Persée (1682) - Lully

Persée (1682) - Lully ©
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Royal retour à la source !

Considéré comme l’une des plus belles coopérations entre Lully et Quinault, Persée fut créé à l’Académie royale de musique en avril 1682, où il fut régulièrement repris jusqu’en 1747. En 1770 cette œuvre fut choisie pour l’inauguration du nouvel Opéra construit par Ange-Jacques Gabriel (1698-1782) à Versailles, qui dotait enfin la résidence royale d'une véritable salle de spectacles. L'événement du mariage du Dauphin avec Marie-Antoinette d'Autriche avait enfin balayé des décennies de tergiversations pour cause de finances royales nécessiteuses. Pour cette occasion, la partition est revue par trois compositeurs officiels de la Cour : Antoine Dauvergne (1713-1797), François Rebel (1701-1775) et Bernard de Bury (1720-1785), avec la collaboration du librettiste Nicolas-René Joliveau (après 1700- 1790). Près de deux siècles et demi après sa création, c’est cette version remaniée que proposait d'entendre ce soir-là Hervé Niquet, dans la salle même de la création.

Tout d'abord une courte présentation de Benoit Dratwicki, directeur artistique du Centre de Musique Baroque de Versailles, nous replace opportunément dans le contexte historique de la création avant que le spectacle ne commence. L'ouverture qui suit est maîtrisée à la perfection par Hervé Niquet et son Concert Spirituel : de magnifiques phrasés, un orchestre brillant et des tempi expressifs à souhait. Tout au long de cette représentation la direction musicale d’Hervé Niquet s'avérera à la hauteur des attentes les plus exigeantes. Signe de son extrême concentration : durant un air très prenant, sa partition se retrouvera par terre après un petit excès de zèle ! L’orchestre ne cessera de nous ravir, en particulier dans les magnifiques airs écrits par les quatre compositeurs : des violons toujours parfaitement justes, des cors discrets mais parfaitement audibles, une belle homogénéité d'ensemble. Côté expressivité le Concert Spirituel traduit fidèlement la succession des sentiments qui s'enchaînent au long de l'intrigue. Louons également les interventions d'Elisabeth Geiger au clavecin, qui accompagne avec brio et sensibilité les récitatifs.

Coté distribution, Hélène Guillemette incarne une Andromède expressive, dont le timbre s'adapte parfaitement aux émotions de son son personnage. Malheureusement Katherine Watson (Mérope) et Marie Lenormand (Cassiope) affichaient ce soir-là des voix un peu fatiguées, manquant de rondeur et aux aigus plutôt serrés : conséquence de cette fin de tournée de représentations ? Pour sa part Marie Kalinine (Méduse) ne fût pas très convaincante, sa voix révélant quelques problèmes de justesse. Côté masculin on peut souligner la performance de Zachary Wilder (Euryale), qui chanta par cœur ses parties. Sa voix sembla parfois manquer de netteté par rapport à l'acoustique de la salle, mais il nous gratifia de très beaux ornements qui rehaussèrent de façon exemplaire ses magnifiques duos et trios avec Céphée (Jean Teitgen) et Sténone (Thomas Dolié). Dans le rôle de Mercure, Cyrille Dubois afficha outre ses belles qualités vocales son appréciable talent d'acteur.

Deux chanteurs ont dominé cette distribution. Tout d'abord Chantal Santon-Jeffery incarna une Vénus au timbre magnifique et d'une justesse à tout épreuve . Son air final fut absolument sublime, les vocalises y demeuraient souples et la voix légère, dans une puissante projection parfaitement maîtrisée. Et dans le rôle-titre de Persée (où l'on regrettera finalement de l’entendre trop peu…) Mathias Vidal s'avéra tout simplement parfait. Il semblait incarner exactement le rôle qui convient à sa voix et à sa présence scénique : une diction parfaite, des ornements extraordinaires, et une puissance absolument stupéfiante, surprenante chez un interprète qui nous avait habitué aux délicates voltiges du répertoire de haute-contre.

Le chœur présent sur scène (entre six et huit chanteurs par pupitre) était essentiellement composé de Chantres et ex-Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles. Tout au long de ce Persée il manifesta une puissance homogène, qui aurait peut-être gagnée à être plus contrôlée chez les hautes-contres. Sa justesse fut sans faille, et son expressivité éclata avec bonheur dans le superbe chœur final, clôturant avec Persée cette œuvre de façon magistrale.

Pour les amateurs qui n'auraient pas eu le plaisir d'assister aux différentes représentations, un enregistrement semble en préparation : il permettra à chacun de se faire son opinion sur cette brillante recréation.

NDLR : on pourra comparer cette chronique à celle de la représentation donnée à l'Arsenal à Metz le 03 avril 2016 Persée

Publié le 01 mai 2016 par Hippolyte DARISSI