Madame de Maintenon. Dans les allées du pouvoir.

Madame de Maintenon. Dans les allées du pouvoir. ©Château de Versailles, Dist. RMN - Grand Palais
Afficher les détails

Madame de Maintenon. Dans les allées du pouvoir.


Femme de roi, jamais reine!


En ce printemps 2019, Versailles se met à l’heure des femmes ! Pour être dans l’air du temps ? Que nenni ! De nouvelles salles à découvrir avec la réouverture du Grand Appartement de la Reine qui retrouve tout son éclat. Le décor de la chambre conserve le souvenir des trois reines qui y ont vécu. A gauche de l’alcôve, la petite porte qui permit à Marie-Antoinette (1755-1793) de fuir lors de l’invasion du château par les émeutiers, le 6 octobre 1789. N’oublions pas que les Grands Appartements des souverains sont des lieux de vie officielle et publique. Ouverts à tous les visiteurs dès la création du château, toutes les obligations du couple royal s’y déroulent ! L’épouse de Louis XV (1710-1774) est à l’honneur grâce à l’exposition « Le goût de Marie Leszczynska » (1703-1768) qui nous offre l’opportunité de mieux connaître cette femme curieuse de son temps, généreuse et discrète. Voilà pour les épouses royales et reines de France !

15 avril 2019. A l’occasion du tricentenaire de sa mort, Françoise d’Aubigné (née en novembre 1635) plus connue sous le nom de Madame de Maintenon retrouve son appartement au 1er étage du corps central du château de Versailles. Elle l’occupe de 1685 à 1715. Une soixantaine d’œuvres (tableaux, gravures, sculptures, livres, médailles,…) y sont exposées et permettent de découvrir une femme qui eut une vie hors du commun ! Petite-fille de l’écrivain calviniste Agrippa d’Aubigné (1552-1630), née à la prison de Niort (son père y est emprisonné pour dettes), réduite à la mendicité dans les rues de La Rochelle, épouse de l’écrivain Paul Scarron (1610-1660), elle animera un salon littéraire avant de devenir la gouvernante des enfants illégitimes du roi et de Françoise Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, marquise de Montespan (1640-1707). Par sa discrétion, elle attire l’attention de Louis XIV (1638-1715) qui l’épouse en secret en 1683.

Les quatre pièces en enfilade de cet appartement versaillais ont inspiré la scénographie de l’exposition qui s’organise en six sections. La manufacture de soieries Tassinari et Châtel (fondée à Lyon par Louis XIV) restitue les tentures murales selon les indications figurants dans l’inventaire du Garde-Meuble de la Couronne (1708) : une alternance de lés de différentes couleurs (essentiellement damas et taffetas dans divers tons de rouge et d’or ou de vert, richement ornés) en reproduisant la disposition de l’époque. A savoir, du centre des murs vers leur extrémité.

Entrons dans la première antichambre. Cette section est placée sous le signe de « La Belle Indienne ». Ce surnom est dû aux six années durant lesquelles Françoise vécut, avec sa famille, en Martinique. De retour en France, devenue orpheline, sa marraine la place au couvent des Ursulines de Niort. Elle s’y convertira au catholicisme. A 16 ans, elle rencontre le poète Scarron. Infirme, voire repoussant, il est cependant plein d’esprit ! Il propose à Françoise soit de la doter pour entrer au couvent soit de l’épouser. Elle choisit cette dernière alternative comme le confirme le contrat de mariage, document manuscrit en date du 4 avril 1652 (Minutes du notaire Pierre de Rivière). Mariés sous le régime de la communauté des biens, le poète assure à son épouse un douaire de mille livres.

