Eblouissante Venise ! Venise, les arts et l’Europe au XVIIIème siècle.

Eblouissante Venise ! Venise, les arts et l’Europe au XVIIIème siècle. ©RMN-Grand Palais - Galeries nationales (Paris)
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Une envoûtante Venise s'ouvre à nous!

Dans notre chronique consacrée aux «Visiteurs de Versailles» (publiée le 15 janvier 2018) nous évoquions le fait que le nom même de Versailles était partie prenante de l’imaginaire de tous. Il en est de même pour Venise, la ville la plus peinte au monde ! Difficile de résister à sa magie ! Et le voyageur de rêver aux gondoles sur le Grand Canal… au doge... au palais ducal et son escalier des Géants ou ses prisons sous les toits de plombs (les « Piombi » qui ont accueilli Casanova)… D’imaginer se promener sur le pont des Soupirs… sur la place Saint-Marc dominée par son campanile… sans oublier de participer aux festivités du carnaval avec ses masques. Venise a exercé et exerce toujours une fascination particulière. « Eblouissante ! Qui pourrait en douter ? Le charme opère depuis des siècles. Carrefour des cultures, Venise s’impose, incomparable dans son entrelacement de canaux et de ruelles, originale dans son système politique, riche d’un peuple d’artisans et d’artistes aux talents, à la sensibilité très singuliers » (Emmanuel Marcovitch et Emmanuel Coquery, in catalogue). Héritière de longs siècles de domination sur la Méditerranée, elle perd peu à peu, au XVIIIème siècle, de sa puissance tant politique que commerciale et donc de son influence. Néanmoins la production artistique est toujours de premier plan et la vie sociale animée. Elle attire des voyageurs venus de toute l’Europe. En particulier les jeunes aristocrates qui accomplissent le « Grand Tour » afin de parfaire leur éducation en formant leur goût pour les arts et leur caractère. « Plus que tout autre lieu au monde, Venise, au XVIIIème siècle, était une ville de plaisirs : la musique (…), les théâtres (…) le canal déjà, le jeu bien sûr, les casinos (…) et les célèbres courtisanes tarifées et aux spécialités connues de tous. » (Pierre Rosenberg, in catalogue).

Ce spectacle pittoresque est l’objet de l’exposition présentée au Grand Palais. Catherine Loisel, qui en est la commissaire, articule le parcours de celle-ci en trois espaces : au rez-de-chaussée, elle donne une vision d’ensemble de cette cité encore riche. A l’étage, il est question de la diaspora des artistes vénitiens appelés de toute l’Europe par de riches mécènes anglais, français, germaniques ou encore espagnols. L’exposition s’achève dans une troisième partie consacrée au « Mythe de Venise » : la Sérénissime vit ses derniers feux avec l’entrée des troupes française en 1797 et la dissolution de la République votée par le « Maggior Consiglio » (Grand Conseil). Elle n’en continue pas moins à s’amuser, devenant, en quelque sorte, une société vouée au spectacle (voir la chronique « Venise en fête, de Tiepolo à Guardi » publiée le 2 mai 2017). Elle vit alors sur sa réputation et son image, dans la nostalgie de sa grandeur passée !

Nombreux sont les aspects de la vie vénitienne qui sont présentés ici grâce à la peinture, la sculpture, la musique et le théâtre, tous ces arts étant perméables les uns aux autres. L’évocation de la vie réelle n’est pas en reste grâce aux costumes (un costume d’homme avec son « tabarro » et son tricorne noir… des bonnets d’intérieur ou des fichus de dentelles, des chaussures de femmes et la robe en brocart de soie dite « Adrienne » qui suit la mode française), aux instruments de musique (une épinette) ou à l’artisanat (un miroir en verre de Murano). Sans oublier l’eau et « le bruit du clapot dans les films, créations immersives projetées dans l’escalier, entre les deux étages du parcours » (Macha Makeïeff).

Un mot encore. Au cours de cette promenade vénitienne, l’abondance des objets exposés nous conduit à ne nous arrêter que sur quelques œuvres ! Choix subjectif s’il en est, mais choix que nous espérons représentatif de l’exposition.

L’organisation du pouvoir, le régime politique de l’Etat vénitien est une singularité dans l’Europe de cette époque. Face aux monarchies absolues, c’est un état oligarchique : le gouvernement, le pouvoir sont exclusivement réservés à la classe dominante. Chaque poste, du plus petit au plus grand, repose sur une élection. Il en est ainsi des Procurateurs, des membres du Conseil des Dix (il veille à la sécurité), des trois Inquisiteurs (ils forment un tribunal secret) et bien sûr du Doge (« duc ») qui, lui, est élu à vie, sa charge étant honorifique.

