Il Giustino - Vivaldi

Il Giustino - Vivaldi © Matthias Baus : Olivia Vermeulen (Amanzio), Raffaele Pe (Anastasio), Kateryna Kasper (Arianna), Magnus Dietrich (Polidarte), Robin Johannsen (Leocasta), hommes de la troupe du Staatsoper
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Du comique pour un bel opéra engagé/ Komik für eine schöne und engagierte Oper

Le Giustino de Vivaldi, composé pour le carnaval de Rome et créé au Teatro Capranica en 1724, fait partie de ses rares opéras romains. Malgré son grand succès lors de sa création, il est tombé assez rapidement dans l'oubli avant d'être redécouvert en 1985 par Alan Curtis. Il faudra cependant attendre 2018 avant qu'il ne retrouve une grande faveur auprès des programmateurs et chefs d'opéra, où il a depuis lors été joué de nombreuses fois partout en Europe. Pour accélérer le processus de composition, Vivaldi a choisi de réemployer plusieurs de ses musiques préexistantes, dont très notablement dès le 1er acte un extrait complet de sa Primavera - tirée des Quatre Saisons, qui a été créée l'année précédente. Dans sa version longue, l'opéra entier dure entre 5 et 6 heures. Ici, c'est une version abrégée durant trois heures trente qu'a choisi de nous présenter René Jacobs.

A la cour de Byzance, l'empereur Anastasio et sa femme Arianna doit faire face à son rival d'Asie mineure Vitaliano. Pendant ce temps-là, la sœur d'Anastasio, Leocasta, s'éprend d'un berger qui l'a sauvé des griffes d'un ours, alors que le travesti Andronico/Flavia tente de s'attirer ses faveurs. Le berger n'est autre que Giustino, qui pour cette action héroïque se retrouve bombardé général au service de l'empereur. Après l'enlèvement d'Ariana par Vitaliano, Giustino fait de nouveau preuve de bravoure en arrachant cette dernière aux griffes d'un monstre marin. Il sauve ensuite sa bien-aimée Leocasta d'une tentative de viol par un Andronico ne se maîtrisant plus. C'est alors que le perfide Amanzio (un autre général byzantin) persuade l'empereur qu'Ariana n'aime plus que Giustino, pourtant en train de préparer son mariage avec Leocasta. Aveuglé par la jalousie, Anastasio fais mettre Giustino aux fers en attendant de l'exécuter... et se faire renverser par Amanzio. Giustino se fait sauver par Vitaliano et Andronico après qu'ils aient découvert que tous les trois étaient frères. Ils sauvent alors ensemble Anastasio, qui déclare Giustino co-régent au moment du mariage de celui-ci avec Leocasta.

Pour servir cette intrigue relativement complexe, le Staatsoper a su faire preuve d'imagination, notamment dans la mise en scène. Elle se trouve être énergique et décalée tout en confinant cependant parfois au grotesque, comme lors de la scène finale, où tous les personnages se mettent soudain à bouger comme de vulgaires marionnettes. Cependant, la mise en scène a su s'adapter à l’œuvre, comme dans le troisième acte, où la quasi disparition du mode majeur, de la trahison d'Amanzio jusqu'à son renversement, est souligné par une ambiance lumineuse très juste - part ailleurs présente avec la même qualité tout au long de la pièce - de la part d'Irene Selka, ainsi que par un jeu d'acteurs approprié. Par ailleurs, comment ne pas penser à la guerre en Ukraine quand, pendant la captivité d'Arianna, une enfant peint une grande colombe blanche ? Par ailleurs, quelques autres clins d'œil à connotation politique émaillent cette mise en scène que l'on a ainsi du mal à ne pas appeler « engagée ».


© Matthias Baus ; Kateryna Kasper (Arianna), Enfant de la troupe du Staatsoper

Christophe Dumaux est juste splendide dans le rôle titre, sa chaude et douce voix de contre-ténor brillant particulièrement dans les airs tendres, tel que l'iconique Ho nel petto un cor sì forte, où son interprétation bouleversante avec le très rare Psalterium obligato arriva à nous tirer les larmes. À côté de cela, il est souverain sur la scène, imposant naturellement sa présence et son jeu.

En contrepoint, Kateryna Kasper fit montre de toute sa maestra dans les airs fougueux d'Arianna, et particulièrement Per noi soave e bella dans le deuxième acte, où sa diction parfaite et son articulation précise feraient presque oublier à quel point cet air demande de la bravoure, emportant tout à fait l'auditeur.

Raffaele Pe est parfait comme empereur en baskets. On peut dire que le succès du comique insufflé dans la mise en scène repose d'ailleurs en grande partie sur son jeu désinvolte. Par ailleurs, sa voix au large ambitus touche juste à chaque fois, et son interprétation de l'air Taci per poco ancora mérite de passer aux annales.