Sont également présentés deux autres documents : son acte de baptême daté du 28 novembre 1638 (conservé dans les registres paroissiaux de N-D de Niort) ainsi que l’inventaire après décès de Paul Scarron, du 12 octobre 1660 (Minutes du notaire Pierre de Rivière). Il précise le lieu d’habitation du couple : « à Paris rue Neuve Saint-Louis paroisse Saint-Gervais ». Il y est également fait mention de divers tableaux ainsi que d’une bibliothèque richement garnie. Par contre, « Le Ravissement de saint-Paul » (1650), huile sur toile commandée, au début de l’année 1646, à Nicolas Poussin (1594-1665) n’y figure pas. Françoise le retrouvera plus tard à Versailles, Louis XIV l’ayant racheté en 1665. Admirons l’équilibre des formes et l’harmonie des coloris : trois anges aux grandes ailes enlèvent le saint. Le groupe s’élève dans la nuée alors que restent au sol, une épée et un livre symbolisant les attributs terrestres de Paul, soldat romain et auteur des nombreuses épitres. Notre œil se focalise sur le drapé de son manteau rouge mis en valeur par le soyeux du jaune d’or et du bleu profond des vêtements de deux anges.


maintenon
Le Ravissement de Saint Paul (1649-1650) – Nicolas Poussin – Huile sur toile, peinte pour Paul Scarron – Sujet tiré de la 2ème Epître de Saint Paul aux Corinthiens (chapitre 12) © Musée du Louvre, aile Richelieu, 2ème étage, salle 14

Plusieurs portraits présentent son entourage : Ninon de Lenclos (1620-1705), la marquise de Sévigné (1626-1696) ou la marquise de Montespan qui « apparait dans toute sa beauté au moment où elle accomplissait ses premiers pas à la cour comme demoiselle d’honneur de la reine Marie-Thérèse » (in catalogue). Plus curieux ce « Portrait présumé de Françoise d’Aubigné » attribué au marquis de Villarceaux (1619-1691) : une femme assise, le pied droit posé sur un tabouret, enveloppée dans un drapé qui laisse apparaître un sein nu, regarde le spectateur. Dans l’ombre, à gauche, l’amour tient une flèche dans une main alors qu’en bas à droite, un chien (symbole de fidélité) nous tourne le dos. D’aucuns ont vu dans cette scène le dédain affiché par Françoise pour celui qu’on prétendait son amant et auteur de la toile.

La seconde section est consacrée à « La Gouvernante des enfants royaux ». Alors qu’elle est veuve depuis 1660, Françoise fait la connaissance de la marquise de Montespan, favorite royale en titre. Le choix de cette veuve respectable, discrète et dévote s’impose comme gouvernante des bâtards royaux, nés entre 1669 et 1673. Dans un premier temps elle assure leur éducation loin de la cour. Le peintre Pierre Mignard (1612-1695) représente « Françoise Scarron avec les deux premiers enfants du Roi et de Mme de Montespan » : cette huile sur toile date probablement du moment où le roi légitime ses enfants adultérins (décembre 1673). Françoise est représentée en Vierge Marie, radieuse, tenant dans ses bras le comte de Vexin (Jésus) avec à ses côtés le duc du Maine (Jean-Baptiste) qui tient un agneau sur ses genoux, une houlette dans la main droite. Le drapé bleu de son manteau est éclairé par le rouge de sa robe. Autre portrait tout en émotion : « Louise-Marie-Anne de Bourbon, dite Melle de Tours », sixième enfant illégitime du roi. Née en 1674, elle meurt en 1681. Malgré la douceur qui se dégage du regard enfantin, plusieurs signes iconographiques évoquent cette mort : la montre posée sur la table marque le temps qui passe… une coquille Saint-Jacques remplie d’eau savonneuse dans une main et une bulle de savon dans l’autre symbolisent la brièveté de la vie ou le perroquet, seule touche de vert dans les coussins rouges, qui, lui, figure la rédemption.


maintenon
Françoise Scarron avec les deux premiers enfants du Roi et de Mme de Montespan, XVIIème siècle – Pierre Mignard – Huile sur toile © Château de Maintenon

Trois portraits (entre 1660 et 1675) présentent le visage de la marquise. Elle y est quasiment coiffée à l’identique : cheveux, séparés par une raie, remontés sur la nuque en chignon, des perles agrémentant cette coiffure. Collier et boucles d’oreilles également de perle sont la preuve d’un rang social honorable. Le visage est tout en rondeur avec un petit double menton et un nez légèrement relevé. Le portrait en robe bleue et étole orangée est celui qui figure sur la jaquette du catalogue.

