréprochables. Le Illustratevi o cieli est aérien et, en conclusion un Da tempeste magistral et presque malicieux. Le plus frappant dans ce programme baptisé Splendeurs baroques est le primat accordé à l'expressivité sur la virtuosité, alors même que celle ci est totalement assumée et maîtrisée avec une technique et des moyens supérieurs. Et en bis un Lascia ch'io pianga beau à pleurer, très sobre et dépouillé qui sera un véritable cadeau avant une reprise du Da tempeste en forme de clin d'œil à Rossini.
La soirée aurait ainsi pu être inoubliable si Il Pomo d'Oro sous la direction de Maxim Emelyanychev avait été à la hauteur de l'incroyable interprète qu'ils accompagnaient. Mais ils ont été comme absents, éteints, manquant totalement d'énergie, souvent lourds, y compris dans les pièces instrumentales ajoutées au programme qui ne sont pas convaincantes, n'atteignant le niveau nécessaire que dans Prendi qual ferro et le Purcell.... Seul le beau continuo des violoncelles mérite d'être souligné.
En dépit de cette décevante faiblesse de l'orchestre, ce programme est exceptionnel et le public a salué la superbe performance de Joyce di Donato.

Publié le 17 mars 2016 par Jean-Luc IZARD