Evaristo Baschenis (1617-1677). Le triomphe des instruments de musique dans la peinture du XVIIème siècle.

Evaristo Baschenis (1617-1677). Le triomphe des instruments de musique dans la peinture du XVIIème siècle. ©Exposition Le triomphe des instruments de musique dans la peinture du XVIIème siècle - Evaristo Baschenis (1617-1677) - Galerie Canesso (Paris IXème arr.)
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Intimiste et envoûtante !

Installons-nous confortablement et plongeons-nous dans la lecture d’un magazine consacré à l’exposition qui se tient actuellement au Louvre (nous y reviendrons dans une prochaine chronique). Nous découvrons, au fil des pages, le nom d’Evaristo Baschenis (1617-1677), un peintre bergamasque (de Bergame, ville lombarde) très peu présent dans les collections publiques car aucun musée français ne possède la moindre de ses huiles. De son pinceau est issue une série de natures mortes aux instruments de musique que nous nous promettons de découvrir !

Mais où se tient cette exposition ? Non sous les cimaises d’un musée mais dans une galerie parisienne, la Galerie Canesso, sise rue Lafitte, dans le 9ème arrondissement. Elle est fondée en 1994 par Maurizio Canesso, passionné par les grands maîtres italiens de la Renaissance au Baroque. Son moteur : les faire découvrir. Son choix (des œuvres pour la plupart inédites) se porte sur des sujets avec figures (pour la peinture d’histoire, la peinture de genre ou le portrait) mais également sur des natures mortes et des paysages. La Galerie organise dans ses murs des expositions ambitieuses, souvent en collaboration et partenariat avec diverses institutions. Elles sont accompagnées de publications éditées par ses soins. Citons, en 2007, L’œil gourmand consacré à la nature morte napolitaine du XVIIème siècle… A l’automne 2018, L’Art au féminin… Au printemps 2021, Se régaler avec les maîtres anciens.

Seconde quinzaine de novembre. Nous arpentons la rue Laffitte. A notre surprise, pas de vitrine pour attirer notre œil ! Nous voilà néanmoins devant le 26. Une petite plaque (parmi d’autres !), à droite de l’immense porte, indique le nom de la galerie. Entrons dans la cour. Sur notre droite, une sonnette. La porte s’ouvre. Un sourire nous accueille, nous présente les lieux. Puis attire notre attention sur la toile accrochée en face de nous, sorte de préambule à l’exposition. L’Autoportrait avec Dona Venusta (Rome, entre 1580 et 1585) de Hans Von Aachen (1552-1615) illustre le thème de l’exposition. L’artiste, buveur (présence d’une coupe de vin et de grappes de raisin) et chanteur à ses heures, se représente en homme hilare battant la mesure avec l’index de sa main droite. Il est accompagné au luth par une jeune femme.


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Autoportrait avec Donna Venusta, Hans Van Aachen (1552-1615), Huile sur toile, 112 x 88 cm. Inscription sur le livre de musique: « Vinum et musica letivicant (sic.) cor ...» (Le vin et la musique réjouissent le cœur) © Collection particulière - (photo JMB)

Mais qui est Evaristo Baschenis ? Peintre de l’école vénitienne du XVIIème siècle, il est né le 7 décembre 1617 à Bergame où il mourra le 16 mars 1677. Il appartient à une longue lignée d’artistes, plus précisément de fresquistes. Il compte, parmi ses amis, une famille notable de luthiers, de Crémone. 1639, clap de fin de l’épidémie de peste qui a emporté son père et son frère. Il suit les traces familiales et se lance dans une carrière artistique. Et commence un apprentissage, de quatre ans, dans l’atelier de Gian Giacomo Barbelli (1604-1656). Il « s’initie à la technique de la quadratura, science sophistiquée de la perspective peinte et de l’illusionnisme spatial, qui permet de représenter à l’aide de téméraires et complexes raccourcis les figures les plus diverses : architectures, hommes, anges, objets en tous genres (instruments de musique compris). » (Enrico De Pascale, in catalogue). Septembre 1643. Ayant pris possession de l’héritage paternel, Evaristo prononce ses vœux et devient prêtre. Il sera peintre-prêtre : une condition qui peut nous paraître inhabituelle mais nullement rare à cette époque. Puis, à partir des années 1650 et jusqu’à sa mort, il se consacre presque exclusivement à la production de natures mortes qu’il décline en deux versions : les intérieurs de cuisine et les compositions avec des instruments de musique. « De ce dernier genre, il peut être considéré comme l’inventeur et l’interprète le plus original et le plus talentueux sur la scène européenne. Un choix dicté, hypothèse plausible, par l’amour de la musique que le prêtre pratiquait certainement, comme on le déduit du Triptyque Agliardi qui le montre assis face à une épinette. À Bergame comme ailleurs, la formation des prêtres incluait une éducation musicale et, dans certains cas, la pratique d’un instrument. » (ibidem).