Giambattista Tiepolo (1696-1770) peint, en 1754 à titre posthume, le « Portrait du procurateur et capitaine général de la mer, Daniele IV Dolfin ». Il le campe en pied devant un décor architectural monumental. Celui-ci porte la tenue officielle des procurateurs : une robe, faite de manches de grande ampleur, en damas de soie sauvage, complétée par la « stola » (étole) portée sur l’épaule. Tiepolo peint non sans un certain réalisme les traits ingrats du visage de son modèle. La main gauche est posée sur un livre alors que la droite est cachée dans les plis de la toge sans doute parce que Daniele IV Dolfin avait perdu quatre de ses doigts durant la campagne de Metellino en 1690. Un mannequin présente cette toge de procurateur en soie rouge (1ère moitié du XVIIIème siècle) complétée de la « stola » en velours et taffetas (seconde moitié du XVIIème siècle). Rappelons que les « écarlates de Venise », obtenues à partir d’une cochenille, sont réputées et permettent d’identifier d’emblée le procurateur dans le cortège du doge car il tranche avec l’austérité du patriarcat vénitien vêtu de noir.


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Portrait du procureur Daniele IV Dolfin (1754) – Giovanni Battista Tiepolo (Giambattista Tiepolo) – Huile sur toile © Museo della Fondazione Querini Stampalia, Venise

Une sculpture en marbre de Carrare due à Antonio Gai (1986-1769), le « Portrait du bailo Giovanni Emo », offre un autre portait officiel : la tenue de « bailo » est celle de l’ambassadeur à Constantinople qu’il fut entre 1720 et 1724. Remarquons le regard franc, le modelé expressif du visage, la précision des boucles des cheveux, la moustache ainsi que l’envolée du drapé de sa tenue.

L’une des obligations (depuis le XIIème siècle) du doge était de se rendre à San Nicolo du Lido, le premier dimanche après l’Ascension, afin de célébrer les noces rituelles de Venise avec la mer (en y jetant un anneau d’or) et réaffirmer ainsi la suprématie vénitienne sur l’Adriatique. C’est cet instant qu’immortalise Francesco Guardi (1712-1793) avec le « Départ du Bucentaure » (vers 1775/77). Le « Bucentaure » est une somptueuse galère d’apparat dorée, tendue de velours rouge aux couleurs de l’étendard de Saint-Marc. La toile concilie le panorama réaliste des édifices représentés en arrière-plan sous un ciel lumineux et la précision des détails d’une foule nombreuse. Pour solennel que soit l’événement, cette foule de badauds regarde l’embarcation et son cortège d’innombrables gondoles tout en devisant, commentant le spectacle ou… s’en détournant ostensiblement ! Chaque détail est peint avec minutie. Michele Marieschi (1710-1744) peint le « Retour du Bucentaure à San Marco pendant les fêtes de l’Ascension, vers 1736-1737 ». C’est ici l’occasion de découvrir le palais ducal et l’entrée de la place Saint-Marc. Nous retrouvons le palais ducal, résidence des doges, sur la toile de Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768) peinte vers 1740 : « Vue du Palazzo ducal vers la Riva degli Schiavoni ». La foule des embarcations y est présente alors que d’autres personnages déambulent sur le môle ou sous les arcades du palais. A gauche, en haut de la colonne, le lion qui symbolise l’évangéliste Marc. « L’entrée du comte de Gergy, ambassadeur de France à Venise, au Palazzo Ducale, le 5 novembre 1726 » représentée par Luca Carlevarijs (1663-1730) fourmille de détails anecdotiques. Dont ce personnage en premier plan sur la gauche qui, à moitié nu, se dépêche d’enfiler sa tenue ! La foule bigarrée se presse pour accueillir l’ambassadeur qui se distingue, au milieu de la composition, par son chapeau à plumes. Les personnages ont une attitude plus figée que dans la toile de Guardi citée plus haut.

La vie vénitienne n’est pas faite que de grands événements ! La toile (1722) de Canaletto intitulée « L’Entrée du Grand canal avec Santa Maria della Salute depuis le Môle » présente, au premier plan, des capitaines de navires étrangers qui viennent de débarquer. En arrière-plan, la basilique édifiée à titre d’ex-voto pour célébrer la fin de l’épidémie de peste (1630) semble émerger d’un ciel sombre, tout en étant éclairée, sur sa droite (notre gauche), par un ciel plus lumineux. Son dôme devint rapidement le symbole de la ville de par sa position à l’entrée du Grand Canal.

Arrêtons-nous sur une autre toile de ses toiles : « Le Campo San Vidal et Santa Maria delle Carita » appelé également « L’Atelier des tailleurs de pierre à San Vidal » (vers 1725). Une sorte de curiosité puisqu’on ne connait pas d’autre tableau ayant trait au même sujet ! On y voit le campanile de l’église Santa Maria delle Carita qui s’est écroulé en 1744. Mais ce tableau abonde de détails de la vie quotidienne : les rideaux blancs des fenêtres comme soulevés par le vent… une mère se précipitant vers son enfant qui vient, semble-t-il, de tomber… un coq dans l’encadrement d’une fenêtre et, bien évidemment, les tailleurs de pierre vaquant à leur travail !


