Sacro Furore - Vistoli

Sacro Furore - Vistoli © Jean-Yves Grandin
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L’un des meilleurs contre-ténors du moment

La salle Gaveau était comble pour ce concert qui, avec les mêmes artistes, reprend en partie le programme de l’enregistrement Sacro Furore publié le 8 novembre par Harmonia Mundi. Et c’est peu de dire que le public a réservé un accueil des plus enthousiastes à Carlo Vistoli qui s’impose désormais comme l’un des meilleurs contre ténors du moment.

Pour cette soirée, comme au disque, Carlo Vistoli était accompagné par la prestigieuse Akademie für Alte Musik Berlin (Akamus) qui a donné une éclatante démonstration de son talent tout au long du concert et en particulier dans un très beau concerto pour 2 violons en la mineur de Vivaldi dans lequel la complicité des deux violonistes (Georg Kallweit et Javier Aguilar Bruno) est manifeste et leur accord avec l’Ensemble absolument irréprochable. Ce sont des interprétations toujours très dynamiques qu’offre Akamus, colorées de multiples nuances qui rendent pleinement justice au climat des partitions. On saluera particulièrement le hautbois somptueux de Xenia Löffler.

Dès son entrée, dans une cantate de Bach, Carlo Vistoli expose une voix puissante et sonore qui remplit avec facilité tout l’espace de la salle Gaveau. Dans cette cantate, son Ich freue mich auf meinen Tod est superbe d’engagement et l’interprète parcourt avec un égal bonheur toute la tessiture, de l’aigu rayonnant au grave bien timbré, donnant à son interprétation une profondeur toute spirituelle.

Le Stabat Mater met en avant le timbre chaud et soyeux de Carlo Vistoli qui sied parfaitement à cette musique ; Carlo Vistoli est particulièrement à l’aise dans cette écriture dont les difficultés semblent être un jeu d’enfant pour lui. C’est une longue plainte émouvante qu’il déploie pour nous, avec des piani impeccablement tenus qui se terminent en forme de soupir. Un moment d’une rare intensité, qui atteint des sommets à plusieurs reprises, notamment dans le Quis non posset constristari.

On retrouvera les mêmes qualités dans le Nisi Dominus dans lequel Carlo Vistoli fait montre de sa virtuosité et de ses talents de colorature. Le timbre reste somptueux, rond, charnu quelle que soit la hauteur de la note. Le legato est particulièrement remarquable, par exemple dans le Vanum est vobis et Vistoli décoche des traits fulgurants dans Surgite postquaùm sederitis avant de nous offrir un Cum dederit à faire pleurer les pierres. Le Beatus Vir est chanté sur le souffle, avec légèreté et fragilité comme une vision éthérée et les deux morceaux de conclusion sont exécutés avec une virtuosité parfaitement maîtrisée et contenue.

On connaît déjà les qualités de timbre et de style ainsi que l’homogénéité des registres qui caractérisent le chant et le travail de Carlo Vistoli. S’y ajoutent des qualités d’interprétation tout à fait remarquables, une capacité à surmonter sans effort apparent les difficultés de la partition et à jouer sans afféterie de toutes les possibilités qu’offre l’œuvre. L’importance accordée par Carlo Vistoli au sens du mot vient toujours colorer avec goût son chant. La virtuosité n’est jamais vaine, elle s’accorde au sens et à l’émotion recherchée.

Le public a fait un triomphe à Carlo Vistoli qui a accordé trois « bis » : un issu du programme du disque (l’Allelujah de la cantate In Furore) et deux qui lui ont permis de revenir vers Händel pour donner en fin de concert une magistrale démonstration de sa capacité à varier les ambiances et à transmettre des émotions d’une grande variété à l’issue d’un programme particulièrement exigeant assumé avec beaucoup d’humilité, de pudeur et de retenue.

Un concert exceptionnel qui restera un grand moment pour les amateurs de musique sacrée.



Publié le 22 nov. 2024 par Jean-Luc Izard