Les Quatre Saisons - Vivaldi

Les Quatre Saisons - Vivaldi © Bertrand Pichène
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Quatre Saisons d’anthologie

Pour son concert de clôture ce 38ème Festival d’Ambronay nous conviait à une stupéfiante démonstration de virtuosité d’un Dmitry Sinkovsky tout à la fois violoniste, dirigeant d'orchestre et contre-ténor. Le morceau inaugural et principal de ce concert laissait pourtant peu présager la surprise, puisqu’il s’agissait des Quatre Saisons de Vivaldi. Cette admirable composition, si justement célèbre, a en effet suscité un si grand nombre d’enregistrements de qualité, sur instruments modernes ou anciens, qu’il semble difficile d’en renouveler l’interprétation. Pourtant, dans l’abbatiale pleine à craquer, la version proposée par l’ensemble La Voce strumentale allait laisser les spectateurs abasourdis.

Dès les premières attaques de l’ouvrant le Printemps, les partis pris de cette formation se dévoilent à nos oreilles. Les attaques sont fougueuses, mais sans nuire à la fluidité mélodique, bien au contraire : les violons virtuoses, Dmitry Sinkovsky en tête, font chanter les nuances. Les frémissements du largo sont savamment entretenus, puis enchaînent avec un allegro loquace et charmeur. Mais c’est évidemment dans l’Eté et ses variations virtuoses que l’ensemble va se révéler à l’acmé de son talent, nous propulsant de l’accablant rythme de l’allegro non molto vers un allegro volubile, mené par les solos virtuoses de Sinkovsky. Après un adagio ample et bien développé, un premier presto endiablé, vite assagi par le court adagio, avant un décoiffant presto final emmené par un Sinkovsky à l’archet virevoltant, salué par un tonnerre d’applaudissements !

Les attaques de l’Automne débutent avec une élégance retenue pour s'affirmer ensuite davantage. L'adagio s'abandonne avec langueur dans des notes patiemment égrenées qui perlent au bout des archets, dans lequel le luth est bien présent. L'allegro final qui évoque les fêtes rurales est puissamment rythmé, régulièrement relevé des solos virtuoses de Sinkovsky, dont l'archet danse avec vigueur sur les cordes. L'Hiver s'ouvre aussi sur des attaques soignées dans lesquelles chaque partie est bien audible. Le largo est particulièrement volubile, avec des effets de cordes grattées des violons, suivi d'un allegro virtuose.

Le public saluera longuement cette brillante interprétation, dans laquelle la virtuosité, loin d'être sèche et désincarnée, incarne avec brio une expressivité exacerbée, qui renouvelle profondément cette partition mainte fois rebattue avec plus ou moins de bonheur. La seconde partie s'ouvre sur d'autre facettes du talent des interprètes. Abandonnant pour quelques instants son précieux instrument aux riches sonorités (un Francesco Ruggieri de 1675), le maestro Sinkovsky se met au chant pour la cantate Cessate, omai cessate. Son incursion dans le chant ne reflète certes pas totalement sa maîtrise du violon : il peine un peu à aller chercher ses graves, et les respirations sont nettement audibles. Qu'importe, la voix est tout à fait honorable dans le médium et les aigus, et la projection vaillante. On retiendra par-dessus tout le surprenant écart du maestro, qui trouve le temps de saisir son violon entre l'air et la reprise, comme pour mieux insuffler l'élan mélodique à son ensemble ! Le final s'achèvera dans de longs aigus filés, couronnés par un tonnerre d'applaudissements.

Après cette brillante démonstration, Luca Pianta entame le Concerto pour luth RV 93. Son instrument est bien audible dans le largo, magnifié par les brillantes répliques d'Igor Bobowich au violoncelle. On regrettera toutefois que le luth soit un peu couvert par les autres instruments dans l'allegro final. Le public saluera chaleureusement ce morceau, avant un retour vers la virtuosité pour le Concerto pour violon RV 242. Dans cette dernière pièce du programme, Dmitry Sinkovsky semble absolument déchaîné, comme s'il voulait nous convaincre encore davantage de son talent. Il s'impose de manière si impérieuse que l'on ne semble entendre que lui, face à l'ensemble pourtant parfaitement coordonné et fluide dans ces échanges rapides. Après d'époustouflants solos dans l'allegro introductif, le rythme s'assagit quelque peu pour un largo chantant et animé. Puis l'allegro final s'envole sur des attaques nerveuses, où l'archet de Sinkovsky virevolte comme dans un Caprice de Paganini !

Subjugué devant tant de talent, le public applaudit vigoureusement et rappelle le maestro. L'ensemble exécute alors avec le même brio la Follia (Concerto grosso en ré mineur, op. 5 n° 12) de Geminiani, et déclenche de nouveaux applaudissements enflammés. Après un second rappel, le concert se conclut sur une non moins brillante reprise du presto final de l'Eté, dans lequel la virtuosité de Sinkovsky et de son ensemble se renouvelle pour le plus grand plaisir des oreilles des auditeurs.

Pour nos lecteurs qui n'ont pas eu la chance d'y assister, ou qui souhaiteraient réentendre cette talentueuse interprétation, ce concert est disponible sur Culturebox jusqu'au 08/10/2018.



Publié le 30 oct. 2017 par Bruno Maury