Entrons dans les salles d’exposition. La première est une vaste pièce ; la seconde probablement un bureau si l’on en juge par les rayonnages remplis de livres. Vastes pièces qui permettent de voir les toiles, à la fois, de loin et de près. Ce qui est fort appréciable. Certaines mesurent plus d’un mètre et demi de large. Toutes fourmillent de minuscules détails : une mouche posée sur une partition… un fruit talé ou un compotier… un œillet… des cordes cassées… la signature du peintre apposée sur les instruments… voire un voile de poussière qui recouvre certains d’entre eux.

La première œuvre (vers 1660) est une Nature morte aux instruments de musique et statuette. Sans doute un coin de salon de musique où les instruments sont posés sur un tapis rouge galonné d’argent : une harpe à structure triangulaire semblant en équilibre, un chitarrino (guitare romaine), un luth-théorbe ainsi qu’un violon et son archet. En arrière-plan, un coffret de bois sombre et un encrier avec une plume d’oie. La composition est encadrée d’une part par la statuette d’un homme nu sur la gauche (un saint Sébastien ?), de l’autre par une tenture de brocart vert sombre à motifs d’or sur la droite. La lumière, venant de la gauche, glisse sur les instruments et particulièrement sur la rotondité du luth retourné.

Seconde toile, Nature morte aux instruments de musique, que nous pourrions qualifier de « variante » de la première. Un fond noir. Un tapis cramoisi sur lequel sont, comme entassés, des instruments. Les mêmes. Une épinette en plus. Toujours les partitions savamment écornées : les pages ont été tournées et retournées ! Des traces de doigts sur la caisse poussiéreuse du luth qui exhibe la marque du luthier sur la brague (morceau de bois placé au bout du corps du luth pour en cacher les éclisses). Il s’agit du monogramme « M+H » du luthier Michael Hartung (vers 1568-1614), célèbre luthier originaire d’Allemagne. Comme beaucoup d’autres au XVIIème siècle. Un fruit, ici solitaire, capte lui aussi la lumière.


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Nature morte aux instruments de musique, vers 1660, Evaristo Baschnis, Huile sur toile, 81 x 92 cm, Signature sur le côté de l’épinette près du clavier : « EVARISTVS BASCHENIS P.» © Collection particulière - (photo JMB)

Troisième tableau : même dénomination, mêmes instruments accompagnés d’une contrebasse de viole posée à l’arrière, contre la table. Un livre et un petit cabinet (meuble à compartiments fermés par des portes servant à ranger des objets précieux). Un fond sombre sans décoration. Un tapis de table cramoisi damassé. Deux bandoulières vertes. Un connaisseur en la matière pourra distinguer les essences de bois utilisées. Et notre œil de profane distingue aisément les cordes des instruments, les notes sur la partition.


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Nature morte aux instruments de musique, vers 1660, Evaristo Baschnis, Huile sur toile, 83 x 100 cm, Signé en haut à gauche sur le petit cabinet : « EVARISTVS BASCH… BERGOMI » © Collection particulière, courtesy of FAIC, Londres - (photo JMB)

Quatrième huile sur toile. Instruments identiques (le luth et la guitare dans un équilibre précaire au bord de la table !) accompagnés d’une épinette, une rose négligemment posée (oubliée ?) sur celle-ci. Une partition. Une coupe de pommes. Le tout posé sur un tapis « Lotto » (tapis noué à la main ayant un motif principalement produit au cours des XVIème et XVIIème siècles le long de la côte égéenne de l'Anatolie, en Turquie) dans les tons de rouge et de noir. En nous approchant, nous admirons le point de nœud utilisé, magnifiquement rendu par le peintre. Enrico De Pascale précise dans le catalogue qu’un examen rapproché du tableau (à l’occasion de cette exposition) a permis « d’étudier et -fait exceptionnel- de déchiffrer ce qui figure sur la partition que le peintre a mis en bonne place sur le pupitre de l’épinette comme une invite à la lire ou, mieux encore, à la chanter. Dans la marge de la page gauche sont parfaitement lisible les mots « seconda parte », le numéro « 20 » et la parole « Cantus ». Les vers utilisés sont empruntés (… au) Chansonnier de Pétrarque (1304-1374). »


