Heavenly Fantasy - Hopkinson Smith

Heavenly Fantasy - Hopkinson Smith ©Vico Chamla
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Intimité et mélancolie du luth élisabéthain

Suite à la parution récente de son disque Mad dog, d’ores et déjà prestigieusement récompensé, le luthiste américain Hopkinson Smith propose au public du Festival d’Ambronay son programme consacré à la musique pour luth sous l’ère élisabéthaine (seconde moitié du XVIe siècle), véritable âge d’or de la musique anglaise. A la manière des manuscrits de l’époque, des œuvres de compositeurs et de styles différents se mêlent, ayant tout de même souvent en commun un caractère sombre et mélancolique. Dans le souhait de mettre en évidence cet esprit, Hopkinson Smith choisit d’accorder son instrument avec un diapason plus bas que d’habitude et a même demandé à son luthier et ami, Joël van Lennep, d’ajouter un huitième chœur (ensemble de deux mêmes cordes).

Le programme débute avec le doux adieu Fare thee well de Anthony Holborne (?-1602), plaçant de suite le public dans une écoute très intimiste, nécessitant une grande qualité d’écoute. La grande abbatiale d’Ambronay est sans aucun doute un lieu particulièrement charmant en cette après-midi, toutefois on ne peut que se rappeler que la faible puissance sonore du luth y est vite limitée. De plus, le concept du concert est très différent de celui de l’enregistrement : les intentions, particulièrement subtiles chez les instruments à cordes pincées, ne peuvent être captées avec la précision et la qualité des appareils d’enregistrement, nécessitant alors un engagement interprétatif qui est tout autre. C’est ce qui fait ici défaut, le public ne pouvant réellement apprécier le jeu délicat de Hopkinson Smith. Dans la jolie danse ternaire Mrs White’s Nothing de John Dowland (1563-1626) – compositeur emblématique pour luth –, on peut aisément distinguer le chant de la voix supérieure et le contre-chant de la basse. Cependant, les voix intermédiaires sont plus difficiles à entendre. Après un accord (nécessaire), le programme se poursuit avec des œuvres de John Johnson. Le jeu délicat du luthiste est tel que certaines cordes graves sont à peine pincées, ne permettant d’en apprécier les phrasées mélodiques qui complètent celles du chant supérieur et permettent ainsi de donner un sens à la musique, ici donc incomplet. Il est également dommage d’entendre quelques fois des cordes pincées mais coupées maladroitement dans leur résonance, produisant quelques bruits métalliques, certes légers mais perturbant tout de même la compréhension du discours mélodique. The Shoemaker’s Wife de Dowland fait entendre d’élégantes ornementations, avant la mélancolie tendre de la Pavana Bray de William Byrd (1542-1623). Le concert se termine par deux danses, plus rebondies et un peu moins intimistes, de Holborne.

Après cet agréable moment reposant, Hopkinson Smith ne se fait guère longuement prier pour offrir en bis une dernière pièce de John Dowland, A Dream, laissant l’auditeur dans cet état de doux rêve.



Publié le 08 oct. 2018 par Emmanuel Deroeux