Constellation - Il Quadro Animato

Constellation - Il Quadro Animato ©Bertrand Pichène
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A la découverte du pré-classicisme à travers l’Europe

Spécialisé dans les répertoires baroque, galant et classique, l’ensemble Il Quadro Animato, sélectionné pour une deuxième année au sein du programme eeemerging (projet européen d’accompagnement des jeunes ensembles), propose au Festival d’Ambronay un programme construit en une sorte d’itinéraire imaginaire lors de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Ce panorama met ainsi en évidence quatre compositeurs représentatifs du style émergent dans quatre villes européennes et musicalement importantes.

La première œuvre est le Quatuor pour flûte en do majeur de Johann Christian Bach (1735-1782), un des fils de Jean-Sébastien, qui fit carrière à Londres. Grâce à leur complicité évidente, les cinq jeunes musiciens font entendre de beaux phrasés, avec un relief juste, sans exagération, et d’un style tout à fait galant annonçant assurément celui de Wolfgang Amadeus Mozart (1754-1791). Il est vrai que, les deux compositeurs se nourrissant l’un pour l’autre une amitié sincère, le premier influença en partie le plus jeune. La période dite « préclassique » est sans aucun doute marquée par l’essor d’un tout instrument nouveau, le pianoforte, qu’Il Quadro Animato met à l’honneur avec le Quintette en si bémol majeur d’Ignaz Holzbauer (1711-1783), maître de chapelle et premier violon de l’excellent petit orchestre de la cour l’électeur Karl Theodor de Manheim. Si la justesse des instrumentistes n’est pas toujours parfaite, c’est qu’ils cherchent avant tout des couleurs en proposant une multitude de nuances. Dans le Minuetto con variazioni, les variations font varier les effectifs, mettant en valeur chaque instrument. Le violoncelle de l’attentive Isabel Müller-Hornbach est particulièrement agréable et rond de son. Le violon d’Emanuele Breda est d’une belle direction mais pourrait gagner en clarté, particulièrement lors de ces passages démonstratifs.

Jean-Sébastien Bach fut également le père d’un autre compositeur important de cette période : Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788), excellent claveciniste et flûtiste au service du prince Frédéric de Prusse, avant d’accéder au prestigieux poste de premier clavecin de la chambre du roi lorsque son protecteur devient Frédéric II « Le Grand ». Sa Sinfonia en si mineur est tout à fait théâtrale dans son premier mouvement Allegretto, avec des contrastes brusques et beaucoup de caractère. La musique se fait ainsi parfois nostalgique, colérique, virevoltante ou joyeuse. Il semble que les instruments ne tiennent pas très bien l’accord, particulièrement le violon, mais les musiciens savent bien le masquer, n’hésitant pas à les accorder de nouveau entre les mouvements. Leopold Hoffmann (1738-1793) fut maître de chœur à la Cathédrale Saint-Etienne de Vienne et fut très longtemps considéré comme un des plus grands représentatifs de l’école viennoise. Son Quatuor pour flûte en ré majeur fait entendre de très belles mélodies. La pianiste Flóra Fábri se montre particulièrement attentive aux couleurs qu’elle perçoit et qu’elle propose. Elle sait également apporter un juste soutien à la basse du violoncelle et à l’harmonie sans jamais prendre le dessus inutilement. Les dessus, en bonne communion, sont tout à fait au service de la mélodie et des motifs mélodiques qui l’ornent. Le traverso de Lorenzo Gabriele est très agréable, avec un timbre doux et légèrement feutré qui sert une interprétation jamais démonstrative mais utilise les ornements pour enrichir, avec simplicité, la mélodie. Il sait toutefois se montrer fort agile lors du mouvement final Presto.

Rappelés par le public lors des saluts, le jeune ensemble propose en bis une ligne toute nouvelle et toute récente, avec une œuvre de Pierre-Yves Macé, au matériau minimaliste, traitant rythmiquement un simple motif mélodique, déconstruit et modifié. La musique contemporaine n’est pas souvent entendue lors de ce festival, mais cet apport fut largement apprécié par les spectateurs, qui saluèrent chaleureusement l’audace et l’interprétation.



Publié le 10 oct. 2018 par Emmanuel Deroeux