Echo et Narcisse - Gluck

Echo et Narcisse - Gluck ©John William Waterhouse : Echo and Narcissus
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Le dernier opéra de Gluck

Il s’agit du dernier opéra de Gluck, dont l’écriture a été réalisée parallèlement à celle d’Iphigénie en Tauride mais qui ne connaîtra pas le succès des précédentes créations parisiennes. Ce fut même un échec assez total, les représentations n’ayant pas dépassé la douzième. Les quelques tentatives de reprise, après révision, au tout début du XIXème siècle ne rencontrèrent pas davantage le succès et l’œuvre finit par tomber dans un oubli presque total avant l’enregistrement de René Jacobs (1987). Cet échec signa l’abandon de Paris par Gluck et la fin de sa carrière de créateur.

Il faut bien reconnaître que l’œuvre avait de quoi surprendre le spectateur de 1779. Il s’agit en effet d’une pastorale, bien éloignée des tragédies lyriques qui ont fait le succès de Gluck. Le livret est très pauvre, le texte souvent indigent et la narration musicale et scénique est très loin de s’inscrire dans le travail de réformateur de l’opéra qu’a conduit Gluck dans ses œuvres précédentes. Malgré tout, l’œuvre est traversée par de très belles pages musicales, notamment dans le Prologue, mais aussi le beau ballet final et la mort d’Echo au II ou le début du III. La fréquence des pages orchestrales aurait d’ailleurs justifié une mise en scène et des ballets plutôt qu’une version de concert qui ne rend pas totalement justice à l’œuvre.

Le Concert Spirituel est parfait dans ce travail de restitution et on soulignera la très grande beauté des bois et la vivacité, souvent virtuose des cordes. L’ensemble se relie avec beaucoup de bonheur à la tradition lyrique française du XVIIIème dont les couleurs et les équilibres sont superbement rendus. La seule réserve à ce beau travail tient à la gênante et désagréable propension d’Hervé Niquet à souligner sa direction par des inspirations bruyantes et encombrées. Les ingénieurs du son qui vont travailler sur l’enregistrement vont avoir un sacré boulot à accomplir…

Adriana González est impeccable en Echo : le style est remarquable, la diction irréprochable et elle parvient à incarner le désespoir d’Echo avec des accents tragiques profondément émouvants et toujours marqués par la dignité dans l’expression qui convient à l’époque. La voix est riche en couleurs, le timbre séduisant et le chant conduit avec style et élégance.

Cyrille Dubois est aussi un très beau Narcisse même si sa volonté d’interpréter son personnage le pousse parfois vers des accents un peu trop romantiques pour l’œuvre. Mais le timbre est beau, la présence vocale parfaite et l’incarnation du personnage est manifestement travaillée. Les éclats et le long aveuglement de Narcisse sont superbement rendus comme son désespoir.

Caroline Jestaedt est en revanche une très grande déception en Amour. Le timbre est assez laid, un peu aigre et affecté d’un vibrato lourd et pas toujours maîtrisé, et l’interprétation est totalement dépourvue de nuances, ce qui rend le Prologue fort ennuyeux.

Sahy Ratia est pour sa part un Cynire très intéressant. Il parvient à donner de l’épaisseur à ce second rôle d’ami, compatissant et aidant, de Narcisse et du couple. Le timbre est séduisant, le chant très naturel et chacune de ses interventions est un plaisir. Même plaisir pour l’Aglaé d’Adèle Carlier qui donne aussi beaucoup d’épaisseur à ce rôle qu’elle chante avec beaucoup d’aisance. Enfin, Cécile Achille (Eglé), Laura Jarrell (Thanaïs) et Lucie Edel (Sylphie) complètent agréablement cette distribution globalement très adaptée à l’œuvre.

En dépit de l’énergie mise par les artistes pour redonner sa chance à cet ouvrage, énergie saluée par des applaudissements nourris, je crains toutefois que Echo et Narcisse ne parvienne toujours pas à accéder à la postérité.



Publié le 25 oct. 2022 par Jean-Luc Izard