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L’Atelier des tailleurs de pierre à San Vidal (vers 1725) – Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto – Huile sur toile © Libre de droits - Lieu de conservation : The National Gallery – Don de Sir George Howland Beaumont en 1823


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Agrandissement de L’Atelier des tailleurs de pierre à San Vidal (vers 1725) – Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto – Huile sur toile © Libre de droits - Lieu de conservation : The National Gallery – Don de Sir George Howland Beaumont en 1823 – Attribué à la National Gallery en 1828

Une maquette en bois du « Palazzo Venier dei Leoni » (atelier de Domenico Rizzi, vers 1750) dont seul le rez-de-chaussée fut construit et qui doit son nom aux têtes de lions qui ornent sa partie basse. Une carte (eau-forte datée de 1729) présente à la fois une allégorie de Venise (en haut à droite) gravée d’après un dessin de Sebastiano Ricci (1659-1734), le plan de la ville avec, autour de celle-ci, seize vues des principaux monuments tels qu’ils ont été gravés en 1703 par Luca Carlevarijs.

La musique règne en maîtresse sur Venise ! L’engouement qu’elle suscite chez les vénitiens subjugue tous les visiteurs ! « On ne parle ici que des opéras. Et on est si entêté de Farinello, que si les Turcs étaient dans le Golfe on les laisserait débarquer tranquillement pour ne pas perdre deux ariettes » (Abbé Antonio Conti, en 1728). Cette musique omniprésente nous la retrouvons dans la vitrine qui lui est consacrée. Des instruments : une mandoline milanaise en ébène et ivoire (1763), un cor anglais en bois d’érable recouvert de cuir (1792), une épinette (1692) et un archet de basse (1710). Egalement un violoncelle (vers 1710) du luthier Matteo Goffriller (1659-1742). Nous retrouvons une partie de ces instruments sur le tableau de Pietro Longhi (1702-1785), « Le concert » (1741) ou sur « La répétition d’un opéra » (vers 1709) de Marco Ricci (1676-1730) exposés plus loin. On peut remarquer la disposition des interprètes souvent autour d’une table ou d’un clavecin, se regardant les uns les autres.

Des partitions dont l’une autographe d’Antonio Vivaldi (1678-1741), la troisième page de la Sonate pour violon en fa majeur, RV19, destinée à son ami Johann Georg Pisendel. Compositeur vénitien par excellence, violoniste virtuose, Vivaldi met ces instruments à l’honneur dans ses compositions dont nous pouvons entendre des extraits. Une autre partition de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) qui effectue un séjour dans la Sérénissime en tant que secrétaire particulier de l’ambassadeur de France, en 1743/44. Il s’agit ici d’une copie du « Leucippo » de Johann Adolf Hasse (1699-1783).

Plusieurs feuilles de caricatures (dessins collés sur feuille) présentent des artistes interprétant tel ou tel rôle. Deux tableaux également : une huile sur toile de Bartolomeo Nazari (1693-1758), le « Portrait de Farinelli » (1734), l’un des chanteurs d’opéra parmi les plus connus, réputé pour sa voix exceptionnelle. Carlo Broschi (1705-1782) de son vrai nom, est représenté debout, richement vêtu d’un habit bleu bordé de fourrure dit « à la française ». Une main gantée à la taille, l’autre, dénudée, appuyée sur un clavecin, un chien (dont on distingue à peine la tête) à ses côtés. Sa mise raffinée, son attitude faite d’élégance ressortent sur un fond sombre destiné à le mettre en valeur. La partition posée sur le clavecin rappelle qu’il ne se contente pas de chanter mais compose aussi des pièces instrumentales. Autre portrait dû à la pastelliste Rosalba Carriera (1675-1757) : « Faustina Bordoni Hasse » (1739). La mezzo-soprano, appréciée dans toute l’Europe, épouse le compositeur en 1730. Tous deux s’installent à la cour de Dresde puis de Vienne. Elle fera plusieurs séjours à Venise. C’est au cours de l’un d’eux qu’est dessiné ce pastel lumineux : le visage, rehaussé par des touches de rose, tout de douceur, est mis en valeur par le bleu de son vêtement et les perles qui captent la lumière !


