Le Baroque des Lumières, chefs-d'œuvre des églises parisiennes.

Le Baroque des Lumières, chefs-d'œuvre des églises parisiennes. ©L'Assomption de la Vierge, 1732, François Lemoine - Esquisse pour la coupole de la chapelle de la Vierge (Paris) - Huile sur toile - Eglise Saint Sulpice © COARC / Roger Viollet
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L'exposition est organisée par Paris Musées, le Petit Palais et la Ville de Paris, le service de la Conservation des Œuvres d'Art Religieuses et Civiles (COARC). L'exposition est rendue possible grâce à la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris, sous l'égide de la Fondation Notre Dame.



L'art religieux dans le Paris du XVIIIème siècle...

Evoquer la peinture du XVIIIème siècle, c’est renvoyer au raffinement des fêtes galantes ou à l’art des portraits auxquels nous associons le nom de peintres tels que Antoine Watteau (1684-1721), François Boucher (1703-1770) ou Jean-Honoré Fragonard (1732-1806)… C’est oublier la peinture religieuse et le fait que paroisses et congrégations en ont été les grands commanditaires. Les églises étaient une sorte de « musée » ouvert à tous les artistes. Ils pouvaient y montrer leur aptitude dans la maîtrise de leur art. Ainsi Charles-Antoine Coypel (1694-1752), réputé pour de petites toiles pieuses destinées à la reine Marie Leczinska, déploya son talent dans des compositions de grande ampleur pour les paroisses à proximité du Louvre… François Lemoyne (1688-1737) s’est fait un nom pour ses voûtes peintes à Saint-Thomas-d’Aquin… quand Carl Van Loo ou Carle Vanloo (1705-1765) peint le cycle de la vie de Saint Augustin à Notre-Dame des Victoires. D’autres encore, tel Nicolas de Largillierre (1656-1746), Jean-François De Troy (1645-1730), Joseph-Marie Vien (1716-1809), Noël Hallé (1711-1781) ou son oncle Jean Restout (1692-1768)…

Ce sont ces peintres et leurs œuvres que l’exposition livre à notre curiosité. A gauche de l’entrée, une carte murale présente le « Nouveau plan de la ville et des faubourgs de Paris » : daté de 1775, il est dû à Jean-Baptiste Renou de Chauvigné, dit Jaillot. Ce plan invite à identifier les lieux de cultes mentionnés dans l’exposition. Y figurent les principaux édifices religieux décorés du XVIIIème siècle, ceux subsistants et ceux disparus de nos jours. Egalement les grands projets architecturaux : l’église Saint-Philippe-du-Roule… les aménagements de l’église Saint-Sulpice… l’église de l’abbaye de Sainte-Geneviève (actuel Panthéon), une huile sur toile de Pierre-Antoine Demachy présentant la « Cérémonie de la pose de la première pierre de la nouvelle église Sainte-Geneviève à Paris, le 6 septembre 1764 » en présence de Louis XV ou encore l’église de Sainte-Marie-Madeleine de la Ville-l’Evêque, restée en chantier, mais dont la maquette, en talc de Montmartre, est exposée.

Le visiteur passe ensuite sous un porche, entre dans une nef. Des voûtes, des arcades, quelques marches menant à un autel, des arcades de bas-côté et leurs balustrades, les arcs d’un chœur, un déambulatoire, de nombreuses chapelles latérales : tout est fait pour le mettre « dans l’ambiance » d’un parcours ecclésial.

La réalisation de grands décors peints est la marque du règne finissant de Louis XIV. « Le Magnificat » (1716) de Jean Jouvenet (1644-1717) offre un espace structuré par l’architecture, une composition centrée sur la Vierge qui rend grâce pour la naissance annoncée. La palette de couleurs est lumineuse. Notre œil attiré par le bleu du vêtement de Marie. Ce tableau est le seul conservé d’une série de huit toiles à sujet marial placées dans le chœur de Notre-Dame. Deux œuvres illustrent la tradition des « mays », ces toiles commandées par des corporations et offertes chaque mois de mai à Notre-Dame jusqu’en 1707. Les deux toiles présentées proviennent de l’église bénédictine de Saint-Germain-des-Prés où une tradition similaire s’est mise en place de 1716 à 1720. « Le Baptême de l’Eunuque de la reine Candace par Saint Philippe » (1748) de Nicolas Bertin (1668-1736) et « La mort de Saphire devant Saint Pierre » (1748) de Sébastien II Leclerc (1676-1763) : composition ample… mise en scène animée… expression des passions… mains tendues… couleurs acidulées… vision de la nature chez N. Bertin mais espace structuré chez S. II Leclerc.


