Un air d'Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution

Un air d'Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution ©www.offi.fr
Afficher les détails

Les Italiens en embuscade !


A l’occasion de son 350ème anniversaire, l’Opéra national de Paris organise, conjointement avec la Bibliothèque nationale de France, une exposition retraçant l’histoire mouvementée de la première scène lyrique française. Grâce à un parcours chronologique, au travers des cent trente pièces exposées (manuscrits, dessins, estampes, partitions voire costumes ou maquettes de salles) nous découvrons l’étonnante imbrication et l’interaction de l’opéra de cour italien et de son homologue français sur une période qui s’étend des années 1600 à la fin de l’Ancien Régime. La visite est agrémentée, dans chaque salle, d’extraits musicaux d’œuvres emblématiques de l’époque. Ainsi qu’à diverses reprises, d’extraits filmés de spectacles. Nous croisons Jean-Baptiste Lully (1632-1687), André Campra (1660-1744), Jean-Philippe Rameau (1683-1764) ou encore Christoph-Willibald Gluck (1714-1787) voire Antonio Salieri (1750-1825). De même, les peintres François de Troy (1645-1730) ou Hubert Robert (1733-1808). Et même Jean-Jacques Rousseau (1712-1778).

Aux origines : le ballet de cour et l’opéra italien (1600-1669)

Rappelons que l’opéra de cour est né (vers 1600) à Florence et se diffuse ensuite dans toutes les grandes villes de la péninsule italienne. La reine Marie de Médicis (1573-1642) puis le cardinal Mazarin (1602-1661) l’introduisent en France. Il se présente sous la forme d’un divertissement destiné à une élite courtisane. On lui adjoint des ballets afin d’être plus dans le goût français. Ces danses ont les faveurs du public. C’est en 1645 que Louis XIV (1638-1715), alors âgé de seulement sept ans, assiste à son premier opéra, La Finta Pazza, de Francesco Sacrati (1605-1650). S’inspirant de la pratique transalpine, le vénitien Giovanni Battista Balbi ( ?-vers 1654) introduit des intermezzi (intermèdes) dansés entre chaque acte. Ils n’ont globalement aucun lien avec le récit. Par exemple, pour plaire au petit roi : un ballet avec des Indiens et des perroquets ainsi que nous le voyons sur une estampe colorée à la gouache avec rehauts d’or et d’argent. Une planche gravée montre le décor du prologue : pour la première fois le public voit des acteurs « s’élever dans les airs ou descendre des cintres du théâtre. Cela provoque un émerveillement scénique absolument inconnu » explique le commissaire de l’exposition ! Changements de décors à vue qui sont dus à l’architecte-décorateur Giacomo Torelli (1608-1678).

Si Mazarin fait venir musiciens et chanteurs d’Italie, « il demande de produire de nouveaux décors pour flatter le goût parisien » précise encore Jean-Michel Vinciguerra. Ainsi, en lieu et place du palais des Doges ou de la basilique San Marco, le spectateur découvre le Pont-Neuf, la statue de Henri IV voire les tours de Notre-Dame !

Par la suite, le roi donnera à la danse ses titres de noblesse ayant lui-même interprété plus de soixante-dix rôles dans vingt-six ballets ! Ainsi nous pouvons l’imaginer revêtu du « Costume pour le soleil levant dans la dernière entrée du Ballet de la Nuit » (plume, lavis et gouache rehaussée d’or, 1653). N’oublions pas que « ce ballet avait une signification politique car le soleil devait chasser et dissiper les nuages qu’évoquaient les récents troubles de la Fronde », selon le mot du commissaire de l’exposition. A proximité, est exposé un costume de ballet pour un danseur (XVIIème siècle). Remarquons la richesse de celui-ci : en soie bleue, taffetas de soie verte et toile de lin, il est brodé de fils d’or et d’argent. Toutes ces matières brillantes étant sans doute magnifiées par la lumière des bougies !


air-italie
Maître du ballet de la Nuit, Costume pour le soleil levant dans la dernière entrée du Ballet de la Nuit (1653) – Plume, encre, aquarelle, lavis et rehauts d’or © BnF – Département des Estampes et de la Photographie – Photo BnF

Les créateurs de l’opéra français (1669-1695)

Ce n’est que le 28 juin 1669 que l’opéra français voit réellement le jour sous l’impulsion de Louis XIV et de son ministre Jean-Baptiste Colbert (1619-1683). Par lettres patentes, ils accordent au poète lyonnais Pierre Perrin (vers 1620-1675) un « privilège d’opéra » (dont la première page est exposée). Charge à lui de former une troupe et de louer une salle. Le détenteur du privilège est autorisé à lever des recettes afin de se dédommager des frais engagés (réalisation des costumes, décors et machineries). Désormais, le public doit donc s’acquitter d’un droit d’entrée. La mission de ces nouvelles « académies d’opéra » sera de promouvoir, tant à Paris qu’en province, mais à l’exception notable de la Cour, des « représentations en musique et en vers français ».