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Portrait de Farinelli (1734) – Bartolomeo Nazari – Huile sur toile © Royal College of Music Museum, Londres – Don d’Arthur Hill en 1933

Face à cette vitrine, un théâtre de marionnettes. Ces dernières sont très populaires dans toute l’Italie, permettant d’interpréter des situations des plus cocasses. Les personnages (en bois, tissu et rembourrage d’étoupe) appartiennent à la commedia dell’arte, tel Arlequin ou Truffaldino et sa bosse ou Pantaleon et son nez crochu. Les sept marionnettes exposées ici proviennent de la maison d’enfance de Carlo Goldoni (1707-1793).

Si la noblesse est soumise à des lois somptuaires très strictes (cf le grand manteau noir appelé « tabarro » qu’elle est tenue de porter), dans l’ensemble, elle les respecte peu ! Le luxe se retrouve dans la décoration des palais, comme cette porte en pin laqué et doré, ornée de « chinoiseries » et de fleurs. Ou dans le mobilier telle cette commode en bois sculpté, peinte de guirlandes de fleurs et un plateau de marbre… ou ce fauteuil aux incrustations de verre bleu de Murano dans les montants en bois. Ce bleu est une couleur de prédilection. Rappelons que les maîtres verriers se sont installés sur l’île de Murano au XIIIème siècle afin d’éviter les risques d’incendies causés par les fours. Ils fabriquent des objets d’une prodigieuse virtuosité tel ce reliquaire-bénitier (vers 1700) en cristal de roche et pâtes de verre polychromes.


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Commode, fauteuil et miroir © RMN-Grand Palais – Eblouissante Venise

Les jeux d’argent, les jeux de cartes font partie des plaisirs à la mode. Ils sont prisés tant par les vénitiens que par les voyageurs. Guardi peint vers 1746 « Le Ridotto du Palazzo Dandotto à San Moisè ». On n’y joue pas seulement quelques ducats ou des fortunes mais on y organise des rendez-vous galants ! Ce fut la première maison de jeu gérée par l’Etat qui voulait concentrer, en un lieu unique, les jeux de hasard qui se pratiquaient partout dans la cité malgré les interdictions. Il fut ouvert en 1638 dans un palais loué à l’Etat par la famille Dandri. Le port du masque y est obligatoire sauf pour les aristocrates (les « barnabotto ») qui tenaient les banques de jeu (scène de gauche). Sur la droite du tableau, une autre scène : un « barnabotto » se tient près d’une femme ayant un fuseau et une quenouille en main et d’un homme tenant un trousseau de clefs ce qui confirme la présence d’entremetteuses et de prostituées dans le Ridotto !

Nous retrouvons ce thème dans un dessin (vers 1730/40) de pierre noire et craie blanche sur papier bleu jauni de Giambattista Piazzetta (1683-1754) : « Jeune femme entre un client et une entremetteuse » (vers 1754) : précision du coup de crayon… regard de l’homme et la bourse qu’il exhibe… yeux baissés de la jeune femme qui écoute la vieille femme lui tenant la main… Juste des bustes et des mains, mais tout semble dit des tractations en cours ! Du même artiste, une scène de genre marquée par la personnalité du personnage : « Le jeune Porte-Drapeau » (1742). La gamme de couleur est sombre bien qu’éclairée par la blancheur du drapeau. Le sujet de la « Scène pastorale » (1740) est traité avec sobriété, sans décorum : la paysanne à la tenue débraillée et aux pieds nus nous observe, assise sur une rocher… un enfant regarde des chiens qui essaient d’attraper un canard… deux hommes, en arrière-plan, semblent discuter sans se soucier de ce qui se passe.


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Jeune femme entre un client et une entremetteuse (vers 1730-1740) – Giambattista Piazetta – Pierre noire et craie blanche sur papier bleu jauni © Collection royale de Sa Majesté la reine Elizabeth II

Arrêtons-nous sur quelques peintures à caractère religieux. Un thème bien connu : « Le Christ et les pèlerins d’Emmaüs » (vers 1742/45) de Gianantonio Guardi (1699-1760). L’épisode prend un caractère presque théâtral. Le Christ vient de rompre le pain, les pèlerins qui le reconnaissent ouvrent grand leurs bras. Le contraste des couleurs et les effets vaporeux ajoutent à l’audace de l’interprétation.


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Le Christ et les pèlerins d’Emmaüs (vers 1742-1745) – Gianantonio Guardi – Huile sur toile © Collégiale Notre-Dame des Andelys (Eure, France) – Don particulier pour la collégiale, diocèse d’Evreux

Plusieurs œuvres de Giambattista Tiepolo. D’abord ce rare exemple d’aquarelle colorée qu’est le dessin préparatoire au décor de la chapelle du Saint Sacrement du Duomo d’Udine (1726) : un premier tracé à la pierre noire esquisse l’ensemble où des anges en vol sont dessinés à la plume et au pinceau. Des peintures : l’« Ange gardien » (1737) ou « Saint Jacques le Majeur apparaissant à la bataille de Clavijo » (1770) : le saint apparaît sur le champ de bataille (près de Constantinople en 844) pour porter secours aux chrétiens. La composition s’articule autour du cavalier et de sa monture. Le regard tourné vers le ciel, il incarne le triomphe sur les Maures ici représentés par un homme, un genou à terre, désarmé, le visage baissé sans doute en signe de soumission.