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La Visitation de la Vierge ou Le Magnificat, 1716, Jean Jouvenet – Peint pour le Chœur de Notre Dame – Huile sur toile – Cathédrale Notre-Dame de Paris, dépôt du Musée du Louvre (Paris) © Pascal Lemaître/ dist. Centre des monuments nationaux

Les décors à l’intérieur d’une église permettaient à la fois d’accompagner une dévotion plus personnelle et la liturgie. Selon le Concile de Trente (1545-1563), le fidèle se devait désormais de participer au rituel et non être un spectateur passif de cette liturgie. Alors entrons dans la nef ! Au milieu de celle-ci, point de bancs mais quelques chaises, des cartons et feuilles à dessin invitent le visiteur qui le souhaite à prendre un crayon et s’essayer à l’art du dessin en s’inspirant des toiles accrochées ! Un extrait de « La messe des morts » de Jean Gilles (1668-1705) fait office de fond musical. (voir la chronique publiée en juillet 2016 par Michel Boesch : La Messe des Morts)

De même, diverses chapelles furent dédiées à un rôle particulier : chapelle des Fonts où l’on baptisait, la chapelle de la Vierge où l’on pouvait célébrer les mariages, la chapelle de la Communion où avait lieu le catéchisme. Le décor était en rapport avec ce qui s’y vivait. « La découverte de la profanation des saintes hosties à Saint-Merri » (1759) de Clément Belle (1722-1806) en est l’exemple : au premier plan, le ciboire est renversé à terre devant le curé agenouillé les mains jointes, son regard exprimant l’horreur de ce qu’il découvre ! A l’arrière, une mère explique, le doigt levé vers le ciel, cette profanation à son enfant. Dans le ciel, la Religion, personnifiée, implore le pardon de Dieu qui, de sa main, arrête l’épée vengeresse de l’ange Gabriel. Les couleurs utilisées (camaïeu de bruns et d’ocre avec quelques rehauts de bleu et de rouge) unifient l’ensemble. Il s’agit là d’une iconographie totalement inédite qui met en relation la violation des règles et l’appel au pardon.

Le culte marial est vivace. La majorité des églises ont une chapelle dédiée à la Vierge, souvent située à proximité du chœur. Les sujets privilégiés en sont sa naissance, l’Annonciation, la Visitation ainsi que les scènes ayant trait à la naissance de Jésus. Nous avions pu admirer, sous le porche, deux toiles de Nicolas de Largillière mettant en scène la Sainte Famille : une « Nativité » (v.1730) destinée à une dévotion privée puis une « Adoration des Mages » (v.1730). Les vêtements y sont amples et les contrastes de lumière soulignent l’importance de la Vierge et de l’Enfant Jésus. Dans la nef, « la Naissance de la Vierge » (1744) de Jean Restout suit l’iconographie traditionnelle tout en soulignant le caractère quotidien de la scène : à l’arrière-plan, Sainte Anne est dans son lit… une sage-femme, assise sur le devant de la composition, tient Marie dans ses bras… un berceau en osier attend le bébé… au premier plan encore, un panier à ouvrage est laissé comme en attente… Les couleurs sont vives… la douceur émane de l’ensemble. Les personnages paraissent vivants, loin de l’attitude figée que nous voyons dans les tableaux des frères Le Nain (voir notre chronique publiée en avril 2017 : Le Mystère Le Nain)


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La Naissance de la Vierge, 1744, Jean Restout – Peint pour la Chapelle du séminaire Saint-Sulpice – Huile sur toile – Paris-Ivry © Ville de Paris – COARC – Jean-Marc Moser

« L’Adoration des anges » (1751) de Carle Vanloo est, elle aussi, toute de douceur : la Vierge soulève avec délicatesse le voile qui couvre l’enfant allongé afin de le présenter aux anges. La lumière qui émane de l’enfant irradie le tableau. Le bleu des ailes des anges répond à celui du vêtement de Marie tout comme le jaune d’or du vêtement du premier ange renvoie à celui de Joseph qui lève les yeux au ciel. Au premier plan : le bât de l’âne contre lequel est posé une scie, détail subtil rappelant que Jésus est fils de charpentier !

Sur le devant d’autel, « Le Mariage de la Vierge » (1720) de Debonnevillle d’après Carle Vanloo : une scène généralement peu représentée. Elle est ici élargie par des motifs décoratifs : des épis de blé entourant le cartouche, des fruits (avec des grappes de raisin) s’échappant d’une corne d’abondance sont une évocation du sacrifice eucharistique, les guirlandes de roses étant les fleurs mariales par excellence !