En 1674, Françoise reçoit une importante gratification. Il est possible que le roi ait voulu la récompenser pour son dévouement auprès de ses enfants. Grâce à cette somme, elle achète les terres et le château de Maintenon ainsi que l’indique l’acte d’achat qui est présenté (Minutes du notaire Philippe Lemoyne). L’affaire est conclue en janvier 1675 et Françoise prend désormais le nom de Mme de Maintenon. Le roi fera en sorte d’agrandir et d’embellir le domaine dont sont présentées deux estampes : l’une du côté de l’entrée, l’autre du côté du jardin. Louis XIV y séjourna brièvement en juillet 1686 afin de suivre les travaux destinés à faire arriver l’eau de l’Eure à Versailles. Faisant partie du Canal de l’Eure, cet ouvrage d’art est resté inachevé suite à l’entrée en guerre de la France contre la Ligue d’Augsbourg en 1689. (Nota bene : il subsiste une partie des arcades, parfois écroulées et noyées dans la végétation, vestiges dont nous pouvons admirer quelques éléments en visitant le parc du château.) Pour la dédommager des désagréments occasionnés par les travaux, le roi lui octroie le titre de marquise.


maintenon
Le Château de Maintenon, vu des jardins © Château de Maintenon, 2A Place Aristide Briand, 28130 MAINTENON – photo : JMB


maintenon
Les vestiges de l’aqueduc au fond des jardins © Château de Maintenon, 2A Place Aristide Briand, 28130 MAINTENON – photo : JMB

La troisième salle est dédiée à « Madame de Maintenant ». Ecoutons Mme de Sévigné expliquer à sa fille, Mme de Grignan (1646-1705), en septembre 1680, le pourquoi de ce sobriquet : « Je ne sais auquel des courtisans la langue a fourché le premier ; ils appellent tout bas Madame de Maintenon Madame de Maintenant ». La Cour avait-elle perçu l’intimité de ses relations avec le roi ? A l’entrée de cette section, un buste de « Louis de France, dit Monseigneur, Dauphin de France » (vers 1678/79) dû à Antoine Coysevox (1640-1679). Françoise avait été nommée seconde dame d’atour de la nouvelle dauphine en 1680 ce qui lui avait permis d’obtenir un appartement lié à sa fonction. Remarquons la présence d’une « Carte de la France » (1684) : il s’agit d’un plateau de table en marqueterie de pierres dures et marbre. Egalement le portrait en relief (vers 1700 ; cire d’abeille peinte, cheveux humains, dentelle, soie et velours) de Louis XIV (deux pièces vues lors de précédentes expositions versaillaises ; voir nos chroniques).

La mort de la reine Marie-Thérèse, le 30 juillet 1683, ouvre de nouvelles perspectives à Françoise d’Aubigné. L’avenir dynastique étant assuré, le roi peut désormais se remarier à son gré. Il épouse alors la femme dont il est épris ! Point de preuve formelle de ce mariage mais une date est communément admise : la nuit du 9 au 10 octobre 1683. Les noces sont peut-être célébrées par « François d’Aix de La Chaise, dit le Père de la Chaise » (1624-1709) dont nous voyons un portrait. Une page ouverte d’un « Petit livre secret » présente l’écriture de la marquise qui recopie une lettre de l’un de ses directeurs spirituels, Godot des Marais. Elle y écrit : « (…) Dieu a fait mention du lien qui vous unit, soiés seulement attentive à ne pas vous rebuter et à ne pas le rebuter. Il a besoin de vous et nous avons grand besoin de luy (…) ».

