Musiques anglaises - Duo Coloquintes

Musiques anglaises - Duo Coloquintes ©
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Dans l’Angleterre du XVIIe siècle

Au bout d’une petite allée, presque caché, le petit Théâtre de l’Île Saint-Louis – Paul-Ray se cache au milieu des immeubles. D’abord charmé par l’intimisme de la salle, le public se sent rapidement à l’aise et sait déjà qu’il vivra une belle expérience de partage avec les artistes. Ce soir, le Duo Coloquintes, formé par la violoniste Alice Julien-Laferrière et la violiste Mathilde Viale, présente son nouveau programme autour de la musique en Angleterre au tout début du XVIIe siècle après une résidence de création à la Turbine, ancien moulin rénové en lieu artistique au fin fond du calme bourguignon. La quasi-intégralité des œuvres choisies est extraite d’une compilation, le recueil Fitzwilliam Virginal Book. Celui-ci, conservé au Fitzwilliam Museum de Cambridge, réunit près de trois cents musiques écrites par différents auteurs pour être jouées à la Cour élisabéthaine puis de la maison Stuart sur un virginal. La diversité et la qualité des œuvres semblent avoir inspiré le duo pour les transcrire et ainsi en découvrir de nouvelles couleurs.

Dans ce petit théâtre, on est immédiatement charmé par ces couleurs instrumentales, par ces timbres chauds et rond des cordes, de la viole bien sûr mais aussi du violon, tout aussi moelleux dans la manière de les faire résonner. Les œuvres se suivent en une alternance réfléchie de moments fiers, souvent très dansants ou doux voire tout à fait caressants. Quelle que soit le caractère et l’énergie proposés, l’auditeur se laisse captiver par la musicalité toujours consciente, conduite par un geste sûr et sincère. Il est indéniable que la transcription pour deux instruments ne réduit aucunement la difficulté des pièces, déjà redoutée par les musiciens du XVIIe siècle, Alice Julien-Laferrière et Mathilde Viale ne manquant pas de montrer leur maîtrise instrumentale par leur agilité. Néanmoins, ce n’est jamais une virtuosité gratuite et démonstrative : elle se fait plaisir du jeu. Par leurs gestes qui animent leurs phrasés, les deux musiciennes ne peuvent cacher, avec une sincérité évidente, leur réel plaisir de jouer ensemble et de partager cette musique avec le public. Au-delà de leurs quelques regards et sourires complices, leur concentration patente montre tout de même qu’elles désirent offrir une prestation de qualité, dans le sérieux d’une interprétation la plus respectueuse possible de la partition et de son auteur.

Ainsi, tout en mariant agréablement les timbres des deux instruments et en partageant une direction musicale commune et limpide, le duo parvient à préserver leur propre identité par la richesse des mélodies, pour le plus souvent très éloquentes. Parmi toutes les œuvres entendues ce soir, le cœur du programme marque par les touchantes Captaine Humes Lamentations du violiste Tobias Hume – seule pièce du programme que l’on ne retrouve pas dans le Fitzwilliam Virginal Book – qui offrent un moment comme hors du temps. Elle est suivie de la Praeludium Toccata de Jan Pieterszoon Sweelinck, dont les véritables traits de bravoure forcent l’admiration. En fin de soirée, on est enfin amusé par les courtes danses et variations, toutes plutôt malicieuses, où sautillent les archets sur les cordes avec virtuosité et surtout humour – anglais bien entendu – telles les variations sur John come kisse me now de William Byrd et de Thomas Baltzar.

Le public a droit en bis au bien nommé Quodlings Delight de Giles Farnaby avant d’être invité à poursuivre ce moment convivial avec les artistes autour d’un verre. Dernière manifestation, s’il en fallait une, de l’authenticité de leur passion pour la rencontre et le partage grâce à la musique.



Publié le 01 mars 2023 par Emmanuel Deroeux