Rapidement emprisonné pour dettes, Pierre Perrin ne peut assister à la première représentation de son opéra (créé en collaboration avec Robert Cambert) Pomone en 1671. L’année suivante, Lully conclut un arrangement avec lui : il pourra sortir de prison et permettra ainsi au florentin d’obtenir de nouvelles lettres patentes ! Une fois le privilège racheté, Lully rebaptise l’Opéra « Académie royale de musique ».

Suit une ordonnance royale du 14 avril 1672 : y est décrit une sorte de code de bonne conduite imposé aux interprètes. Obligation leur est faite d’assister aux répétitions… défense de se produire dans d’autres théâtres… En contrepartie, leur rémunération sera confortable ce qui permettra d’attirer des artistes (instrumentistes ou danseurs) de renom. Lully met souvent en avant les femmes qui, rappelons-le, ne peuvent chanter dans les églises ! Sont exposées deux estampes (pierre noire avec rehauts de blanc, auteurs anonymes) de la fin du XVIIème siècle : « Portrait de Melle Marie Verdier de l’Opéra» et « Portrait de Melle Marie-Madeleine de Brigogne de l’Opéra ». Il s’en dégage grâce, douceur et féminité. Une huile sur toile « Portrait présumé de Marthe Le Rochois » due à François de Troy. D’abord cantonnée aux seconds rôles, elle se révèle rapidement une grande tragédienne. Le peintre le représente assise devant un clavecin, une partition dans sa main droite. Elle est vêtue d’une robe et d’un châle dans les tons de brun aux reflets dorés. La seule touche de bleu provient du dossier de son siège. La lumière éclaire son visage qui nous regarde.


air-italie
Portrait présumé de Marthe Le Rochois (fin XVIIème siècle) – François de Troy – Huile sur toile © Collection Christophe Rousset – Bertrand Huet

Très vite, Lully s’associe à Quinault (1635-1688) pour les livrets, à Beauchamps (1631-1705) pour les ballets et à Viagarani (1637-1713) pour la scénographie. Ainsi nait, en 1673, la première tragédie en musique, Cadmus et Hermione. Désormais la danse est partie prenante de l’action dramatique. Ces divertissements sont confiés à des danseurs qui interprètent des personnages soit secondaires, soit éphémères. Elle n’est plus un ballet d’entractes !

Sont exposés, entre autre, un « Projet de costume pour le fleuve Sangar dans Atys » de Lully (de Jean Berain, vers 1676) : plume, encre brune, aquarelle (où domine la couleur jaune-vert), lavis gris et traces de pierre noire. Une planche de modèles de coiffures… Une « Machine pour la Magicienne Arcabonne sur un dragon volant » (entre 1684 et 1707, pour la scène II du troisième acte d’Amadis de Lully)… Divers projets de décors…


air-italie
Planche de modèles de coiffure © Exposition Un air d’Italie - JMB

Au temps de l’opéra-ballet (1695-1715)

1687 : Lully meurt. L’Académie royale de musique perd son compositeur puis rapidement son librettiste (Quinault disparaît en 1688) mais aussi son chorégraphe suite au départ de Beauchamps ! Une nouvelle période s’ouvre jusqu’à la Régence. Elle est faite d’expérimentations diverses qui aboutiront à l’éclosion d’un genre nouveau : l’opéra-ballet. Les sujets sont plus légers, l’exotisme remplace le merveilleux. Les dieux, les héros antiques sont remplacés par des personnages contemporains. Arlequin ou Polichinelle, issus de la commedia dell’arte font leur retour. La danse se voit alors attribuer un rôle accru.