La sculpture est également très présente, que ce soit sur les façades des églises ou les ornements de palais. Trois sculptures ont retenu notre attention. La première d’Antonio Corradini (1688-1752) est une « Allégorie de la Foi, voilée » en marbre de Carrare, révélant toute la virtuosité de l’artiste. La Foi prend appui sur sa jambe droite. Elle est vêtue d’une tunique et d’un manteau qui laissent deviner les courbes de son corps et découvrent son épaule gauche. Sa main droite retient un pan de ce manteau. Sa tête est entièrement voilée tout en laissant deviner ses traits. Calme et grâce se dégagent de cette statue qui symbolise l’idée qu’il n’est point besoin de voir pour croire. D’Andrea Brustolon (1662-1732) sont exposés quatre sculptures en bois d’ébène et buis qui font parties du « mobilier Vernier » commandé pour le palais San Vio. Les pièces présentées sont destinées à servir de support à une collection de vases chinois et japonais : « Allégorie du printemps », « Allégorie de l’hiver », « Allégorie du feu (Vulcain) » et un « Maure ». Des putti entourent les trois premières. Des dragons, caractéristiques de l’art chinois, servent de socle à la dernière. Enfin, un « Buste de femme » (terre cuite et piètement en bois sculpté, vers 1750) de Giovani Marchiori (1696-1778) : profil harmonieux de la jeune femme au front ceint d’un bandeau et couronnée de lauriers… visage tourné de côté et lèvres légèrement entrouvertes… buste coupé en dessous des épaules… Le piètement en bois forme une sorte de vêtement l’enveloppant.


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Allégorie de la Foi ou Femme voilée – Antonio Corradini – Sculpture en marbre de Carrare © Département des sculptures – Musée du Louvre

La visite de la première partie s’achève par une salle où sont projetés, sur les murs, des paysages de Venise ou des gros plans de certains tableaux. L’évolution de la ville (à partir de la carte citée plus haut) est reconstituée sur un écran en 3D. Belle réalisation permettant aussi de resituer l’emplacement des piazzetta, des palais… Nous dirigeant vers l’escalier, une voix juvénile s’écrie : « oh, regarde on voit sous les jupes des filles ! ». En levant la tête, nous apercevons, suspendus dans le grand escalier, sept robes de bal ainsi que trois lustres en papier, œuvre d’Isabelle de Borchegrave. A l’étage, les lanternes magiques du collectif Stereoptik projettent des détails de la lagune avant de nous convier à découvrir la diaspora des artistes vénitiens en Europe dans une scénographie plus ample au travers d’une suite d’arcades.


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Sept robes de bal & Trois lustres en papier – Isabelle de Borchegrave © RM-Grand Palais, photographie : Jeanne-Marie Boesch

De nombreux étrangers fortunés, souvent amateurs et collectionneurs, viennent à Venise. Inversement l’art vénitien s’exporte : les « vedute » de Canaletto… les pastels de Rosalba Carriera (voir notre chronique En Société, publiée le 30 juillet 2018)… les décors de Tiepolo annonçant le style rococo dans les pays germaniques ou encore les commandes faites par le roi d’Espagne au même Tiepolo.

En Angleterre. Marco Ricci travaille pour le théâtre et l’opéra. « Une répétition d’un opéra avec une marine sur le mur du fond » : la composition de la toile est horizontale, les personnages étant groupés autour du clavecin. Sur le mur du fond, sont accrochées des toiles sans doute de la main du peintre lui-même. Canaletto y séjournera une dizaine d’années (1746-1755). Nous lui devons plusieurs vues de châteaux médiévaux, de Londres ou des bords de la Tamise dont « Le Pont de Westminster en travaux » (1749). Il s’agit d’un dessin à l’encre représentant une vue horizontale du pont qui enjambe la Tamise. On peut voir, au centre, deux arches affaissées, les engins de levage et les échafaudages. Au premier plan quelques embarcations, de petites silhouettes sur la rive. Notre regard est conduit vers un lointain qu’il s’avère difficile de reconnaître. Bien que n’ayant jamais mis les pieds sur le sol anglais, nous retrouvons Rosalba Carriera avec le « Portrait de l’Honorable George Townshend, premier marquis de Townshend » (vers 1742/43) : acuité du regard, étoffes chatoyantes, délicatesse de la dentelle.