Par ce mariage, elle entre, par la petite porte, dans la famille royale dont plusieurs portraits sont présentés : « Philippe de France, duc d’Orléans » (attribué à Michel Corneille le Jeune, 1642-1708) peint en chef de guerre (grand cordon bleu barrant l’armure, bâton de commandement et heaume à plumet rouge) et « Elisabeth-Charlotte de Bavière, duchesse d’Orléans » (Nicolas de Largillière, 1656-1746) vêtue du grand manteau d’hermine, les armes mêlées de France et Bavière à ses côtés. Sont également exposés plusieurs tableaux qui ornaient cet appartement. De grandes dimensions, ils ont trait à la mythologie. Ainsi « Apollon et Téthys » (vers 1700) de Jean Jouvenet (1644-1717) : au crépuscule (une femme de dos déploie le ciel étoilé), le dieu solaire arrive pour se reposer auprès de la déesse de la mer dont on admire les tons du bleu de son vêtement.


maintenon
Philippe de France, duc d’Orléans et frère de Louis XIV, portant une armure à fleur-de-lys, XVIIème siècle – Michel Corneille l’Aîné, attribué à Michel Corneille le Jeune – Huile sur toile – Appartement de Madame de Maintenon, Corps central, Château de Versailles © Château de Versailles, Dist. RMN – Grand Palais / Christophe Fouin


maintenon
Apollon et Téthys, vers 1687-1688 – Jean Jouvenet – Huile sur toile – Appartement de Madame de Maintenon, Corps central, Château de Versailles © Château de Versailles, Dist. RMN – Grand Palais / Christophe Fouin

La quatrième section est consacrée à « La presque reine de Versailles ». De par ce mariage morganatique, Mme de Maintenon doit demeurer une reine de l’ombre bien que personne à la cour n’ait été dupe de ce secret. Elle est néanmoins respectée comme si elle était la nouvelle reine ! A nouveau divers portraits de son entourage. « Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau » (1702) par Hyacinthe Rigaud (1659-1743) en costume de grand maître des ordres réunis de Notre-Dame du Mont Carmel et de Saint Lazare de Jérusalem (rendu spectaculaire des tissus bleu et vert rebrodés d’or… minutie de la perruque ou du jabot de dentelle… visage jovial du personnage…). « François de Salignac de La Mothe-Fénelon » (1651- 1715) peint par Joseph Vivien (1657-1734) ou encore celui de « Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne » (attribué à Pierre Gober, 1662-1744) qu’elle connut au moment de l’arrivée de cette dernière à Versailles. La nouvelle dauphine est une jeune fille âgée d’une douzaine d’années vêtue d’une robe couleur argent et d’un manteau bleu fleurdelisé. Elle tient à la main un petit bouquet de fleurs jaunes. Une eau-forte (1696) montre la marquise à l’église. Richement vêtue, coiffée à la fontange et tient un livre de prière à la main. Le décor (la chaire ornée de lys, la fenêtre à imposte à motifs rayonnant ou encore le dallage) évoque l’ancienne chapelle royale détruite en 1711 afin de permettre l’achèvement de l’aile nord du château.


maintenon
Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, 1702 – Hyacinthe Rigaud – Huile sur toile – Appartement de Madame de Maintenon, Corps central, Château de Versailles © Château de Versailles, Dist. RMN – Grand Palais / Christophe Fouin

Une pause pour admirer une curiosité : « Les Sept Psaumes de la Pénitence » par Nicolas Lesgret de L’Espée (1704). Il s’agit d’un cadeau en remerciement des « bontés » que la marquise lui a prodiguées. « À la manière d’un jardinier de l’école de le Nôtre, Lesgret forme des figures géométriques où la recherche de l’équilibre et de la symétrie prime avant tout, tout en conservant une parfaite lisibilité du texte. Le texte original devient une forme abstraite, évoquant le cheminement spirituel du lecteur » (in catalogue). La page est ouverte au psaume 50 mais une vidéo montre l’ensemble des pages de ce psautier.