Diverses estampes de costumes ou de scènes dansées sont exposées. Elles étaient souvent collectionnées par des amateurs d’opéra. Plusieurs dessins représentant des systèmes d’écriture du mouvement qui faciliteront l’apprentissage et la diffusion de la technique et du style français : « Chorégraphie ou l’Art de décrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs » (1700) de Raoul Augier Feuillet (1660-1710) ou la notation, par ce dernier, de plusieurs compositions destinées à des danseurs solistes telle cette « Entrée espagnolle pour un homme et une femme. Dancée par Mr Ballon et Melle Subligny au Ballet de l’Europe galante » de Campra. Sont d’ailleurs exposées deux sanguines (dues au crayon d’Henri II Bonnart) les représentants dans leur costume de scène. Rappelons que jusqu’en 1681, la troupe de danseurs était exclusivement masculine. Désormais elle s’ouvre aux danseuses, chose encore rare en Europe à cette époque !


air-italie
Entrée espagnolle pour un homme et une femme, dancée par Mr Ballon et Melle Subligny au ballet de l’Europe galante de Campra – Raoul-Auger Feuillet d’après Guillaume-Louis Feuillet – Chorégraphie, Paris, Feuillet, 1704 © BnF, Bibliothèque-musée de l’Opéra, Rés-661 – JMB

Parallèlement, naît une nouvelle forme de « ballet à entrées » comme « La Provençale, ballet en un acte des Fêtes de Thalie » (après 1722, partition manuscrite et enluminée) de Jean-Joseph Mouret (1682-1738). Cette forme s’imposera durablement et atteindra son apogée avec les « Indes galantes » (1735) de Rameau.

L’air des controverses (1715-1781)

Peu à peu, l’Opéra de Paris gagne en renommée et en prestige. Mais très vite, des controverses voient le jour. Si l’Académie royale de musique détient le monopole des spectacles chantés en français, elle a en face d’elle la Comédie-Italienne (installée à l’Hôtel de Bourgogne) qui raille son genre sérieux ! Ces farces bouffonnes suscitent le rire des spectateurs, même les plus mélomanes ! Ayant déplu à Louis XIV, elle est chassée, en 1697, de son théâtre et trouve refuge chez les Forains. Ainsi pendant les foires et les marchés, les opéras sont parodiés notamment lors de celle de Saint-Germain dont nous voyons le plan sur une estampe rehaussée d’aquarelle bleu et rouge (1670). Ces parodies sont généralement un indicateur du succès remporté par l’œuvre originelle.

En lien avec la composition de l’orchestre sont exposés divers documents bien souvent manuscrits : une page de l’ « Etablissement de l’Académie royale de musique » où François-Charlemagne Lefebvre indique la disposition des instruments dans la fosse (1671). Remarquons que le « batteur de mesure » regarde les acteurs et tourne le dos aux instrumentistes. Diverses partitions manuscrites : une page de Psyché de Lully (après 1678)… Une partie de 2ème dessus de violon des Fêtes d’Hébé (1739) de Rameau avec le croquis d’un flûtiste joufflu, le poste de flûtiste d’accompagnement étant nouvellement créé… La partition autographe des Paladins (1765)… Divers projets de costumes dont l’un dû au crayon (plume, encre et et lavis) de François Boucher pour « Titon et l’Aurore » (1763) de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772) en même temps qu’une page annotée pour la préparation, en particulier, des costumes des premiers rôles. Notons l’empilement des jupes, la profusion des plumes. Egalement une huile sur toile du même peintre (1741) : un modèle pour servir au décor du hameau dans l’opéra Issé d’André Cardinal Destouches (1672-1749). Pour le peintre, il ne s’agit pas seulement d’un décor de fond mais bien d’une scène pastorale où les bergers et bergères sont vêtus humblement et non comme des courtisans ainsi qu’à l’habitude ! Egalement des actes notariés, dont un « Traité au sujet de la régie et produit de l’Opéra, avec l’état du personnel et de l’orchestre » daté du 24 septembre 1704 qui révèle la composition de l’orchestre à cette date.

Création de l’Opéra-Comique en 1715. Rétablissement de la Comédie-Italienne en 1716. Peu à peu le comique forain suit sa propre voie, voire contamine les autres scènes. Les pièces bouffonnes obtiennent un franc succès, succès qui atteint son apogée avec « Platée » (1749) de Rameau.