En France. Précisément la même artiste avec son « Autoportrait » (1709) tenant dans ses mains celui de sa sœur. Elle se représente à l’œuvre, un pastel en main… cheveux poudrés… moiré du manteau de satin blanc bordé de bleu… luminosité des visages. Mais la grâce qu’elle accorde à ses clients en dessinant leur portrait n’est pas de mise ici : les effets de l’âge (34 ans !) sont visibles sur son visage. A Paris, elle rencontre Antoine Watteau (1684-1721) : ils exécutent réciproquement leur portait.

Son beau-frère,Gianantonio Pellegrini (1675-1741), l’accompagne dans lors de son voyage parisien. Le Régent Philippe d’Orléans lui a, en effet, commandé le décor de la galerie de la Banque Royale nouvellement créée (rappelons qu’elle repose sur le système de Law qui ne tardera pas à faire faillite). Pellegrini intervient sur la galerie du Mississipi : « Le Déchargement, en bord de Seine, de marchandises en provenance de la Louisiane » (1720). Cette esquisse préparatoire figure une grande partie de la composition du plafond de la salle des Conseils. Sur la gauche, deux allégories : la Seine embrasse le Mississipi. A droite, des hommes déchargent des marchandises d’un vaisseau en provenance de la Louisiane. Scènes placées sous le regard de deux allégories ailées : la Félicité et la Tranquillité. Il rencontre également Watteau, chez le collectionneur Pierre Crozat. Une sanguine, de sa main, présente une étude de têtes d’enfants dans diverses positions. Elle est rapprochée de « Trois études de la tête et du buste d’un jeune Noir » esquissée par Watteau : le positionnement de la tête du jeune Noir est pratiquement repris dans l’un des visages d’enfant. « Bethsabée au bain » (vers 1724) de Ricci : vivacité des formes, luminosité des couleurs (le jaune du vêtement de la servante vue de dos… le bleu du drap où est assise Bethsabée… le rouge orangé d’un autre vêtement), fluidité des lignes. La scène est peinte dans un décor à l’antique avec une ouverture sur l’espace extérieur.


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Etudes d’enfants d’après Watteau (1716) – Sebastiano Ricci – Sanguine et pierre noire, copie d’un dessin de Watteau vu par Ricci chez le collectionneur Pierre Crozat à Paris en décembre 1716 © Collection royale de Sa Majesté la reine Elizabeth II

Dans le Saint-Empire romain germanique (Allemagne et territoires d’Europe centrale). Là aussi, le lien se fait d’une contrée à l’autre puisque nous y retrouvons Pellegrini. Il reçoit de nombreuses commandes, notamment de l’électeur palatin J.W. von der Pfalz, dont le « Saint Sébastien soigné par sainte Irène » (1713). L’ensemble de la scène est présenté dans une quasi obscurité : la sainte, agenouillée, essuie délicatement les blessures alors qu’une servante l’éclaire grâce à un torche. La monochromie des couleurs employées est, à peine, rehaussée par le bleu délicat du manteau de la sainte. Ricci peint « à fresque » le plafond d’un salon du palais de Schönbrunn… Guardi nous offre un saisissant « Portrait du maréchal von Schulenberg » (vers 1735) qui pose fièrement, son bâton de commandement dans la main droite au-dessus d’un arrière-plan figurant une bataille (siège de Corfou en 1716 ?). Remarquons le rendu de son armure noire rehaussée d’une écharpe en velours rouge aux reflets changeants. La famille Tiepolo est elle aussi présente et plus particulièrement à Wurtzbourg, notamment pour la décoration du grand escalier de la Résidence. Plusieurs études sont présentées (sanguine et craie blanche sur papier bleu) : soit en rapport avec la figure de l’architecte du lieu, Balthasar Neumann, soit quatre études d’homme en pied, avec pour l’une d’elle la moitié d’un visage (féminin ?) en arrière-plan. Les sculpteurs vénitiens sont également appréciés. Giovani Giuliani (1663-1744) est nommé sculpteur officiel de la cour des Habsbourg. Il sculpte, en pied, les quatre évangélistes pour l’église Sainte Elisabeth de Vienne. « Saint Mathieu » (1741) est exposé : en bois de tilleul, la polychromie d’origine a disparu… le saint lève les yeux au ciel… il est pieds nus… les plis de son vêtement comme emporté par un souffle d’air. Un putto, suspendu dans le vide, soutient de son dos un livre. Le sculpteur allemand, Franz Ignaz Günther (1725-1775) adopte le style longiligne, les postures gracieuses et raffinées dans son « Ange en prière » (tilleul peint, vers 1770).