Robin Johannsen en Leocasta de même qu'Helena Rasker en Andronico et Magnus Dietrich en Polidarte campent quant à eux très bien leurs personnages respectifs, sans pour autant arriver à être aussi touchants que leurs collègues.

Olivia Vermeulen, en Amanzio et Fortuna, fut peut-être la moins convaincante, bien que sa magnifique voix servit très bien ces deux rôles qui, eux, manquaient de consistance. À sa décharge, elle ne fut hélas pas aidée par la gestique par (beaucoup) trop circulaire - et donc imprécise - de René Jacobs, qui a par ailleurs raté quelques rendez-vous sur des accords finals avec l'orchestre. La très belle gestion musicale du maître s'est cependant fait sentir dans son soin accordé aux détails des ornementations et de l'instrumentation ainsi qu'aux contrastes parfois saisissant au sein de la musique, permettant notamment à un continuo légèrement étoffé d'agir de manière ponctuelle en renfort de l'action dramatique.

Il convient aussi de parler de deux invités surprises qui ont œuvré au remplacement de dernière minute de Siyabonga Maqungo en tant que Vitaliano : le ténor Emiliano Gonzalez Toro chantait le rôle depuis la fosse, tandis que Derek Gimpel, d'ordinaire assistant à la régie de l'opéra, le jouait sur scène. Les deux ont rempli avec brio leur office.

À côté de la brillance habituelle de l'orchestre de la Akademie für Alte Musik Berlin et du Chœur de l'Opéra (lors de ses quelques apparitions), ce qui dénotait était surtout la faiblesse des décors : deux panneaux peints et coulissant au bas d'un échafaudage taillé d'un gigantesque cercle feraient peut-être des décors d'opéra appréciables dans un univers parallèle... Mais sûrement pas au sein d'une telle production !

En résumé, cet opéra s’inscrit dans la droite ligne des productions réussies du Staatsoper Unter den Linden, réussissant à nous transporter malgré quelques légères faiblesses structurelles. Aussi, nous ne pouvons qu’encourager nos lecteurs berlinois à aller en profiter tant qu’il demeure à l’affiche.

(Deutsche Fassung)

Komik für eine schöne und engagierte Oper

Vivaldis Giustino, der für den Karneval in Rom komponiert und 1724 im Teatro Capranica uraufgeführt wurde, gehört zu seinen wenigen römischen Opern. Trotz des großen Erfolgs bei seiner Uraufführung geriet es relativ schnell in Vergessenheit, bevor es 1985 von Alan Curtis wiederentdeckt wurde. Es sollte jedoch bis 2018 dauern, bis sie bei Programmgestaltern und Opernleitern wieder hoch im Kurs stand, wo sie seither in ganz Europa unzählige Male aufgeführt wurde. Um den Kompositionsprozess zu beschleunigen, entschied sich Vivaldi dafür, mehrere seiner bereits existierenden Musiken wiederzuverwenden, darunter vor allem im ersten Akt einen kompletten Auszug aus seiner Primavera – aus den Vier Jahreszeiten, die im Jahr zuvor uraufgeführt worden war. In der langen Fassung dauert die gesamte Oper zwischen 5 und 6 Stunden. René Jacobs hat sich hier für eine gekürzte Version entschieden, die dreieinhalb Stunden dauert.

Zur Handlung: Am Hof von Byzanz müssen sich Kaiser Anastasio und seine Frau Arianna mit seinem kleinasiatischen Rivalen Vitaliano auseinandersetzen. Unterdessen verliebt sich Anastasios Schwester Leocasta in einen Hirten, der sie aus den Klauen eines Bären gerettet hat, während der Transvestit Andronico/Flavia versucht, ihre Gunst zu erlangen. Der Hirte ist kein anderer als Giustino, der für diese heldenhafte Tat zum General im Dienste des Kaisers bombardiert wird. Nachdem Ariana von Vitaliano entführt wurde, beweist Giustino erneut Mut, indem er sie aus den Klauen eines Seeungeheuers befreit. Anschließend rettet er seine Geliebte Leocasta vor einem Vergewaltigungsversuch durch Andronico, der sich nicht mehr unter Kontrolle hat. Dann überredet der heimtückische Amanzio (ein weiterer byzantinischer General) den Kaiser, dass Ariana nur noch Giustino liebt, obwohl dieser gerade seine Hochzeit mit Leocasta vorbereitet. Blind vor Eifersucht lässt Anastasio Giustino in Ketten legen, während er auf seine Hinrichtung wartet - und von Amanzio gestürzt wird. Giustino wird von Vitaliano und Andronico gerettet, nachdem sie herausgefunden haben, dass alle drei Brüder sind. Daraufhin retten sie gemeinsam Anastasio, der Giustino zum Mitregenten erklärt, als dieser Leocasta heiratet.