En 1752, l’arrivée à Paris d’une troupe de chanteurs italiens va provoquer la polémique : le succès de La Serva padrona de Jean-Baptiste Pergolèse (1710-1732) sera à l’origine de la querelle des Bouffons (du nom donné aux chanteurs comiques italiens) ou guerre des Coins. Rappelons que La servante maîtresse est, à l’origine, un intermède joué pendant l’opéra, Il Prigionier superbo (Le fier prisonnier) créé en 1733. Il deviendra, par la suite, une œuvre autonome. Cette querelle (qui durera jusqu’en 1754) oppose les partisans de l’opéra italien aux tenants de la musique française. Ces derniers se regroupent derrière Rameau (le coin du Roi). Les partisans d’une ouverture, d’une italianisation le sont derrière le philosophe Jean-Jacques Rousseau (le coin de la Reine). En 1753, année de l’arrivée des Bouffons, il publie une « Lettre sur la musique française » (présentée ici), pamphlet où il accable le français (langue trop riche en consonnes) pour faire l’apologie de l’italien (qui offre plus d’aptitude à traduire les sentiments)! Les vitrines offrent à notre lecture les pages de garde de divers ouvrages traitant du parallèle ou de la comparaison de ces musiques. Afin de calmer les esprits, l’Académie royale de musique se verra contrainte de licencier les chanteurs italiens !

A la fin des années 1750, une tentative de compromis, voire de conciliation, voit le jour. Sans grand succès ! En effet, le maintien dans le répertoire des « anciens opéras » sous un habillage plus « moderne » n’arrange pas les choses. Même si les décors et les costumes sont, eux aussi, remis au « goût du jour ». Les directeurs de cette institution, n’y sont eux-mêmes guère favorables. Un pastel anonyme (vers 1766 ?) fait le portrait supposé de l’un d’eux, Antoine Dauvergne. Assis à une table, il tient dans sa main la partition de Callirhoé. Un violon, un livre et des feuillets concernant le ballet complètent la scène dessinée dans des tons de brun et gris pour son costume et de bleu pour le fauteuil et le décor.


air-italie
Portrait supposé d’Antoine Dauvergne avec partition de Callirhoé, 1766 (?) – Anonyme – Pastel © BnF, Bibliothèque-musée de l’Opéra

Dans les années 1770, un vent de réforme souffle sur l’Opéra de Paris : musique, danse, dramaturgie, costumes décors mais aussi gestion administrative sont touchés. Mais l’arrivée de deux musiciens étrangers va raviver la querelle : le Bohème Ch-W Gluck fin 1773, puis l’Italien Niccolo Piccinni (1728-1800). Le premier tente d’appliquer ses réformes en France (meilleure liaison entre l’air et le récitatif, utilisation plus dramatique de l’orchestre voire des chœurs). Le second préférant un langage musical plus à l’image de l’opera seria qui favorise la mélodie. De son côté, Jean-Georges Noverre (1727-1810) essaie d’imposer ses idées novatrices dans le domaine de la danse : il souhaite débarrasser les danseurs de tout ce qui « encombre » leur silhouette (masques, perruques, robes à panier, voire gants) mais n’y parviendra guère face au refus des danseurs. Sont exposés divers projets de costumes, avec annotations, allant dans son sens : un croquis de costume à la grecque (1790, pour la prince Hémon dans Antigone de Zingarelli) ou un costume de général romain (1786, pour Les Horaces de Salieri). De même, les broderies et dorures, autrefois abondantes sur les costumes, sont limitées au maximum. On utilise désormais des étoffes peintes telles que le montrent des planches extraites d’un recueil d’échantillons, ici un plumage multicolore. On les retrouve sur l’estampe aquarellée représentant l’habit d’Inca (sur le tonnelet ou haut-de-chausses d’apparat) pour Huascar lors de la reprise des Indes galantes en 1751 et 1763.


air-italie
Recueil de modèles d’étoffes peintes pour des habits de théâtre, seconde moitié du XVIIIème siècle – Ateliers des Menus Plaisirs ou de l’Opéra (?) – Tissus peints © BnF, Bibliothèque-musée de l’Opéra, Rés-1081 – JMB

A l’aube de la Révolution (1781-1791)

Le 8 juin 1781, l’incendie de la salle du Palais-Royal contraint l’Opéra à s’installer dans une nouvelle salle. Hubert Robert peint celui-ci « vu des jardins du Palais-Royal » : au premier plan une foule de badauds regarde l’épaisse fumée noire s’échapper du bâtiment. Installé près de la Porte Saint-Martin, l’Opéra subit alors la concurrence des nombreux théâtres parisiens bordant les boulevards. Il tente de renouveler son répertoire, surtout après le départ de Gluck en 1780. Le 7 juin 1787 a lieu la première de Tarare de Salieri sur un livret de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799). Un parfum de révolution embrase déjà la capitale car « elle met en scène un soldat qui se rebelle contre l’autorité du sultan et son épilogue proclame l’égalité de tous les individus quels que soient leur sexe, leur religion et leur condition sociale » (J-M Vinciguerra) ! Est exposé un projet de décor pour la cour intérieure du palais d’Atar (acte V).


