Requiem à la mémoire de Louis XVI - Sigismund NEUKOMM

Requiem à la mémoire de Louis XVI - Sigismund NEUKOMM ©
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Un digne hommage à Louis XVI

Avant toute chose, rafraîchissons-nous la mémoire sur ce compositeur mal connu. Sigismund Neukomm (1778 – 1858) est né à Salzbourg ; il montre dès ses six ans un profond penchant pour la musique. Il maîtrise rapidement la plupart des instruments à vent et à cordes (c’est ce que l’on peut appeler un surdoué de la musique…). Il obtient dès l'âge de 15 ans la place d’organiste à l’université, et devient à 18 ans co-répétiteur de l’Opéra. Après avoir achevé ses études de mathématiques et de philosophie, il quitte Salzbourg en 1798 pour se rendre à Vienne, où il devient élève de Joseph Haydn (qui le traita comme son fils). Il quitte Vienne pour se rendre en Suède, où il sera membre de l’Académie de musique, puis à Saint-Pétersbourg où il sera en charge de la direction de la musique de l’opéra allemand. Il rentra à Salzbourg à cause d’une maladie sérieuse et de la mort de son père, Il repartit ensuite à Vienne, où il arriva peu de temps après la mort de Haydn. En 1809 il vint à Paris, La princesse de Vaudémont lui fit rencontre le prince de Talleyrand, auprès duquel Neukomm s’installa. En 1814, il l’accompagna au congrès de Vienne. Le Requiem qu’il avait composé à la mémoire de Louis XVI fut exécuté dans la cathédrale Saint-Etienne de Vienne, par un chœur de 300 chanteurs, en présence des empereurs, rois et princes réunis au Congrès. En 1815, Talleyrand fit récompenser Neukomm, qui reçut la Légion d’honneur et des lettres de noblesse. Il voyagea en Italie en 1826, en Belgique et en Hollande en 1827, retourna à Paris en 1830… Il continua toute sa vie de voyager à travers l’Europe, et vécut à Paris les dernières années de sa vie.
Cette messe était à l’origine prévue pour deux chœurs et orgue ; elle a été remaniée et enrichie d’une instrumentation démonstrative pour la représentation durant le congrès de Vienne. L’auteur précise également que le premier chœur peut être formé de quatre solistes, s’ils ont une bonne voix, choix repris ce soir par la production. L’originalité de cette œuvre consiste en la distribution en chœurs et groupes d’instruments autonomes (cordes, bois, cuivres) qui à la fois soutiennent la voix et tissent un dialogue entre eux. Il faudra attendre le Requiem de Berlioz pour retrouver une telle maîtrise de l'espace sonore.
Après que le public et les musiciens, chœurs et solistes aient pris place dans la Chapelle Royale, cadre tout à fait approprié pour une telle œuvre, la musique débute par une marche funèbre, jouée uniquement par les cuivres. Ceux-ci sont placés au balcon, devant le grand orgue. Cette disposition met en valeur le son puissant mais néanmoins doux des cuivres, sans que le public soit submergé par le niveau sonore. Sur le bas-côté de la chapelle passe un chœur d’homme qui gagne l'entrée. Sur un coup de gong, ces hommes entament leur chant, puis le chœur resté sur scène, et enfin le chœur composé des solistes. Les cuivres interviennent de nouveau pour un petit intermède, suivis des chœurs.
Sans surprise le Chœur de chambre de Namur est toujours impeccable, propre, juste. Chez les solistes, Alain Buet nous régale de sa voix prenante et profonde, dès le début de ce Requiem. Parmi les femmes, la voix de soprano de Clémence Tilquin tend à dominer au départ la très belle voix de la mezzo-soprano Yasmina Favre. Mais les deux voix s'ajusteront un peu plus tard, pour notre plus grand plaisir. Le ténor Robert Getchell s'est pour sa part bien acquitté vocalement de sa partie ; on peut juste regretter la discrétion de sa présence scénique.
L’instrumentation de ce Requiem est riche et intéressante. Chacun trouve parfaitement sa place dans cette formation très complète (cordes, cuivres, vents, percussions) : les vents accompagnent le chœur des solistes, des dialogues s’installent entre les chœurs et les cordes, on y retrouve parfois des touches de Mozart (comme dans le Confutatis), et bien sûr de Haydn. L’orchestre dispose également d’une très belle basse continue, composée de quatre violoncelles, d'une contrebasse et de deux bassons : celle-ci tient son rôle à la perfection, sortant du cadre lassant dans lequel peuvent s’inscrire certaines basses continues pour donner une interprétation pleine de sentiments. Nous regretterons toutefois la relative discrétion des vents, hormis les passages dans lesquels les flûtes doublent le chœur de solistes. Il aurait été préférable de les disposer dans un endroit qui les mette davantage en valeur, mais la taille de la scène ne le permettait probablement pas.
L’Offertoire me fut particulièrement plaisant, surtout le final qui se termine sur une fugue où entrent l'ensemble des chœurs et des instruments. Ce passage redoutable, parfaitement exécuté, nous tint en haleine de bout en bout. Le Libera me final, pièce à la sonorité puissante qui rassemble l’orchestre ainsi que les chœurs, achève brillamment ce Requiem sur un tutti instrumental. On est alors surpris d'être parvenu au terme du concert, impression peu commune en écoutant un requiem. Les spectateurs ont alors applaudi de façon unanime, et les artistes ont offert en bis la fugue de l'Offertoire.
Ce magnifique concert a été enregistré par France Musique, il devrait donc faire l'objet d'une prochaine diffusion. Je conseille donc à nos amis internautes de se reporter au site Internet de cette station pour l'écouter, cette œuvre le mérite amplement !

Publié le 27 janv. 2016 par Hippolyte DARISSI