Hörgeschichten - Innsbruck

Hörgeschichten - Innsbruck © Günther Egger : Haus der Musik, Innsbruck
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L’écoute musicale, une expérience propre à chaque auditeur

Le dimanche 11 août 2024, au cœur du festival des Innsbrucker Festwochen der Alten Musik, s'est tenu un événement d'une nature unique : Hörgeschichten (Histoires d'écoute). Plus qu'un simple concert ou une conférence, cet atelier immersif s'est révélé être une véritable exploration des mystères de l'écoute musicale, un voyage au sein de notre perception sonore guidé par des figures majeures du monde de la musique ancienne et contemporaine.

Sous la modération experte de Thomas Arbeiter, présentateur de l'ORF (radio publique autrichienne), les participants ont été invités à plonger dans les profondeurs de ce que signifie réellement écouter. Le cadre était celui d'un Hörlabor (laboratoire d'écoute), où chaque intervenant ainsi que le public était convié à expérimenter, questionner et redéfinir la notion même d'écoute.

Ottavio Dantone, éminent claveciniste, organiste et chef d'orchestre, a ouvert la discussion en apportant son expertise issue du monde de la musique ancienne. Dantone a abordé la question de savoir si les musiciens écoutent différemment des non-musiciens. Selon lui, l'écoute d'un musicien est souvent teintée par une conscience aiguë de la structure et de l'exécution technique, ce qui peut parfois éclipser la pureté de l'expérience émotionnelle. Toutefois, il a également souligné l'importance de retrouver cette écoute intuitive, presque enfantine, qui permet de ressentir la musique dans sa forme la plus brute. Son intervention a été ponctuée de démonstrations musicales au clavecin, où chaque note jouée était accompagnée d'une explication sur la manière dont elle pouvait être perçue différemment selon le contexte et l'attention portée.

Christof Dienz, compositeur et bassoniste, a ensuite pris la parole pour offrir une perspective plus contemporaine. Dienz, connu pour repousser les frontières de la musique classique à travers son rôle de directeur artistique de Klangspuren Schwaz (Traces sonores, festival de musique contemporaine de Schwaz, Tyrol), a remis en question l'idée d'un « bon » ou « mauvais » mode d'écoute. Pour lui, chaque écoute est unique et validée par l'expérience individuelle de l'auditeur. Dans une démonstration fascinante, Dienz a manipulé des enregistrements sonores en temps réel, modifiant la perception du public à travers l'usage de technologies modernes, ce qui a permis de mettre en lumière la malléabilité de l'écoute. Une question centrale a émergé : que se passe-t-il lorsque nous écoutons sans connaître le contexte ou le texte d'une œuvre musicale ? Dienz a montré que le son seul peut porter une charge émotionnelle et narrative aussi puissante que des paroles explicites.

L'un des aspects les plus remarquables des Hörgeschichten a été l'implication du public. Les participants ont été invités à poser des questions, à partager leurs propres expériences d'écoute et même à participer à des exercices pratiques. Une question récurrente parmi les participants était celle de la « pureté » de l'écoute : est-il possible de vraiment écouter sans être influencé par des préjugés ou des connaissances antérieures ? Les discussions ont révélé que l'écoute est un acte profondément subjectif, souvent guidé par des émotions, des souvenirs et des contextes culturels.

Ce qui a peut-être été le plus frappant dans cet événement, c'est la prise de conscience collective que l'écoute, bien que souvent perçue comme un acte passif, est en réalité une forme active de création de sens. L'écoute façonne la manière dont nous comprenons et interagissons avec le monde qui nous entoure. Pour les musiciens et les mélomanes présents, Hörgeschichten a offert une occasion précieuse de réfléchir sur la manière dont ils écoutent la musique, mais aussi sur comment ils peuvent encourager une écoute plus consciente et nuancée dans leurs propres pratiques.

Les Innsbrucker Festwochen der Alten Musik ont ainsi réussi à transformer un simple événement en une véritable expérience philosophique et artistique, laissant à chacun des participants des questions à méditer et, peut-être, une nouvelle façon d'écouter la musique dans toute sa profondeur.



Publié le 24 août 2024 par Pedro Medeiros