Stabat Mater - Pergolèse

Stabat Mater - Pergolèse © Parlophone Records
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Duo de contre-ténors

Le concert s’est ouvert sur le Gloria de Haendel, pièce pour soprano solo, violons et basse continue, récemment retrouvée et attribuée à Haendel. C’était l’occasion de découvrir Bruno de Sá dont la technique remarquable sert à merveille cette pièce. Les coloratures virtuoses, la longueur de souffle et de superbes messa di voce se déploient dans l’écrin d’un aigu tout à fait époustouflant. Pourtant, l’interprétation n’est pas totalement convaincante : la projection n’est pas toujours idéale, la diction est parfois peu compréhensible et le timbre tend à blanchir dans le medium. Le phénomène vocal est bien au rendez-vous mais la voix n’est pas tout à fait aussi belle qu’attendu et, surtout, les couleurs tendent à aller vers le féminin là où, précisément, le charme et l’étonnant de cette voix particulière est précisément la couleur de voix de jeune garçon associée à la puissance de l’adulte, quelque chose qui évoque nettement le castrat.

Avec un nom qui rend hommage au génie commercial de Vivaldi, le concerto pour violon en ré majeur Il Grosso Mogul est d’une facture très classique, en trois mouvements, et typique du caractère volontiers théâtral du compositeur. L’Orchestre national d’Auvergne y met toute la fougue nécessaire et fait sonner joyeusement cette œuvre, servie avec talent et une grande expressivité par le violon de Thibault Noally.

Autre pièce rare, le motet Vos invito a été également récemment retrouvé et attribué. La pièce est d’une grande complexité d’interprétation, enchaînant les difficultés : à un Allegro virtuose et très orné, émaillé de graves, succèdent un court récitatif, puis un aria accompagné, lent et méditatif avant un Alléluia brillant qui renoue avec les difficultés de l’Allegro. Carlo Vistoli se joue de ces difficultés avec un art consommé : le timbre déploie toute sa beauté, les graves sont ronds et émis avec puissance, les coloratures sont expressives et l’ornementation inventive et d’une très grande richesse.

Après l’entracte, vient le Stabat Mater. De cette œuvre géniale qui théâtralise la douleur de la Vierge au pied de la Croix, Carlo Vistoli et Bruno de Sá ont donné une interprétation profondément spirituelle, mémorable et splendide. Les deux voix se marient à merveille et composent des effets chatoyants qui s’imposent dès le Stabat mater dolorosa. Le <>O quam tristis est superbe d’intériorité et de mélancolie, et plus encore le Quando corpus morietur. Bruno de Sá donne toute la mesure de son jeune talent et efface les réserves qu’avaient pu faire naître son Gloria. L’écriture est probablement mieux adaptée à sa voix qui se déploie, aérienne. Mais c’est Carlo Vistoli qui retient le plus l’attention, que ce soit dans les duos qu’il soutient de toute sa puissance d’émission et avec une expressivité qui n’est jamais en défaut ou que ce soit dans les soli tous plus superbes les uns que les autres. Les ornements subtils et délicats du Quae moerebat ou du Fac ut portem sont des petites merveilles.

Le public, très attentif et très concentré, a fait un triomphe à cette interprétation rare et profondément spirituelle d’une œuvre pourtant tellement entendue, ovationnant les interprètes. Qui ont donné en bis l’ «adaptation» de l’Alléluia final par Jean Sébastien Bach.



Publié le 21 janv. 2023 par Jean-Luc Izard