Emotional Landscapes - Le SonArt
© Dimitri Morel Afficher les détails Masquer les détails Date: Le 12 janv. 2025
Lieu: Chapelle de la Trinité – Lyon
Programme
- Emotional Landscapes - Björk Baroque
- Björk (1965)/ arr. Chevalier : Unison
- Björk/ arr. Chevalier : Aurora
- Björk/ Sjon (1962)/ arr. Chevalier : Bachelorette
- Marin Marais (1656-1728) : Tombeau de Sainte Colombe
- Björk/ Sigsworth (1968)/ arr. Chevalier : Unravel
- Björk/ Hooper (1945-2009)/ DeVies / Sjon / arr. Chevalier : Isobel
- Claudio Monteverdi (1567-1643) : Entrata delle ingrate
- Björk/ Sjon / arr. Chevalier : Joga
- Björk/ arr. Chevalier : Pneumonia
- Björk/ Knak / arr. Chevalier : Undo
- Henry Purcell (1659-1695) : Here the Deities Aprove
- Björk/ arr. Chevalier : Who is it ?
- Monteverdi : Sinfonia
Distribution
- Le SonArt :
- Marie Théoleyre, soprano
- Thomas de Pierrefeu, violone (grande viole)
- Christine Plubeau, viole de gambe
- Marion Martineau, ténor de viole
- David Chevallier, théorbe, guitare baroque et arrangements
Un programme originalQu’est-ce qui réunit Björk, Marin Marais, Claudio Monteverdi et Henry Purcell ? La réponse tient en deux mots : Emotional Landscapes, un programme original composé par l’ensemble Le SonArt (voir le site). Ce concert est soutenu par la DRAC de la Région des Pays de la Loire, la Spedidam et l’ADAMI. Membre de la fédération Grand Formats, le SonArt est également soutenu par la SACEM. Le concert de ce soir est rendu en hommage à la mémoire d’Anne Magouët qui a interprété ce répertoire depuis sa création en juillet 2012. Le SonArt a enregistré ce programme sous la forme d’un album CD, mais il sera à neuf voix avec des percussions et des cuivres.
La salle se remplit progressivement, les portes se ferment invitant le public au silence. Au centre de l’édifice, dans une lumière tamisée et bleutée, Camille Rhonat, co-directeur de la Trinité, et François Mardirossian, conseiller artistique, nous accueillent « Bonjour et bienvenue, […] l’occasion de vous souhaiter tous meilleurs vœux et une bonne soirée pour ce premier concert de l’année 2025 ! ». Le programme de ce soir s’inscrit dans cette nouvelle séquence pour la Trinité : une ouverture vers une plus grande diversité. Contrairement à ce qui était indiqué sur le feuillet à l’entrée, les artistes sont au nombre de cinq. Thomas de Pierrefeu, au violone, remplace Atsushi Sakaï.
Dans cette vision partagée avec la Trinité, les compositions de David Chevallier ouvrent de nouvelles perspectives, inventent des modes d’expression inédites et façonnent des œuvres qui mêlent des univers a priori éloignés. « On se sent pleinement à notre place dans ce programme » comme il l’explique. Cette œuvre contemporaine, jouée ce soir, fait se rencontrer neuf chansons de Björk avec quatre œuvres issues du répertoire baroque.
Le SonArt a véritablement magnifié l’œuvre de la chanteuse islandaise, on en retrouve toute la puissance et la singularité. Jouer Björk avec des instruments baroques est une première réussite, d’autant plus avec la belle voix de la jeune soprano Marie Théoleyre. Spécialisé dans la musique baroque, elle apporte une remarquable douceur à l’œuvre. Les instruments à cordes participent, eux aussi, pleinement à cette innovation. Dans une magnifique complémentarité ils révèlent toute leur complexité. Avec son ténor de viole, Marion Martineau apporte une dimension contemporaine à l’ensemble. Le théorbe, lui, sonne à plusieurs reprises à la manière d’une guitare espagnole, ce qui ne manquera pas de réchauffer l’ambiance. Les trois instruments anciens à cordes frottées (ténor de viole, viole et violone) produisent des sonorités qui vibrent merveilleusement avec l’œuvre de Björk. Cette capacité à faire voyager les instruments d’un répertoire à l’autre sans dénaturer les œuvres est l’une des forces du collectif le SonArt ! Les arrangements autour du mouvement Bachelorette, par exemple, me rappellent Asyla, III : Ecstasio (à écouter ici) du compositeur contemporain britannique Thomas Adès. Soulignons la fluidité dont ont fait preuve les artistes entre chaque œuvres. La jonction entre le Tombeau de Sainte Colombe de Marin Marais à Unravel de Björk arrangé par David Chevallier marque une parfaite connaissance des œuvre et un attachement intime à ces derniers.

Thomas de Pierrefeu © Dimitri Morel
Telle une introduction à Entrata delle ingrate du compositeur italien Claudio Monteverdi, les musiciens nous offrent un concerto de cordes grattées qui transporte le public. Frottée ou grattée, l’ensemble conserve une ligne parfaitement claire, et équilibrée. Marie Théoleyre interprète avec force et émotion ce premier mouvement. Elle me ramène au Lamento della Ninfa interprété par Anna Prohaska (à écouter ici). Comme cette dernière, Marie Théoleyre réalise un vibrant lamento marqué par une saisissante lenteur et profondeur des notes. Le public est captivé. En parallèle de Undo, sa voix se révèle être aussi captivante que celle de la sirène d’Apollinaire : La Lorelei. Avec l’ensemble, elle magnifie le tragique caractéristique de l’œuvre de Björk et nous montre tout son savoir-faire avec des notes saillantes et complexes. Notons les qualités expressives et musicales de son chant, qui se diffusent avec légèreté dans l’édifice. Son timbre à la fois très clair et apaisant et sa diction fluide, participent à sa voix pleine d’émotions, qu’elle déploie aussi bien dans ses longues notes aiguës que dans ses beaux graves aux accents jazzy.
Björk baroque, sous-titre du programme joué ce soir, donne une coloration nouvelle et saisissante de l’œuvre de l’artiste islandaise auréolée par les répertoires de Marin Marais, Monteverdi et Purcell. Cette rencontre musicale nous entraîne dans une approche engageante de la musique, et demande à être écouter avec attention pour capter toute la beauté de sa ligne. Tout au long de la soirée, le collectif d’artistes échange des sourires complices et manifeste son plaisir à jouer ce remarquable concert, sur cette nouvelle scène de la musique baroque et irrégulière de la Trinité.
Publié le 22 janv. 2025 par Dimitri Morel