« L’Adoration des Bergers pendant la fuite en Egypte » (1751) de Jean-Baptiste Marie Pierre (1714-1789) présente une composition toute en sobriété : coloris clairs tel l’ample vêtement blanc de la Vierge qui se dresse, monumentale, au centre du tableau. Elle tient l’enfant Jésus qui semble bénir les paysans se prosternant devant lui. Une scène de plein air, sans paysage, rappelant celle du « Christ et les enfants » (1751) de Noël Hallé (1711-1781) : Jésus écarte d’une main ses disciples et bénit, de l’autre, un enfant agenouillé. Opposition des regards des protagonistes de la scène : sourire, spontanéité des enfants qui se pressent au-devant de Jésus et attitude toute de méfiance des apôtres. La palette des coloris lumineux est toute en harmonie ; notons le rose quelque peu inhabituel du vêtement du Christ.

Au sortir de la nef, « Les Pèlerins d’Emmaüs » (vers 1735/40) de Jean Restout offrent une composition spectaculaire d’une grande lisibilité quant à l’action présentée. Nous pouvons même parler de théâtralité ! « Saint Jean-Baptiste prêchant dans le désert » (1726) : François Lemoyne peint le saint sous les traits d’un adolescent assis sur un rocher, un agneau à proximité de sa jambe dans une nature qui n’a rien d’un désert ! Seule la houlette rappelle qui il est !


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Saint Jean-Baptiste, 1726, François Lemoine – Peint pour la chapelle de M. de Morville à Saint-Eustache – Huile sur toile – Eglise Saint-Eustache, Paris © Ville de Paris – COARC – Jean-Marc Moser

De la chapelle des Enfants-Trouvés construite de 1746 à 1750, il ne reste rien. L’exposition présente sa reconstitution dans les proportions de l’original. Regardons les peintures murales qui l’ornaient en écoutant un extrait du « Castor et Pollux » (137) de Jean-Philippe Rameau (1683-1764). Cette chapelle était vaste, bien éclairée mais sans aucun décor architectural. Il fut décidé qu’elle « ne formerait qu’un tout ensemble de Peinture, en y comprenant l’Architecture feinte » développant le sujet de « la naissance du Sauveur dans le moment de l’adoration des Rois, précédée de celle des Bergers » (in catalogue pages 112 et 113). Arrêtons-nous sur un dessin préparatoire pour un panneau à gauche de l’autel, une superbe sanguine à rehauts de craie blanche : « Etude d’un jeune garçon tenant un encensoir » (1748/49) de Charles-Joseph Natoire (1700-1777). La grâce du visage de ce page (accompagnant Balthazar), la précision du geste ne peuvent nous échapper !

Plus loin, une maquette tactile reproduisant la chapelle de l’Enfance de Jésus à Saint-Sulpice permet, en particulier aux personnes mal voyantes, de toucher les éléments du décor : boiserie, marbre et dallage. Avant d’entrer dans la chapelle des « Anciens et nouveaux saints », nous pouvons visionner un diaporama présentant des détails de peintures exposées ou répondre aux questions d’un double quiz, « Connaissez-vous les saints ? ».

Le culte des saints se transforme en profondeur au cours du XVIIIème siècle ce qui se répercute sur le choix des sujets picturaux. Les congrégations religieuses préfèrent désormais la représentation de saints dont la vie était avérée, comme saint Augustin, ou de saints actifs dans le monde «fondateurs d’institutions de secours spirituel et matériel aux contemplatifs ; (le XVIIIème siècle) s’enorgueillit des canonisations de religieux français, tels que Vincent de Paul en 1737 ou Jeanne de Chantal en 1767, qui flattaient le gallicanisme de l’Eglise de France face à Rome. Pour ces saints modernes, qui avaient vécu peu avant leur procès de canonisation, il fallait des représentations nouvelles, dans lesquelles la présence divine se faisait discrète. » (in catalogue page 132). De ce fait, les congrégations commandent souvent des cycles représentant plusieurs épisodes de leur vie terrestre. Ainsi en est-il du cycle de la vie de Saint Vincent de Paul (1581-1660) pour la maison des Lazaristes glorifiant évidemment son action charitable. Citons parmi les toiles de celui-ci, celle de Jean Restout, « Vincent de Paul institué aumônier des dames de la Visitation par François de Saales » (1732) ou celle de Louis Galloche (1670-1761) « L’institution des Enfants-Trouvés » (1732). Ces œuvres témoignent d’une réelle recherche de la physionomie des personnages peints et, plus encore, de la véracité quant aux costumes du XVIIème siècle.