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Nature morte aux instruments de musique (détail), vers 1665-1670, Evaristo Baschenis, Huile sur toile, 79 x 98 cm © Collection particulière – (photo JMB)

Nouvelle Nature morte aux instruments de musique (vers 1665/70). Même objets dans une composition différente. Instruments posés sur un tapis oriental. Un fruit solitaire. Une partition. Une guitare posée à plat supportant « un livre dont le dos porte l’inscription « L’ISOLA DEL CO : BISACI ». Il s’agit du roman L’isola overo successi favolosi de Maiolino Bisaccioni (1582-1663), best-seller de l’époque. » (ibidem). Cependant, la mise en scène diffère : sur un fond plus clair se détache, dans l’angle gauche, une lourde tenture drapée (rouge et or), agrémentée de deux magnifiques pompons à glands, eux-mêmes accrochés à des cordes de passementerie retenant la tenture.

Datée des mêmes années, nous retrouvons, sur la toile suivante, toujours les mêmes instruments. Avec, cette fois, une flûte à bec, des livres, une pomme. Une différence : le luth-théorbe y apparait dans son intégralité, comme « dominant » l’ensemble des instruments. La composition s’articule, en son milieu, autour de la verticale du manche et du chevillier du violoncelle, lui-même posé à l’arrière de la table. Les cordes du violon attendent d’être tendues. Admirons, à nouveau, la palette dorée des différents bois. Les couleurs des deux bandoulières : l’une de ton corail, l’autre verte. Les mêmes éclats de lumière blanche. Le tout dans « l’insondable obscurité du fond » (ibidem) monochrome auquel concoure le tapis de table, peut-être vert sombre ou peut-être noir ? Nous distinguons à peine la ligne de rupture entre le mur et ce dernier. Les instruments apparaissent comme en « lévitation ».


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Nature morte aux instruments de musique, vers 1665-1670, Evaristo Baschenis, Huile sur toile, 74 x 99 cm, signature sur le manche du luth : « EVARISTVS BASCHENIS P. BERGOMI », Bergame © Collection particulière - (photo JMB)

Trois toiles forment un tout, le Triptyque Agliardi. Toutes les trois de dimensions identiques : 115 x163 cm. Comme précédemment, la signature du peintre y apparait soit sur un instrument soit sur le pied d’un meuble. Généralement « EVARISTUS/BASCHENIS/BERGOMI/P. ». Nous retrouvons le même ensemble d’instruments, des fruits, un rideau mais aussi des feuilles avec tablature pour luth (partition instrumentale dont le principe repose sur l'utilisation de chiffres et de lettres indiquant notamment le doigté et le rythme). Une composition théâtralisée. Pour deux de ces œuvres, la présence d’êtres humains. Le portrait de trois frères de l’une des familles bergamesques les plus fameuses ainsi que l’autoportrait du musicien-peintre, en tenue de religieux, jouant de l’épinette. Notons que ce triptyque appartient toujours à la famille des commanditaires de l’époque.

La toile de gauche : Académie de musique d’Evaristo Baschenis et Ottavio Agliardi (1645-après 1665). Il s’agit d’un concert privé. Le regard des musiciens se tourne vers le spectateur. Le peintre est un homme d’un certain âge, le front dégarni. Ne dirait-on pas que son regard vient se perdre dans le nôtre ? Le jeune Ottavio, (future moine bénédictin) joue du luth-théorbe, les doigts posés sur la touche de celui-ci. Il est représenté dans une position décalée, sur le côté gauche de l’artiste. Baschenis joue sur une épinette aux dimensions restreintes, posée sur une table. Son couvercle s’est mué en pupitre. Notons cette volonté, encore une fois présente, de centrer la composition sur les instruments. Ils ont ici la même importance que les figures humaines ! A nouveau un précieux tapis « Lotto » : « d’une part il fait un contrepoids chromatique aux tonalités sombres du bois des instruments, de l’autre il unifie l’espace scénique auquel il ajoute une dimension décorative et de prestige social » (ibidem). Un recueil de tablatures posé sur le dos d’un violone.