maintenon
Psaume 50 (Regrets et prières de David, quand le prophète Nathan lui reprocha, de la part de Dieu, le double crime qu'il avait commis à l'occasion de Bethsabée.), in Les Sept Psaumes de la Pénitence – Nicolas Lesgret de L’Espée – En forme de calligramme © Château de Versailles, Dist. RMN – Grand Palais / Photo : JMB

La cinquième section aborde « L’institutrice ». Mme de Maintenon se lance dans les œuvres de charité sans doute fortement marquée par son enfance difficile. Elle s’attache à deux religieuses ursulines, Mesdames de Brinon et de Saint-Pierre, installées à Montmorency (fin des années 1680) pour y instruire des jeunes filles. Satisfaite de l’enseignement qu’elles dispensent, elle leur envoie des subsides puis les fait loger à Rueil en 1682. En 1684, le pensionnat déménage pour le château de Noisy (dans le parc de Versailles) avant de s’installer définitivement à Saint-Cyr (juillet 1686). Passionnée d’éducation, elle y fonde la Maison Royale de Saint-Louis (future école militaire). Deux gravures aquarellées montrent une « Vue générale de la maison des Dames de Saint-Cyr, proche de Versailles » (plusieurs corps de logis autour de grandes cours, une chapelle) et « La Maison de Saint-Cyr » (on y voit les jeunes pensionnaires vêtues de bleu vaquer à diverses occupations). Sur une gravure, l’uniforme d’une « Demoiselle de saint-Cyr» qui comporte un ruban de couleur (ici rouge) permettant de distinguer le niveau d’étude de chacune.


maintenon
Vue générale de l’entrée de la maison des Dames de Saint-Cyr, proche de Versailles, XVIIème siècles – Pierre Aveline l’Ancien (graveur) – Estampe – Appartement de Madame de Maintenon, Château de Versailles © Château de Versailles, Dist. RMN – Grand Palais / Christophe Fouin


maintenon
Demoiselle de Saint-Cyr, de première ou deuxième classe, XVIIème siècle – Pierre Duflos (graveur) – Eau-forte, en couleurs – Appartement de Madame de Maintenon, Corps central, Château de Versailles © Château de Versailles, Dist. RMN – Grand Palais / Christophe Fouin

Dans les vitrines, divers écrits dont certains de la main de Mme de Maintenon. « Règles pour l’Education des Demoiselles de Saint-Cyr », ouvrage relié qui contient une mention autographe. Rappelons que le projet de Mme de Maintenon était d’accueillir toutes les jeunes filles pauvres de la noblesse militaire. C’est la première véritable institution de ce type. Elles y étaient pensionnaires pendant treize ans. Un véritable programme éducatif (dans le sens actuel du mot) y est développé : enseignement de la langue et de la littérature française, de l’art de la conversation, de la musique sans oublier les travaux d’aiguilles et les principes pour tenir une maison. Novateur aussi dans la mesure où la méthode pédagogique se fonde sur un enseignement mutuel et l’émulation. Les punitions étaient rares mais en rapport avec le manquement à la discipline !

Un recueil de lettres et billets. Celui présenté est ouvert à une page où Louis XIV s’adresse à son épouse : « je croy que je pourrai aller à complie à Saint-Cyr, si vous l’approuvez, et revenir après avec vous en nous promenant (…) ». Une lettre qu’elle adresse le 8 mars 1712 à l’évêque de Chartres, durant cette année appelée « année des quatre dauphins » (décès d’une partie de la descendance du roi qui fera de son arrière-petit-fils, un enfant de cinq ans, le futur Louis XV). On peut y lire au-dessus de la signature (simplement « Maintenon ») : « Nos jeunes princes se meurent ». Au mur, deux huiles sur toile de grandes dimensions sans doute conçues comme des pendants : offerts par le roi, elles sont destinées à être accrochées dans la salle de la Communauté. Un portrait de « Louis XIV » en costume royal désignant de sa main gauche le plan des bâtiments (édifiés par Jules Hardouin-Mansart, 1646-1708) et « Madame de Maintenon et sa nièce » (Louis, dit Ferdinand, Elle, 1612-1689). Elle est représentée en pied, assise sur un fauteuil vêtue d’une grande robe noire éclairée de dentelle blanche. Elle tient de la main gauche le bras de sa nièce qu’elle a élevée. Dans sa main droite une rose presque fanée, parmi d’autres roses et fleurs d’oranger mêlées et posées sur un coussin de velours bleu. En arrière-plan, on aperçoit les bâtiments de la maison de Saint-Cyr.


