Porpora / Farinelli vs Haendel/ Carestini - Jaroussky

Porpora / Farinelli vs Haendel/ Carestini - Jaroussky ©Jean-Yves Grandin
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Une perspective aguichante

Opposer deux des plus grands compositeurs baroques et les airs composés spécialement pour deux des plus grands castrats du XVIIIe siècle constitue une perspective tout à fait aguichante et intéressante sur le plan stylistique. La difficulté de l’exercice conduit inévitablement à un programme vocal un peu court, que Jaroussky complétera en bis d’un Verdi prati dépouillé.

J’avais exprimé il y a quelques jours des inquiétudes quant à la voix de Jaroussky (voire ma récente chronique), inquiétudes qui n’ont été que partiellement levées par ce concert au cours duquel l’excellence a côtoyé des prestations moins abouties. Le choix des deux premiers airs (Porpora) permet à Jaroussky de rester prudemment dans le medium, et d’y faire preuve d’une grande maîtrise technique. Puis il affronte Haendel dans Mi lusinga il dolce affetto, qui commence par montrer des problèmes dans l’aigu, souvent court et un peu pincé, avant de se poursuivre magistralement. Et la 1ère partie se conclut sur un vertigineux Agitato da fiere tempeste, exécuté avec brio et tout en souplesse. L’ornementation est une réussite absolue, conduite avec goût et élégance.

La deuxième partie s’ouvre sur Scherza infida dans lequel les difficultés réapparaissent. Certaines notes aiguës sont blanches, interrompues de façon abruptes et le timbre semble comme affecté d’une fêlure dans le haut medium. Et puis à nouveau un DC superbe, nuancé et modulé à l’infini, exécuté sur le souffle. Alto Giove qui suit est une démonstration de talent. La voix semble comme libérée, l’interprétation est splendide. Enfin, Allontana agnella dans laquelle la virtuosité de Jaroussky se déploie, dans une interprétation impeccable et tempétueuse à souhait. La soirée se conclut sur un unique bis, à savoir un Verdi Prati sage et dépouillé.

Si Philippe Jaroussky n’a pas semblé en totale et parfaite maîtrise de son instrument, le programme laisse, a posteriori, un peu dubitatif : il devait montrer les oppositions et les rivalités mais ce propos pédagogique reste plutôt lettre morte.

Cet objectif était pourtant davantage perceptible dans la remarquable prestation du Concert de la Loge qui sous la direction attentive de Julien Chauvin dissèque avec gourmandise les instrumentaux nombreux qui sont au programme. La formation sonne superbement bien et est traversée pendant toute la représentation d’une énergie légère et contagieuse qui délivre une merveilleuse interprétation des deux concerti grossi de Haendel au programme de ce soir.

Le public, nombreux, a chaleureusement applaudi les artistes.



Publié le 25 nov. 2021 par Jean-Luc Izard