Remarquons un étonnant tableau de par ses dimensions (230 x 380 cm) et son sujet : « Saint François de Paule avec ses compagnons traversant le détroit de Messine sur son manteau » (1723) de Noël-Nicolas Coypel (1690-1734). Fondateur de l’ordre des Minimes, canonisé en 1519, François de Paule est connu pour avoir, après le refus d’un batelier de l’embarquer, installé ses compagnons dans son manteau flottant sur l’eau ! Le groupe des moines est décentré ce qui permet d’évoquer l’avancée sur l’eau tout en distinguant (à gauche) un navire dans la houle. Les arrière-plans montrent, à droite, l’Etna et, à gauche, un paysage urbain. L’étendue de l’eau est rendue par un bel effet de vagues. L’harmonie des tons de bleu met en évidence le marron des robes de bure et la carnation rosée des putti au-dessus des moines.


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Saint François de Paule et ses compagnons traversant le détroit de Messine sur son manteau, 1723, Noël-Nicolas Coypel – Peint pour le couvent de Minimes de la place Royale à Paris –Huile sur toile – Conservé à la Primatiale Saint Jean de Lyon © DRAC Auvergne-Rhônes-Alpes-Phot. JM Refflé

Citons la paire d’huile sur toile de Paul Ponce Antoine Robert dit Robert de Séry (1686-1733) : « Saint François Solano baptisant les indiens » (1730) et « Saint Jacques de la Marche guérissant Ferdinand Ier, roi de Naples » (1730) destinée aux religieuses cordelières de l’Ave Maria. Les deux saints sont associés du fait de leur canonisation prononcée le même jour, le 10 décembre 1726.

Le cycle de la vie de Saint Augustin par Carle Vanloo est le plus important ensemble du XVIIIème siècle conservé dans son intégralité à Notre-Dame des Victoires. Ce cycle, exécuté entre 1746 et 1755, comprend six épisodes de la vie du saint. Les tableaux entourent « Le Vœux de Louis XIII » (1745) qui consacre la France à la Vierge. Ce dernier surplombe le maître-autel. Il est composé de trois parties : le roi, tenant le plan de l’église, et le cardinal de Richelieu ; puis derrière, des soldats, des tentes et des hallebardes. La Vierge, devant eux, est placée sur un nuage alors que des anges et autres putti regardent la scène du haut du ciel. Remarquons la subtilité des expressions et les jeux de lumière.

Tous comme au siècle précédent, une grande partie des œuvres religieuses peintes étaient destinées à une clientèle privée et accrochées dans les chambres à coucher ou les oratoires des hôtels particuliers. Si la figure de la Vierge est toujours très en vogue, les figures des saints et des saintes sont, elles aussi, fréquemment représentées. Pierre Jacques Cazes (1676-1754) peint une « Sainte Cécile » (vers 1704) d’une manière assez conventionnelle : elle est assise et tient dans ses mains une partition de musique. Cependant, le coloris clair (un camaïeu de rose), l’aspect chatoyant de son vêtement, la pâleur de sa carnation qui ressort sur un fond sombre apportent plus de grâce et de légèreté à l’ensemble.

Dans la salle suivante, sorte de sacristie, sont exposés plusieurs objets faisant partie du mobilier d’église : des reliquaires ainsi que des consoles leur servant de support, des évangéliaires, des piques-cierges et une chasuble (taffetas brodé de fil d’or) dite « de Louise de France » (1737-1787) une des filles de Louis XV entrée au Carmel de Saint-Denis en 1770 et à qui elle aurait appartenu. Précisons que les congrégations religieuses, voire les paroisses, bénéficiaient de dons de robes de cour qui étaient alors taillées et rebrodées pour être transformées en chasubles, étoles voire dalmatiques.

Quant aux livres (ici l’Evangéliaire et l’Epistolier de Notre-Dame), c’étaient souvent des manuscrits (avec enluminures) et non des livres imprimés. Remarquons le volume du rituel de la « Commémoration des fidèles défunts- ou Jour des morts» : fait rare, le décor de la reliure de cuir noir correspond au contenu du volume. Les armes, au centre, sont remplacées par une tête de mort et deux tibias !

Entrons dans le chevet ! Sont présentés quelques éléments de décor de la chapelle Saint-Grégoire (située à gauche du maître-autel) de l’église des Invalides. Sont exposées différentes esquisses et huiles sur toile de PJ Cazes dont « La Charité présentant des officiers et des soldats à Louis XIV » (1736) ainsi que deux esquisses préparatoires destinées au décor de la coupole de cette chapelle : « Le miracle de l’hostie » (1762/64) ; elle sont dues à Carle Vanloo et présentent des différences dans l’agencement de la composition.

