Rinaldo - Haendel

Rinaldo - Haendel ©
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Combat de titans

Inspiré d’un épisode de La Jérusalem délivrée du Tasse, Rinaldo est l'histoire passablement emmêlée d'un chevalier qui vient délivrer Jerusalem... Rinaldo fut le premier opéra de Haendel présenté à Londres. Créé le 24 février 1711, il connut un succès très important qui assura la renommée du compositeur et la domination de l'opéra italien sur la scène londonienne pour de nombreuses années. Écrit paraît-il en deux semaines, son succès fut entre autres garanti par une mise en scène extravagante (de vrais oiseaux peuplaient le jardin d'Armide qui faisait son entrée sur un char tiré par des dragons....). Empruntant de très nombreux airs à des œuvres antérieures, Rinaldo est une sorte de vaudeville sérieux ou d'opéra séria farfelu qui mêle magie, sérieux, comiques de situation et numéros héroïques.
La faiblesse essentielle de la représentation en version de concert au TCE tenait à l'orchestre et plus précisément à sa direction. Mettant en avant une lecture savante de l'œuvre qui est comme disséquée par sa direction, Stefano Montanari ne parvient pas à susciter l'émotion et nous livre un Rinaldo plat, voire ennuyeux à de nombreuses reprises. Si le continuo est de toute beauté et s'il faut saluer le travail des soli de trompettes et de basson, cette direction n'était pas, et loin s'en faut, convaincante.
C'est d'autant plus dommage que la distribution vocale était tout à fait à la hauteur. Karina Gauvin est une formidable Armida, parfaitement à l'aise dans un personnage qu'elle incarne dès son entrée avec le Furie terrible ou dans Vo'far guerra ou dans son duo avec Rinaldo comme dans le duo avec Argante. A l'évidence, elle s'amuse et prend plaisir à vocaliser, à fulminer avec son timbre clair et limpide.
Franco Fagioli est un Rinaldo impeccable, très engagé dans son interprétation, et qui possède les moyens du héros baroque. L'aigu est rayonnant, même si le recours au suraigu semble plus prudent que d'habitude et l'exposition des couleurs toujours aussi fascinante. Cor ingrato et Cara sposa sont bouleversants, quand Venti, turbini et Or, la tromba sont époustouflants de virtuosité et de puissance, notamment, dans ce dernier air, dans le dialogue-combat avec les quatre trompettes.
Julia Lezhneva est une élégante Almirena mais le Lascia ch'io pianga était plus mécanique que bouleversant et, d'une façon plus générale, la soprano ne m'a pas semblé pouvoir développer ses superbes talents de technicienne dans ce rôle d'Almirena, ni d'ailleurs imposer sa partie dans l'affrontement Gauvin-Fagioli, qui l'éclipse. En revanche, l'Argante d'Andreas Wolf a constitué une très belle surprise de cette soirée. D'emblée impressionnant de plasticité et de richesse de couleurs dans le virtuose Sibillar gli angui d'Aletto il construit tout au long de l'œuvre un personnage intéressant, particulièrement bien servi par son timbre chaud et une technique solide.
Darya Telyatnikova est à l'évidence mal distribuée dans le rôle de Goffredo qui est trop grave pour elle et la rend inaudible. Enfin, l'Eustazio de Terry Wey n'est pas inintéressant mais si le contre ténor possède un timbre poétique il manque trop d'agilité, en dépit d'une bonne projection.

Publié le 14 févr. 2016 par Jean-Luc IZARD