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Académie de musique d’Evaristo Baschenis et Ottavio Agliardi (1645- après 1665), vers 1665-1670, Evaristo Baschenis, Huile sur toile, 115 x 165 cm, Signature sur le bord de l’épinette : « EVARISTVS/ BASCHENIS/BERGOMI/P. », Italie © collection particulière

Le panneau central est une Nature morte aux instruments de musique. A ces s’instruments sont associés des feuilles de musique, un coffret, un plat de pommes (dont certaines semblent déjà gagnées -discrètement- par la pourriture), une poire intacte, un couteau au manche d’ivoire, un œillet. Une accumulation désordonnée d’objets posés sur un tapis vert foncé en accord avec le fond sombre. Mais un harmonieux désordre ! Des objets qui captent la lumière venant de la gauche. Encore une fois approchons-nous de la toile : ne dirait-on pas que la mouche vient de se poser sur la partition ? Les traces de doigts si marquées sur la poussière recouvrant les luths, ne pourraient-elles pas être les nôtres ? L’œillet, sans doute fraîchement coupé, ne vient-il pas d’être abandonné à l’instant ? Un réalisme admirable bien avant l’invention de la photographie !


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Nature morte aux instruments de musique (détail), Evaristo baschenis, Huile sur toile, 115 x 163 cm, signé sur le pied gauche de la table : « EVARISTVS/BASCHENIS/B », Italie © collection particulière - (photos JMB)


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Nature morte aux instruments de musique (détail), Evaristo baschenis, Huile sur toile, 115 x 163 cm, signé sur le pied gauche de la table : « EVARISTVS/BASCHENIS/B », Italie © Collection particulière - (photos JMB)

Troisième toile du triptyque : Académie musicale d’Alessandro Agliardi (1636-1692) et Bonifacio Agliardi (1635-1710). Les deux frères portent des vêtements de velours noir selon la mode espagnole alors en vigueur. Ces tenues sont rehaussées de galons dorés, de passementeries. Les manches, fendues verticalement, laissent passer les manches bouffantes des chemises de lin blanc. Poignets larges. Cols plats. Celui d’Alessandro s’orne de dentelle. Tous deux ont les cheveux longs. Tous deux portent une bague à la main gauche. Tous deux sont assis derrière une table recouverte du même tapis rouge damasquiné vu précédemment. Sur celle-ci, plusieurs volumes empilés. Ils permettent d’identifier leur curiosité, leurs intérêts historiques, littéraires et juridiques : un recueil de poèmes… deux ouvrages de droit canonique et de droit civil (lire le détail dans le catalogue). Les deux frères sont encadrés par des tentures symétriques dont le damas rouge bordé d’une passementerie dorée s’harmonise avec le tapis de la table. Remarquons la précision ornementale de la guitare dont joue Alessandro : « la touche d’ébène est marquetée de petits paysages en ivoire tandis que la table d’harmonie à la bordure imitant la dentelle présente des motifs phytomorphes stylisés et une ouverture ornée d’un motif en étoile. » (ibidem) Bonifacio s’apprête à saisir, de sa main droite, un luth-théorbe posé à l’envers sur la table. Son bras et sa main gauche reposent sur l’accoudoir du fauteuil. Regarde-t-il son frère ? Les visages nous semblent, ici, moins souriants, plus fermés.


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Académie musicale d’Alessandro Agliardi (1636-1692) et Bonifacio Agliardi (1635-1710), Evaristo Baschenis, Huile sur toile, 115 x 162 cm, Signature sur le pied du fauteuil à droite : « EVARISTVS/BASCHENIS/BERGOMI/P. », Italie © Collection particulière - (photo JMB)

L’exposition permet également d’admirer une série d’instruments de musique anciens issus de la collection de Giovanni Accornero, originaire de Lugano. Comme une nature morte recréée à l’inspiration des toiles d’Evaristo Baschenis. Nous dirions de nos jours, une reconstitution en trois dimensions ! Les pièces sont présentées sur un tapis de laine nouée à la main, analogue à celui utilisé au XVIIe siècle par Baschenis. Sa palette de tons rouge orangé fait ressortir le bois des instruments. Instruments d’époque produits entre Ancône et Venise. Une épinette (1560, Brescia), premier instrument de la production de Graziado Antegnati (1523/25-vers 1590) selon l’inscription sur le clavier. Sur celle-ci une partition d’époque du madrigal de Roland de Lassus (1532-1594, célèbre compositeur flamand ayant mis en musique des vers du Chansonnier de Pétrarque.) Un théorbe romain ou chitarrone (1622, Ancône) aux dimensions imposantes, du luthier allemand Giovanni Tesler (actif entre 1600-1650). Une guitare à cinq chœurs (1639, Venise) de Giorgio Sellas (vers 1585-1649) dite guitare à l’espagnole. Arrêtons-nous sur cet instrument dont la richesse décorative ne peut que nous impressionner ! Préciosité des matériaux comme l’ivoire, la nacre et l’ébène… préciosité de la marqueterie… préciosité de l’intérieur de la rosace. Une guitare présentant des similitudes avec l’instrument utilisé par Alessandro sur la toile vue précédemment. Un violon (1668, Crémone) de Nicolo Amati (1596-1684) dont on dit qu’il est un des concurrents d’Antonio Giacomo Stradivari, dit « Stradivarius » (1644-1737). Enfin sur le devant de la composition une petite mandoline à quatre chœurs (seconde moitié du XVIIème siècle, Rome) attribuée à Giacomo Ertel (vers 1646-1711). Sans oublier des livres, des pommes ! Nous renvoyons notre lecteur au catalogue quant aux explications concernant chacun de ces instruments.