Nouveau temps de pause dans notre parcours afin de regarder un film consacré à la restauration du « Sacrifice de Noé au sortir de l’Arche » (1783) d’Hugues Taravel (1729-1785) toile exposée dans la salle suivante. Il s’agit d’un sujet peu évoqué par les peintres. Il correspond à la fin du Déluge. Noé, entouré de ses fils et de leurs familles, offre en sacrifice les bêtes les plus pures. Au loin, Dieu se manifeste par un arc en ciel. L’Arche est évoquée à l’arrière-plan et quelques animaux sont esquissés. L’attention du spectateur se focalise sur Noé, tout en lumière, qui ouvre ses mains dans un ample geste de prière. Le film retrace, à titre d’exemple, les étapes de cette restauration qui a débuté en 2015 en vue de la présente exposition. Une quinzaine de restaurateurs ont été mobilisés pour s’occuper de la couche picturale, du support et du cadre. Ce fut une belle opportunité d’observer de près ces tableaux souvent de dimensions monumentales et parfois accrochés à plus d’une dizaine de mètres de hauteur. Ce travail permet également de découvrir diverses inscriptions ou indices de modification du format, comme dans cette œuvre qui a été rentoilée et agrandie d’environ vingt centimètres sur tout son pourtour. Est présenté dans la même optique le « Portrait d’un curé tenant un ostensoir » (anonyme) : il est en cours de restauration alors qu’un meuble-vitrine à tiroirs nous permet de voir et de toucher outils et matériaux permettant ce travail.


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Le Sacrifice de Noé, 1783, Jean-Hugues Taraval – Commande de la direction des Bâtiments du Roi – Huile sur toile – Eglise Sainte-Croix-des-Arméniens (COARC) , Paris © Ville de Paris – COARC – Jean-Marc Moser

Un mot sur le cycle de la vie de Saint-Louis (le roi de France Louis IX) pour la chapelle de l’Ecole militaire : c’est la dernière grande commande de ce style faite avant la Révolution. Il revêt un caractère particulier par la nouveauté de son sujet à fort caractère national.

L’exposition s’achève avec le triomphe du néoclassicisme, style caractérisé par un retour à l’antique avec des dessins et des coloris épurés. Les grandes scènes bibliques ont gardé leur place : «La Naissance de la Vierge » (1779) ou « La Visitation » (1781) de Joseph Benoit Suvée (1743-1807). La composition harmonieuse en trois plans successifs du premier tableau n’est pas sans rappeler celles déjà admirées : une scène d’intérieur baignée de douceur alors que le second tableau est plus monumental, plus sobre voire sévère. La gamme des coloris utilisés est froide (bleu profond, rouge-rubis) et la lumière blanche. D’autres sujets bibliques : « Le Bon Samaritain » (1773) de Nicolas René Jollain (1732-1804) ou « Le retour du Fils prodigue » (1782) de Jean Germain Drouais (1763-1788) présentent une scène dépouillée, une composition sobre, une émotion toute en retenue. Avec « Le Christ en Croix » (1782) de Jacques-Louis David (1748-1825) l’histoire sacrée est montrée de manière plus réaliste : intensité du regard du crucifié… sang qui jaillit des mains… détails du bois de la croix dont on ne voit pas le bas, ce qui permet à la figure du Christ d’occuper tout l’espace de la toile !

Ainsi s’achève notre parcours ! La scénographie (que l’on peut qualifier de spectaculaire !) restitue la complexité d’un édifice religieux permettant de donner, à chacune des huit sections, une identité particulière encore accentuée par les couleurs variées utilisées dans l’enfilade des chapelles. Les jeux de lumière y participent même si, parfois, quelques reflets inopportuns peuvent gêner. En regrettant toutefois que les deux espaces consacrés au visionnage de film n’offrent pas davantage de places assises.

L’atout majeur de cette exposition est d’offrir la possibilité d’admirer des œuvres souvent éparpillées, depuis la Révolution, dans différents musées, églises et cathédrales ici et là, tant à Paris qu’en province. Retables imposants, petites toiles de dévotion ou décors peints, tout concourt à nous permettre de découvrir une iconographie religieuse faite de raffinement et de grâce !


En complément de l’exposition, un « parcours in situ » est proposé dans six églises parisiennes pour découvrir ou redécouvrir les ensembles décoratifs. En contrepoint des peintures, ces églises renferment également des prestigieux décors sculptés.



Publié le 22 mai 2017 par Jeanne-Marie Boesch