Sturm und Drang - Kammerorchester Basel

Sturm und Drang - Kammerorchester Basel © WDR / Thomas Kost
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Mozart et Haydn, compositeurs du Sturm und Drang

Le mouvement qualifié au XIXème siècle de Sturm und Drang (littéralement « Assaut et élan » – deux termes presque redondants) marque une rupture avec les conventions de la période précédente, en s’autorisant à exprimer plus directement les sentiments et en exaltant la nature. Il s’agit essentiellement d’un mouvement littéraire assez bref (la décennie 1770), dont les représentants les plus célèbres sont Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) et son ami Johann Christoph Friedrich von Schiller (1759-1805). Dans le domaine musical, ce courant englobe une période un peu plus large (en gros, le dernier tiers du XVIIIème siècle). S’y rattachent assez clairement un certain nombre de compositions instrumentales de Wolfgang Amadeus Mozart, de Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) et surtout de Joseph Haydn, qui peut être considéré comme le compositeur le plus emblématique de ce mouvement. Cette période coïncide également avec une modification importante de la composition des orchestres baroques, qui intègrent désormais de nouveaux instruments, notamment la clarinette et le pianoforte, qui en modifient sensiblement les couleurs et permettent de nouveaux effets, plus appuyés, témoins d’une nouvelle liberté musicale dans la composition.

Le concert proposé ce soir-là au Kulturzentrum de Herne réunit une symphonie de Haydn et deux concertos de Mozart, l’un pour le pianoforte et l’autre pour le violon. S’y intercale en regard une pièce contemporaine du suisse Janik Giger. En pièce d’ouverture, la Symphonie n°52 de Josef Haydn, datée de 1771, témoigne de l’impeccable maîtrise technique du Kammerorchester Basel. L’Allegro assai développe des attaques fulgurantes, avec des nuances bien marquées, et une admirable clarté des différents pupitres, qui illustrent à merveille la mention con brio portée dans son intitulé. Sur un rythme très allant, l’Andante recèle aussi quelques effets inattendus, qui alimentent la tension de la ligne orchestrale. Après un Menuetto plus sage et plus classique, le Presto débute doucement, avant d’accélérer très progressivement pour finir dans un rythme tourbillonnant non dépourvu de virtuosité.

Seconde pièce du concert, le Concerto pour pianoforte « Jenamy », KV 271, doit son nom à la jeune virtuose du clavier Louise Victoire Jenamy, dont Mozart avait croisé le chemin au début de l’année 1777, alors qu’il était encore au service de l’archevêque Colloredo à Salzbourg. Il permet d’apprécier pleinement le toucher du claviériste d’origine sud-africaine Kristian Bezuidenhout (également chef de la formation), ainsi que les sonorités élégantes et fruitées de l’instrument employé : un pianoforte de Johann Dülken à Munich, datant de 1793 et admirablement restauré. Les parties en solo sont empreintes d’une expressivité captivante, en particulier au final de l’Andantino. Dans le Rondeau endiablé, les vifs échanges entre l’orchestre et le pianoforte sont minutieusement réglés par Kristian Bezuidenhout depuis son clavier, qui déclenche les attaques par d’impérieux regards adressés à ses instrumentistes. Une belle performance, largement applaudie par le public.

Le pianoforte reste silencieux dans le morceau suivant, Le Troisième Œil, étonnante pièce contemporaine inspirée à Janik Giger par une chanson à trois voix de la Renaissance due au compositeur français Claude Le Jeune : Qu’est devenu ce bel œil. La partition intègre également des réminiscences des Fêtes d’Hébé de Rameau et de la Danse macabre de Camille Saint-Saëns. Malgré ces sources très éclectiques, elle témoigne d’un style très personnel du compositeur. Son lien avec les musiques du Sturm und Drang réside principalement dans les effets de surprise qu’elle recèle, et qui entretiennent l’intérêt de l’auditeur. Notons toutefois le caractère quelque peu répétitif à notre avis de ses variations, qui finissent par lasser un peu l’oreille...

Dernière pièce de la soirée, le Concerto pour violon solo, KV 219, de Mozart, convoque la violoniste d’origine russe Alina Ibragimova aux côtés du Kammerorchester Basel. Outre sa stupéfiante aisance dans le maniement de son violon (un instrument historique du facteur Anselmo Bellosio, 1775, aux sonorités à la fois très claires et moelleuses), elle déploie une forte expressivité physique, n’hésitant pas à se déplacer ou à appuyer son jeu de mimiques physiques qui en renforcent l’effet. Les échanges avec le reste de l’orchestre sont particulièrement précis, les attaques du violon d’une netteté stupéfiante. Sa démonstration de virtuosité culmine dans l’étourdissant Rondeau. Tempo di Menuetto final, lui aussi récompensé par des applaudissements amplement mérités.



Publié le 25 nov. 2023 par Bruno Maury