Polifemo - Porpora
© Franck Putigny Afficher les détails Masquer les détails Date: Le 06 déc. 2024
Lieu: Opéra royal - Versailles
Programme
- Polifemo
- Opera seria en trois actes de Nicola Porpora (1686-1768), sur un livret de Paolo Antonio Rolli
- Créé le 1er février 1735 au King’s Theatre de Londres
Distribution
- Franco Fagioli (Acis)
- Julia Lezhneva (Galatée)
- Paul-Antoine Bénos-Djian (Ulysse)
- José Coca Loza (Polyphème)
- Éléonore Pancrazi (Calypso)
- Mise en scène : Justin Way
- Chorégraphie : Pierre-François Dollé
- Costumes : Christian Lacroix Costumes, assisté de Jean-Philippe Pons
- Décors : Roland Fontaine
- Lumières : Stéphane Le Bel
- Maquillage et coiffure : Laurence Couture
- Perruques : Cécile Kretschmar
- Masques et costume de Polifemo : Rachel Quarmby-Spadaccini et Jean-Christophe Spadaccini
- Cheffe accessoiriste : Julie Berce
- Académie de danse baroque de l'Opéra Royal
- Orchestre de l’Opéra Royal
- Direction : Stefan Plewniak
Les riches heures de PorporaPolifemo est le cinquième opéra composé pour Londres par le compositeur napolitain Nicola Porpora. La création le 1er février 1735 s’inscrit dans la rivalité des deux compagnies qui se disputent le public, à savoir l'Académie Royale de Musique de Haendel et l’Opera of the Nobility de Porpora. Ariodante vient d’être créé avec un grand succès (le 8 janvier 1735) et Polifemo apparaît comme une riposte de la compagnie rivale, avant la création d’un autre chef d’œuvre de Haendel, Alcina (en avril de la même année).
La distribution de la création est fastueuse avec Montagnana (Polifemo), Farinelli (Acis), Cuzzoni (Galatea), Senesino (Ulysse) et Bertoli (Calypso) et assure un énorme succès à l’ouvrage, qui sera joué à quatorze reprises au cours de l’année 1735 avant de sombrer dans l’oubli jusqu’à la fin du XXème siècle, et au film Farinelli dont la bande son inclut l’Alto Giove et qui fait renaître un intérêt pour Porpora.
Le livret de Rolli entrelace deux histoires relatives à Polifemo et parfaitement connues du public du début du XVIIIème siècle : celle de l’Odyssée dans laquelle Ulysse tue le Cyclope en lui crevant l’œil et celle des Métamorphoses qui conte le meurtre du berger Acis par Polifemo, jaloux de l’amour de Galatée.
La production revendique ouvertement son inspiration baroque. Ce parti pris est particulièrement réussi pour les superbes costumes de Christian Lacroix ou pour la chorégraphie inventive et souvent décalée, amusante, imaginée par Pierre-François Dollé. Hélas, la mise en scène de Justin Way, à force de vouloir reconstituer une atmosphère « d’époque » pêche par une totale absence de vision et de discours. Certains trouveront cela reposant comparé aux excès d’interprétation de certaines mises en scène ; j’ai personnellement trouvé cela un peu ennuyeux.
© Franck Putigny
La direction de Stefan Plewniak est particulièrement inspirée et rend pleinement justice à cet ouvrage en mettant en avant les riches couleurs de l’Orchestre de l’Opéra Royal et en ciselant un continuo inspiré et délicat.
José Coca Loza est un excellent Polifemo, brutal à souhait, dont l’animalité transparaît dans chacune de ses interventions, et qui possède les graves profonds du rôle. Eléonore Pancrazzi est parfaitement distribuée en Calypso dont elle possède les moyens vocaux avec une aisance et une agilité confondantes.
Paul-Antoine Bénos-Djian est tout aussi excellent en Ulysse. Le timbre chaud et viril se module avec bonheur et nous livre un personnage tout d’héroïsme. Son Fortunate pecorelle, avec vrais moutons et chèvres sur scène est très réussi mais c’est avec le célèbre Quel vasto, quel fiero que ses énormes qualités vocales sont le plus mises en évidence.
La Galatée de Julia Lezhneva est impressionnante que ce soit dans la maîtrise d’un legato d’une grande fluidité, dans l’émission d’aigus superbes ou dans l’agilité de vocalises brillantes qui interviennent souvent a capella mettant en évidence les qualités musicales de cette voix. Si elle a semblé parfois moins à l’aise dans ses dernières interprétations, elle est ici parfaitement distribuée dans un rôle dont l’écriture lui convient parfaitement.
Reste Franco Fagioli qui, en Acis, se livre à ses excès habituels. Malheureusement, les moyens vocaux ne sont plus tout à fait au rendez-vous et l’abus du recours à ces sauts d’octaves et à ces trilles hoquetées qui sont sa marque de fabrique est assez rapidement lassant, tant l’homogénéité des registres fait désormais défaut. C’est d’autant plus dommage que lorsqu’il choisit un chant plus sobre la qualité de sa diction, la longueur du souffle, la beauté du timbre et du legato, la légèreté et la rapidité des vocalises font merveille, comme c’est le cas dans son très réussi Alto Giove.
Le public de l’Opéra royal a ovationné cette production, s’attardant longuement à applaudir les interprètes après plus de trois heures trente de spectacle.
Publié le 17 déc. 2024 par Jean-Luc Izard