air-italie
L’incendie de l’Opéra, vu des jardins du Palais-Royal, le 8 juin 1781, (vers 1781) – Hubert Robert – Huile sur toile © Musée Carnavalet-Histoire de Paris, Pro81 – JMB

Le succès n’est toujours pas au rendez-vous et les déficits s’accumulent. En témoigne une page manuscrite d’un registre d’archives concernant les recettes du mois de juin 1787. Un mémoire est adressé à Louis XVI (1754-1793) lui rappelant combien son exploitation est « infiniment onéreuse ». D’autant que les évènements parisiens aggravent la situation : l’Opéra est fermé entre les 12 et 21 juillet 1789. Une estampe (plume, encre et lavis) de Jean-Louis Prieur (1759-1795) montre cet épisode.


air-italie
Administration de l’Académie royale de musique, 1787-1789 © Exposition Un air d’Italie – JMB

Jusque-là, l’Opéra relevait de l’intendance des Menus-Plaisirs. Le roi cède finalement celui-ci à la ville de Paris qui en prend le contrôle financier le 8 avril 1790. Le 13 janvier 1791, une loi proclame la liberté des théâtres, mettant ainsi fin aux privilèges de l’Académie royale de musique et entrainant, par là même, l’ouverture de nombreuses salles dans la capitale. Néanmoins, l’administrateur Jean-Jacques Leroux rédige un « Rapport sur l’Opéra » qu’il remet le 17 août à la municipalité parisienne. Certain que la ville peut tirer profit de cette institution qui attire des spectateurs étrangers et génère des emplois, il convainc le premier gouvernement révolutionnaire de le sauver. Il permet ainsi d’assurer le rayonnement de cette institution pour de nombreuses décennies.

Un mot sur la dizaine de bornes musicales qui accompagnent le visiteur. Il serait vain de lister les courts extraits d’œuvres entendues… Citons tout de même le Ballet royal de la Nuit par l’Ensemble Correspondance et Sébastien Daucé (Grenoble 2015), le Carnaval de Venise de Campra par Hervé Niquet (Paris 2011) ou Triton et l’Aurore de Mondonville par les Musiciens du Louvre et Marc Minkowski (Reims 1991). Néanmoins ces bornes nous ont paru peu attractives : pas très en vue et ne disposant que de deux écouteurs. Il semble que seul le visiteur mélomane s’y attarde !

Deux intermèdes lyriques attirent plus volontiers. Un espace de projection où il est possible de s’asseoir sur des coussins disposés sur les marches d’un escalier. Au programme plusieurs extraits : deux œuvres de Lully, le prologue de Cadmus et Hermione (1673) par le Poème Harmonique, dirigé par Vincent Dumestre (2008) puis la scène du Sommeil d’Atys (1676) par les Arts Florissants et William Christie (2011). De Rameau, entre autres, le Trio des Parques tiré d’Hippolyte et Aricie (1733) par le Concert d’Astrée dirigé par Emmanuelle Haïm (2012). De Gluck, un extrait d’Orphée et Eurydice (1744) par le ballet de l’Opéra national de Paris et dirigé par Thomas Hengelbrock (2008). Plus loin, une seconde vidéo : une leçon de chant de la mezzo-soprano Stéphanie d’Oustrac. Egalement un intermède chorégraphique avec la projection audiovisuelle d’un travail de recherche sur l’évolution du pas de danse du XVIIIème siècle au début du XIXème siècle.

Un livret-jeu accompagne les jeunes visiteurs. Quant au catalogue, il permet d’approfondir le sujet notamment grâce à divers focus : les dessous d’une audition au XVIIème siècle… l’archétype franco-italien de la vieille ridicule… le trompe l’œil sur étoffe et bien d’autres ! Sans oublier l’entretien, « Interpréter la musique baroque française », accordé par William Christie.

Avec l’Académie royale de musique Louis XIV avait pour ambition de faire rayonner la France en impulsant la création d’un style proprement français. Le ballet de cour et l’opéra italien seront ses modèles, sa source d’inspiration. Cependant ils entreront rapidement en conflit. Très vite la place respective de la musique et du texte fait débat. Finalement, c’est la parole chantée qui fixe les règles de l’opéra français. La danse sera moins acrobatique qu’en Italie mais plus élégante. Et hier comme aujourd’hui, l’Opéra sait impressionner les spectateurs, les émerveiller.



Publié le 30 août 2019 par Jeanne-Marie BOESCH