En Espagne. La renommée de Tiepolo est telle qu’il est appelé à la cour espagnole et reçoit la commande du décor de la salle du trône du palais royal de Madrid. Malgré son âge (57 ans) il part et réalise, « à fresque », la Gloire de l’Espagne, en collaboration avec ses deux fils Giandomenico (1727-1804) et Lorenzo (1736-1796). Arrêtons-nous sur deux tableaux : l’ « Offrande de Neptune à Venise » (vers 1757/58) : une composition somptueuse par la richesse des coloris et empreinte de sensualité. Neptune, vieillard charnellement incarné (son trident en arrière-plan et tenant une corne d’abondance d’où s’échappent, entre autre, des pièces d’argent) regarde une fascinante allégorie de la cité vénitienne. Cette dernière, richement vêtue, est allongée, son bras gauche appuyé sur une tête de lion, une sorte de sceptre dans sa main. De la droite, elle pointe un doigt vers le dieu de la mer. Son regard semble interrogateur… Peu avant sa mort, Tiepolo réalise quatre petits tableaux sur le thème de la « Fuite en Egypte ». L’huile sur toile que nous admirons n’offre pas une représentation habituelle de cet épisode : Marie, Joseph et l’enfant sont installés au fond d’une barque menée par un ange. Ce dernier est comme en « apesanteur » tenant la barre de ses deux mains. Un couple de cygnes, symbole de pureté, est au plus proche de la barque. Après la mort de leur père, Lorenzo restera en Espagne et Giandomenico retournera à Venise.


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La Fuite en Egypte (vers 1767-1770) – Giambattista Tiepolo – Huile sur toile © Museu Nacional de Arte Antiga, Lisbonne

La Sérénissime, au moment de son déclin économique, produit une imagerie foisonnante qui contribuera à son mythe. Festive, elle l’est toujours plus. Les fêtes y sont grandioses et les divertissements frappent l’esprit de tous ! Nous retrouvons trois peintres : Longhi interprète une société dont les patriciens sont les commanditaires… Guardi renouvelle l’art de la « veduta » (représentation détaillée et mise en perspective d’un paysage urbain) apportant une atmosphère différente des peintures de Canaletto… Tiepolo peint une foule bigarrée se regroupant autour de diverses attractions. C’est en immortalisant les fastes, voire les travers de leur cité, qu’ils ont contribué à la création de ce mythe.

Durant la période du carnaval les passants se croisent, au détour des places et des rues, autour de divertissements surprenants, insolites. Un mot sur le carnaval qui dure ici plus longtemps qu’ailleurs ! D’abord du début octobre jusqu’au début de l’Avent, puis du 26 décembre au mardi gras et encore durant les deux semaines qui suivent l’Ascension ! Il s’étend quasiment sur six mois de l’année ! Tous les citoyens communient dans une liesse collective qui abolit les distinctions de classe grâce au port du masque. Un mot aussi sur le costume de masque. Masculin, il est constitué d’un manteau, le « tabarro » en Gros de Tours de soie noire, d’une « bauta » (sorte de capuchon recouvrant la tête et les épaules) puis du masque blanc appelé « volto ». Les femmes portent également la « bauta » parfois en dentelle toujours noire. Le « zendale », sorte de châle emprunté aux classes populaires, deviendra plus courant à la fin du siècle. Le masque proprement dit est parfois en tissu donc plus souple : c’est la « moretta ». Elles peuvent ainsi sortir incognito ce qui leur permet une certaine émancipation ! Rappelons que le port du masque est obligatoire lors des audiences des ambassadeurs ou dans certains lieux comme le Ridotto (voir plus haut). La toile de Longhi « Conversation entre masques » est un bel exemple de composition aux coloris clairs dans une gamme raffinée présentant, au centre, un couple d’aristocrates masqués se promenant. A droite (dans des couleurs claires), un homme tient un panier de pommes alors que sur la gauche (dans une chromatique foncée) un vieil homme, masqué lui aussi, se tient appuyé sur une canne. Lors du carnaval de 1751, les vénitiens découvrent une femelle « Rhinocéros » prénommée Clara. Elle est présentée dans le zoo privé que possède Giovanni Grimani dans sa villa de « terre ferme ». Le nom du commanditaire est, cette fois-ci, inscrit dans le cartouche situé à droite. Le peintre le représente, d’ailleurs, au milieu de la composition, avec son épouse, mêlé au public. Tous deux sont masqués. Sur leur droite, un bonimenteur facilement reconnaissable au fouet et à la corne qu’il tient à la main.

De Giandomenico Tiepolo, la « Scène de carnaval ou le Menuet » (1754) : le peintre saisit un moment gracieux de cette danse entre une femme vêtue d’une magnifique robe jaune et un danseur vêtu, lui, de rouge. La foule des spectateurs se presse autour du couple en formant un arc de cercle dans ce qui semble tenir du brouhaha ! Les musiciens sont à l’arrière mais traités dans des tons plus sombres. Dans la fresque déposée (provenant de la villa familiale à Zianigo), « Polichinelle et les saltimbanques » (1797), ce sont des acrobates qui amusent la foule des curieux. Avec son costume blanc et son masque au nez immense, Polichinelle fait le pitre en regardant les acrobates.