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Graziadio Antegnati (1523/1525 ~ vers 1590), Épinette, Brescia, 1560, 1519 x 509 x H 194,5 mm, Lugano, collection Giovanni Accornero --- Giorgio Sellas (Vers 1585 ~ 1649), Guitare à cinq chœurs, Venise, 1639, 960 x 196 x 96 mm, Lugano, collection Giovanni Accornero --- Giovanni Tesler (Actif à Ancône en 1600 ~ 1650), Chitarrone (théorbe romain), Ancône, 1622, 1995 x 393 x 145 mm, Lugano, collection Giovanni Accornero --- Nicolò Amati (1596 ~ 1684), Violon, Crémone, 1668, 580 x 160 x 200 mm, Lugano, collection Giovanni Accornero --- Giacomo Ertel, attribué à (Vers 1646 ~ 1711), Mandoline à quatre chœurs, Rome, seconde moitié du XVIIe siècle, 505 x 129 x 70 mm, Lugano, collection Giovanni Accornero --- Tapis « Lotto », Ushak (Anatolie occidentale), Première moitié du XVIIe siècle, Laine nouée à la main, 181 x 133 cm, Milan, Galleria Moshe Tabibnia, inv. 132902 © (voir ci-contre) – (photo JMB)

Fin de la visite ? Certes. Nous ne découvrons pas de nouvelles œuvres de Baschenis mais nous pouvons, tout à loisir, contempler à nouveau chacune des toiles exposées, en découvrir (ou redécouvrir !) les détails ! Nos sens sont convoqués : bien évidemment la vue (la virtuosité du rendu de la matière, la somptuosité du clair-obscur, les ombres portées tons sur tons)… le toucher (la poussière, la texture des bois et des textiles)… l’odorat (les fleurs ici ou là). L’ouïe sans doute puisqu’il s’agit d’instruments de musique mais (seul petit bémol) nous aurions aimé un fond musical pour nous accompagner !

Presque un siècle après sa redécouverte, après les expositions de Bergame (Accademia Carrara, 1996) puis de New-York (Metropolitan Museum of Art, 2000), Evaristo Baschenis est présenté pour la première fois au public français au travers de ce groupe restreint d’œuvres. Dans une exposition à la scénographie élégante et sobre. Une exposition à taille humaine. La chronologie de la cinquantaine d’œuvres aujourd’hui connues reste difficile dans la mesure où, si le peintre signe la plupart de ses œuvres, cette signature n’est précédée d’aucune date. Parfois il est possible de la dater grâce à un livre posé avec ceux-ci. Ne nous méprenons pas, ici il ne s’agit pas de « natures mortes aux instruments de musique » mais plus volontiers de véritables portraits d’instrument de musique croqués sur le vif ! Ce sont des sujets à part entière.

La galerie propose un catalogue très complet dont la vente doit servir à financer la restauration de l’un des tableaux exposés. Il palie au manque d’études publiées en français sur l’art d’Evaristo Baschenis. Il s’agit bien plus qu’un catalogue : une invitation à découvrir cet artiste, son succès auprès d’une clientèle d’amateurs d’art, plus particulièrement de la musique, tant dans la région de Bergame que dans la péninsule italienne.

Nous avons pleinement savouré le calme de cette galerie qui nous a permis de nous plonger dans le XVIIème siècle italien. Remercions Maurizio Canesso et son équipe de nous avoir offert cette belle découverte ! Et laissons le mot de conclusion à notre hôte : « devant ces natures mortes d’instruments de musique nous sommes fascinés par la stupéfiante habileté de l’artiste à faire émerger un monde merveilleux, fait d’objet messi in posa -mis en pose-, juxtaposés ou superposés en hardis raccourcis. » (in catalogue).



Publié le 02 déc. 2022 par Jeanne-Marie BOESCH