Um diese relativ komplexe Handlung zu unterstützen, hat die Staatsoper viel Fantasie bewiesen, insbesondere bei der Inszenierung. Sie ist energisch und schräg, grenzt aber manchmal an Groteske, wie in der Schlussszene, in der sich alle Figuren plötzlich wie Marionetten zu bewegen beginnen. Die Inszenierung hat sich jedoch an das Werk angepasst, wie zum Beispiel im dritten Akt, in dem das fast vollständige Verschwinden des Dur-Modus von Amanzios Verrat bis zu seinem Umsturz durch eine sehr treffende Lichtstimmung – die sich übrigens mit derselben Qualität durch das ganze Stück zieht – von Irene Selka sowie durch eine angemessene schauspielerische Leistung unterstrichen wird. Wie könnte man auch nicht an den Krieg in der Ukraine denken, wenn ein Kind während Ariannas Gefangenschaft eine große weiße Taube malt ? (Siehe Foto) Darüber hinaus gibt es noch einige andere politisch motivierte Augenzwinkern, die diese Inszenierung durchziehen, so dass es schwer ist, sie nicht als « engagiert »zu bezeichnen.


© Matthias Baus ; Kateryna Kasper (Arianna), Kinderkomparserie

Christophe Dumaux ist einfach herrlich in der Titelrolle, seine warme, weiche Countertenorstimme glänzt besonders in den zarten Arien, wie dem ikonischen Ho nel petto un cor sì forte, wo seine erschütternde Interpretation mit dem seltenen Psalterium obligato uns zu Tränen rühren konnte. Daneben ist er auf der Bühne souverän und setzt seine Präsenz und sein Spiel auf natürliche Weise durch.

Als Kontrapunkt zeigte Kateryna Kasper ihre ganze Maestra in Ariannas feurigen Arien, insbesondere Per noi soave e bella im zweiten Akt, wo ihre perfekte Diktion und präzise Artikulation fast vergessen lassen, wie viel Bravour diese Arie erfordert ! Laut Applaus hat sie damit die Zuhörer völlig mitreißt.

Raffaele Pe ist perfekt als Kaiser… in Sneakers ! Wir gehen davon aus, dass der Erfolg der Komik, die der Inszenierung eingehaucht wurde, zu einem großen Teil auf seinem sehr passend lässigen Spiel beruht. Außerdem trifft seine Stimme mit dem großen Ambitus jedes Mal ins Schwarze, und seine Interpretation der Arie Taci per poco ancora verdient es, in die Annalen einzugehen.

Robin Johannsen als Leocasta, Helena Rasker als Andronico und Magnus Dietrich als Polidarte spielen ihre jeweiligen Charaktere sehr gut, ohne jedoch so berührend zu sein wie ihre Kollegen.

Erwähnenswert sind auch zwei Überraschungsgäste, die in letzter Minute für Siyabonga Maqungo als Vitaliano einsprangen: Der Tenor Emiliano Gonzalez Toro, der die Rolle aus dem Graben sang, während Derek Gimpel, sonst Regieassistent der Oper, sie auf der Bühne spielte. Beide erfüllten ihre Aufgabe mit Auszeichnung.

Die arme Olivia Vermeulen als Amanzio und Fortuna war vielleicht am wenigsten überzeugend, obwohl ihre wunderschöne Stimme den beiden Rollen sehr gut diente, denen es jedoch an Konsistenz fehlte. Leider half ihr auch nicht die (viel) zu kreisförmige – und daher ungenaue Gestik – von René Jacobs, der außerdem als Anekdote einige Schlussakkorde mit dem Orchester verpasste. Die sehr gute musikalische Leitung des Meisters zeigte sich jedoch in der Sorgfalt, die er den Details der Verzierungen und der Instrumentierung sowie den manchmal scharfen Kontrasten innerhalb der Musik widmete, die es insbesondere einem leicht erweiterten Continuo erlaubten, punktuell zur Verstärkung der dramatischen Handlung zu agieren.

Neben der üblichen Brillanz des Orchesters der Akademie für Alte Musik Berlin und des Opernchors (bei seinen wenigen Auftritten) fiel vor allem das schwache Bühnenbild auf: Zwei bemalte und verschiebbare Paneele am unteren Ende eines Gerüsts, das aus einem riesigen Kreis geschnitzt ist, würden vielleicht in einem Paralleluniversum eine ansehnliche Opernkulisse abgeben... Aber sicher nicht in einer solchen Produktion !

Alles in allem reiht sich diese Oper in die Reihe der erfolgreichen Produktionen der Staatsoper Unter den Linden ein und schafft es, uns trotz einiger kleiner struktureller Schwächen mitzureißen. Wir können unsere Berliner Leser nur ermutigen, diese Oper zu genießen, solange sie noch auf dem Spielplan steht.



Publié le 05 déc. 2022 par Gabriel Beauvallet-Bauchet