Haendel - Viotti

Haendel - Viotti © Jean-Yves Grandin
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Morceaux choisis d’une grande mezzo

Dire que Marina Viotti peut tout chanter avec le même bonheur devient un lieu commun. Et pourtant, rien ne semble plus vrai tant le concert de ce soir témoigne des énormes qualités de la mezzo-soprano, et ce, d’autant qu’il se déroule en parallèle des représentations de L’Olimpiade (voir notre chronique) dans lesquelles la performance, y compris physique, de Marina Viotti est exceptionnelle.

Un programme entièrement dédié à Haendel pour ce concert accompagné par Les Musiciens du Louvre sous la direction de leur chef Marc Minkowski. Le programme, émaillé de quatre concerti grossi de l’opus 3, est consacré à des airs célèbres, extraits d’oratorios en première partie (en anglais, donc, y compris l’extrait de l’opéra Hercules) et à des airs d’opéras (en italien) en deuxième partie.

Les Musiciens du Louvre ont fait montre, sous la direction attentive de Minkowski de leur habituelle précision et de leur grande capacité de couleurs et de nuances. Je les ai trouvés plus convaincants dans l’accompagnement de Marina Viotti que dans les concerti grossi dont l’interprétation était parfois un peu sage et manquaient parfois un peu d’énergie. Reconnaissons toutefois les très beaux dialogues des violons de chacune des deux parties et l’exceptionnel pupitre de bois qui nous a vraiment enchanté.

Dès son entrée, vêtue d’une longue robe bleue et la tête couverte pour évoquer les personnages bibliques qui marquent son début de programme, Marina Viotti fait la démonstration de ses remarquables capacités. Si le bas medium est un peu sonore dans son premier air, ce léger défaut sera totalement corrigé par la suite. Mais d’emblée, ce qui frappe, c’est la beauté du timbre, le legato impeccable, les trilles précis. La voix est superbe, bien projetée, parfaitement maîtrisée dans son volume et ses inflexions. Les superbes graves dans All danger disdaining rivalisent avec un vibrato qui fait palpiter un Defend her, Heaven émaillé de très beaux piani. La première partie se conclut sur un Where shall I fly dont elle maîtrise la dimension tragique et terrifiante et dont elle fait une véritable leçon de chant.

La tenue de la deuxième partie est une surprenante combinaison jaune cuivré pailletée. L’exécution des arias redoutables choisies pour cette partie est absolument irréprochable et permet à Marina Viotti, outre les qualités dont on a déjà parlé, de faire montre d’un talent d’ornementation hors pair, réveillant les oreilles du public malgré la célébrité des morceaux choisis, entendus très souvent. Les ornements du Crude furie sont exceptionnels comme ceux de Dopo notte, alors que Verdi Prati, dédié à Judie Devos, devient une somptueuse élégie, chantée sur le souffle, dans un lent et croissant piano. De même la conclusion du programme par Ombra cara, totalement poignant permet à Marina Viotti de démontrer une intelligence du récitatif et une maîtrise du chant qui s’achève comme dans un murmure.

Le succès réservé à ce concert par le public conduira à pas moins que 4 bis. Le premier amène par surprise la basse Christian Zaremba à rejoindre Marina Viotti pour un très beau Una guerra ho dentro, duetto extrait d’Appolo e Dafne. Puis Marina Viotti reprendra un Where shall I fly encore plus débridé qu’au cours du programme, avant que Marc Minkowski annonce au public un bis instrumental d’une transcription d’un motet scandinave qui s’avérera être Gimme ! Gimme ! Gimme ! de Abba. Marina Viotti revient ensuite, encore une fois, pour reprendre le da capo de Dopo Notte qui conclura, devant un public debout, cette très belle soirée.



Publié le 11 juil. 2024 par Jean-Luc Izard