Autre attraction populaire : « Il Mondo Nuovo » (vers 1770/80). Une construction en bois à tourelle (au centre de la composition, en arrière-plan) permet de présenter des vues de pays lointains. Ces vues sont éclairées par l’arrière. Les spectateurs les regardent à travers de lentilles de verre. Ici les personnages d’une foule bigarrée sont audacieusement représentés de dos. Exposée, dans la même salle, une boîte similaire, une « chambre d’optique » en bois, cuivre et verre qui provient de Hollande. Certaines de ces « vues d’optique » sont également exposées : perforées de trous, elles étaient éclairées de face ou par l’arrière puis insérées dans des supports de bois dotés de loupe et ensuite commentées sur les places publiques.


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Il Mondo Nuovo (vers 1770-1780) – Giandomenico Tiepolo – Huile sur toile © Musée des Arts décoratifs, Paris

D’autres attractions attirent les foules comme « Les Forces d’Hercule ». Les festivités du jeudi gras mettent fin au carnaval avant la période du Carême. Des divertissements comme celui-ci sont parfois périlleux : des pyramides humaines, composées de gymnastes, mettent en concurrence les habitants de divers quartiers. Il s’agit ici d’une maquette en bois peint et métal où les gymnastes se dressent sur un bateau.

Cette avant-dernière salle a la particularité de présenter des animaux empaillés : deux aras, un singe, un dromadaire blanc et un baudet du Berry (sans oublier le symbole de la Cité, le lion qui dort dans sa cage à l’entrée de l’exposition). Tous ont été prêtés par le Museum d’Histoire naturelle de Paris. Macha Makeïeff explique que « Venise est un théâtre ». C’est pour cette raison qu’elle a aussi imaginé ce « pas de côté » : une scène où se produisent acteurs, chanteurs musiciens et acrobates. Ils font vivre lors des « Eclats nocturnes » cette Venise foisonnante de plaisir !

Mais tout semble avoir une fin. Une crise économique et sociale se fait sentir et Venise perd peu à peu de son attractivité. Par désintérêt pour les activités commerciales, par passion du jeu, une partie de l’aristocratie est ruinée. L’Etat perd son emprise diplomatique et se retrouve isolé face à la Campagne d’Italie menée tambour battant par Bonaparte. Le 12 mai 1797, les troupes françaises sont massées au bord de la lagune. Le doge abdique alors que le Grand Conseil (Maggior Consiglio) vote sa propre dissolution. Précisons que Bonaparte cèdera rapidement Venise et ses territoires à l’Autriche par le traité de Campoformio, en octobre de la même année.

C’est avec Guardi que s’achève notre promenade vénitienne. En 1777, il peint « La Piazza San Marco pendant le fête de l’Ascension » : des constructions en bois mobiles sont installées et accueillent des boutiques où se presse la foule des vénitiens. La perspective est ouverte sur la basilique, le campanile surmonte la place. Une dernière toile : « L’incendie de San Marcuola » (1789). Le feu a pris dans un entrepôt d’huile et s’est rapidement propagé aux maisons environnantes. Au premier plan, la foule des badauds se presse pour regarder le brasier. Le peintre retranscrit magistralement le vent qui attise les flammes, celles qui se répandent sur les canaux et celles qui dévorent les maisons sous un ciel sombre envahi par les fumées. On pourrait presque se hasarder à dire que même une catastrophe devient un spectacle… que ce tableau peut aussi évoquer la chute à venir de la Cité des doges, comme l’explique la commissaire de l’exposition.


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L’incendie de San Marcuola (1789) – Francesco Guardi – Huile sur toile © Gallerie dell’Accademia, Venise

Au-delà des beaux-arts, l’exposition veut restituer une atmosphère, celle des fêtes, concerts, opéras, carnavals et farandoles mais aussi expliquer pourquoi Venise devient, peu à peu au cours du XVIIIème, « la principale pourvoyeuse d’artiste pour les cours d’Europe » (Eric Biétry-Rivière, in Le Figaro culture – 18/10/2018). Le choix des peintures, sculptures, dessins et autres objets (même si nous pouvons regretter l’absence d’un lustre en verre de Murano) nous transporte à l’époque des splendeurs vénitiennes. L’exposition est, en quelque sorte, un hommage rendu à l’âme de la Sérénissime. Une âme surgie de la lagune et qui finit par gagner toute l’Europe occidentale. Si elle néglige les influences réciproques avec la civilisation orientale, l’exposition explique, par le menu, comment Venise s’est imposée comme l’une des composantes de notre culture.



Publié le 28 oct. 2018 par Jeanne-Marie Boesch