Haendel/ Bononcini - Orliński

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Un concert riche en émotions

Le thème du Festival Haendel de Halle de cette année, Streit um Dideldum und Dideldei (Haendel-Bononcini - La dispute des rivaux), souligne l'influence de Bononcini dans la musique de Haendel. Haendel et Bononcini ont été impliqués dans une célèbre rivalité musicale à Londres dans les années 1720. Ils ont tous deux été engagés pour composer des opéras italiens pour le public londonien et leur rivalité s'est intensifiée, conduisant à des tensions et des controverses. Finalement, Haendel a gagné en popularité et la rivalité s'est estompée.

Bien que Bononcini ait été un compositeur respecté de son vivant, son influence et sa reconnaissance ont diminué au fil du temps. Il est souvent considéré comme étant dans l'ombre de Haendel, dont la renommée a éclipsé la sienne. Bononcini était également un compositeur d'opéras prolifique, bien que moins célèbre que Haendel. Ses œuvres, telles que Griselda et Astarto, étaient plus légères et mettaient davantage l'accent sur la beauté des mélodies. L'Italien était également un compositeur talentueux, et son style musical était plus léger et plus lyrique que celui de Haendel. Il était réputé pour ses mélodies gracieuses et son utilisation élégante de la voix.

Le festival présente à la Konzerthalle Ulrichskirche de Halle un programme alternant airs et ouvertures des deux compositeurs, réunissant l’orchestre Capella Cracoviensis (également présent à Bad Lauchstädt pour le Rinaldo du week-end suivant) autour du contre-ténor Jakub Józef Orliński (venu de Munich entre des répétitions de Semele).

L'orchestre débute seul avec l'Ouverture de Bonincini pour Muzio Scevola, dont la sonorité s’étofffe lentement, au son du luth et du clavecin (tenu par le chef d'orchestre Jan Tomasz Adamus). Mais il est à la peine pour tenir le tempo dans la fugue, avec des violons désynchronisés à la fois dans le rythme et dans le ton… Heureusement, l'entrée en scène d'Orliński a rapidement fait oublier ces difficultés initiales.  La présence scénique du contre-ténor polonais est une preuve de sa maîtrise du contact avec le public.  Du Muzio Scevola de Haendel, l’air Spera che tra le care est bien connu du chanteur : il constitue l'une des bannières de son album Facce d'amore (paru en 2019, voir le compte-rendu). Avec un rythme soutenu et une voix profonde, Orliński danse à travers les vers de Haendel.  Les variations du da capo sont vives et audacieuses, récompensant le public avec une merveilleuse cadence disputée avec le violon solo.

Saluant dans sa langue natale le public de Halle – devant lequel il se produit pour la première fois – Jakub Józef Orliński présente ensuite brièvement les airs de Haendel et Bonincini au programme de la soirée, concluant par un « Enjoy ! ». Il poursuit son récital avec un air de Bononcini, Di vagheggiarvi, une mélodie légère et drôle, agrémentant les passages instrumentaux de danses et de mimiques souriantes.

Dans un court intermède instrumental, l'orchestre joue le Vivace du Concerto grosso op.3 N°.6 HWV 317, aux réminiscences d'Acis, Galatea et Polifemo.  Orliński revient pour le deuxième air de Giulio Cesare, le rageant Empio dirò tu sei.  L'orchestre commença avec un volume très faible, mais la colorature impeccable du contre-ténor remplit l'église, éclipsant l'orchestre avec la rage de Cesare.  Par contraste, Infelice mia costanza de Bononcini fournit à Orliński le motif de longues notes douces, complétées par l'orchestre, avec un da capo aux passages a capella époustouflants de douceur. Heureusement, un long entracte a ensuite permis aux émotions de s’apaiser…

L'ouverture légère composée par Bononcini pour Griselda a ouvert la seconde partie, sans aucun applaudissement pour l'orchestre. Accompagné par les notes profondes et graves du violoncelle dans le récitatif, Orliński est revenu pour Stille amare - un autre de ses airs de prédilection, rappelant le Tolomeo qu'il a chanté à Karlsruhe en 2020 ainsi que son album Enemies in Love, un personnage qu'il connaît bien !).

Succède un autre air de Bononcini, léger mais toujours fluide (Volgendo a me lo sguardo), coulé par les notes amples de l'ouverture de Haendel pour Flavio, avec un orchestre désormais bien mieux coordonné que dans la première partie.

Vers la fin, Orliński a orné le Sebben fu il cor sever de Griselda avec ses cadences nasales chromatiques typiques, ouvrant la voie à son dernier air de la nuit Se in fiorito. Avec une petite mise en espace, Orliński évoque les séduisants Augeletti (oiseaux) dans son duel avec le violon solo.

Après de brefs applaudissements et des fleurs, on revient à Stille amare, sans récitatif, interrompu à la fin par La morte a ..... (chiamar) (la mort présumée de Tolomeo). Orliński demande una scusa... Il explique que ce n'était pas le meilleur rappel, car le protagoniste « meurt », même si c'était juste une potion de sommeil (revenant pour un duo d'amour au lieto fine de Tolomeo).

Le public est finalement réjoui par plusieurs variations sur le da capo du Se in fiorito - reproduisant les réverbérations dans l'église, le motif du Jesus bleibet meine Freude de Bach et un duel d'imitation dans les notes aiguës avec le violon solo.

En bref, un court concert autour d’un répertoire connu des interprètes, auquel l'orchestre aurait pu être mieux préparé. Jakub Józef Orliński a cependant présenté ses talents habituels de break dance vocale dans les airs de Haendel, en parcourant les airs légers de Bononcini.



Publié le 22 juin 2023 par Pedro Medeiros