Orlando furioso - Vivaldi

Orlando furioso - Vivaldi ©Jean-Luc Izard
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La folie fougueuse d’Armonia Atenea

Orlando furioso est le résultat de plusieurs tâtonnements de Vivaldi qui aboutissent à l’automne 1727 à la création de cet opéra au Teatro Sant'Angelo de Venise que dirigeait alors le compositeur. L’accueil réservé à l’ouvrage reste inconnu à ce jour mais la reprise de nombreux airs de cet Orlando dans des opéras postérieurs semblent indiquer qu’il rencontra le succès. Avant de tomber dans l’oubli, jusqu’en 1978, date de sa résurrection à Vérone.

Initialement programmé en avril 2020, ce n’est que ce 14 octobre 2021 que le spectacle a pu se tenir, crise sanitaire oblige. Donné dans une version d’1h30 (la partition originale est d’une durée de plus de 3 heures, il serait d’ailleurs plus approprié de parler de concert autour de Orlando Furioso que de représentation d’opéra. Spectacle qui se fit attendre d’ailleurs plus d’une demi-heure en raison d’un accident survenu à une spectatrice dans la salle.

Armonia Atenea est en grande forme et donne le meilleur sous la direction énergique, impliquée et attentive de Markellos Chryssicos, à la gestique saisissante. L’interprétation est fougueuse, brillante, la palette de couleurs incroyablement riche et les nuances infinies. Un pur bonheur musical ! Le choix d’interpréter la sonate La Follia de Vivaldi en ouverture était un peu surprenant mais se révèle un moment de grâce qui donne à entendre le meilleur de cette œuvre pourtant rebattue.

Max Emmanuel Cenčić ne fait qu’une bouchée du rôle d’Orlando dont il se délecte très visiblement. L’aigu est superbe, les graves ronds et le timbre toujours aussi séduisant avec cet effet sfumato (je ne sais pas le décrire autrement) qui me touche tant. Les vocalises sont impeccables dans un rôle très exigeant et la caractérisation du personnage est une vraie réussite, notamment dans les airs de folie dans lesquels on est proprement emportés par les délires du personnage.

Même réussite pour Sophie Junker, découverte avec plaisir ce soir. Le timbre mat d’une belle voix de soprano sied parfaitement à Angelica : l’aigu est superbe, l’ornementation d’une précision et d’un goût irréprochable, et l’actrice confère une présence forte à son personnage.

Sonja Runje dispose d’une très belle voix de mezzo. Un peu timide au début, son Alcina en est un peu trop lisse et peine à nous convaincre que nous sommes face à une sorcière fort dangereuse. Elle se libérera peu à peu néanmoins et son interprétation du Andero chiamero sera en tous points remarquable. Pavel Kudinov incarne lui un Astolfo de grande classe. La voix de basse est superbement colorée et capable d’une agilité tout à fait remarquable. Son Benche est un grand moment ! Annoncé souffrant, Philipp Mathmann n’a pu malheureusement interpréter Medoro, entraînant la suppression des airs prévus du programme et leur remplacement par un air d’Orlando et un d’Astolfo. Accompagné avec brio et grande sensibilité par la flûte de Zacharias Tarpagkos, Nicholas Tamagna reçoit une belle ovation méritée après un Sol da te tout en mélancolie et exécuté avec une grande précision. Jess Dandy est un Bradamante décevant. La voix de contralto dispose d’un ambitus très étendu mais elle est peu sonore, la projection est très inégale et les ornementations sont pauvres.

Au final, une soirée d’exception, qui doit beaucoup à la direction impressionnante de Markellos Chryssicos qui redonne beaucoup d’éclat à cette partition.



Publié le 19 oct. 2021 par Jean-Luc Izard