maintenon
Madame de Maintenon et sa nièce, vers 1689 – Louis Elle – Huile sur toile – Appartement de Madame de Maintenon, Corps central, Château de Versailles © Château de Versailles, Dist. RMN – Grand Palais / Christophe Fouin

Autre document manuscrit présenté : l’ « Acte de sépulture du 17 avril 1719 » (archives départementales des Yvelines). Mme de Maintenon quitte Versailles avant le mort du roi (dimanche 1er septembre 1715) non pour s’établir dans son domaine où elle avait cessé d’aller depuis 1688 mais pour vivre à Saint-Cyr dont elle était si fière ! Elle met ainsi volontairement fin à sa vie d’épouse royale. Elle s’éteint en fin d’après-midi dans son appartement où elle a vécu durant presque quatre années. C’est l’évêque de Chartres, Charles-François Moutiers de Mérinville, qui prononce son éloge funèbre.

L’ultime section a pour objet « Madame de Maintenon et sa légende ». Elle suscite beaucoup d’intérêt de son vivant même ainsi qu’on peut le lire dans la correspondance de Mme de Sévigné qui nous permet de suivre son « ascension » au jour le jour ! Egalement dans celle de Madame Palatine (Charlotte-Elisabeth de Bavière, épouse du duc d’Orléans) qui la détestait !

Point indifférente au talent de Jean Racine (1612-1695), Mme de Maintenon lui demande de composer deux tragédies à l’antique et mises en musique. Sont accrochées aux murs, deux toiles postérieures à cette époque : Edouard Pingret (1785-1869) peint « Racine faisant répéter Esther aux demoiselles de Saint-Cyr » et Julie Philipault (1780-1834) « Racine lisant Athalie devant Louis XIV et Mme de Maintenon ». De même, les visiteurs étrangers cherchent à la rencontrer. Ainsi en est-il du tsar Pierre Ier le Grand lors de sa visite en France en 1717. Visite que relate la marquise dans sa correspondance et qui inspirera plus tard la peintre Thérèse de Champ-Roussel (1861-1921) : regard impérial du tsar qui écarte le rideau du lit dans lequel est allongée une Mme de Maintenon figée, comme insensible à cette prestigieuse visite ! Autre tableau rétrospectif : « Le camp de Compiègne » (Raymond Fournier-Sarlovèze, 1836-1916) qui illustre un récit de Saint-Simon et fait pendant à la gravure (Almanach pour l‘année 1699) exposée dans une salle précédente. Il y note l’importance de la place que tient la marquise qui fut, à cette occasion, traitée quasiment comme une reine : elle est assise dans une chaise à porteur et le roi, debout à ses côtés, s’adresse à elle.

Un mot encore sur le médaillon représentant « Mme de Maintenon en sainte Françoise Romaine ». Il reprend le portait peint par Mignard (vers 1694) exposé dans la troisième section. Elle est vêtue d’un manteau de velours bleu foncé, bordé d’hermine et semé de petites fleurs d’or. La robe est de brocart d’or tirant sur les tons de brun. Ce médaillon aurait appartenu au roi qui, dit-on, l’aurait toujours porté sur lui ! Ce bijou (acheté par la famille de Noailles en 1920) est entouré de différents documents certifiant son authenticité.

Réparons un oubli : au cours de notre visite nous avons traversé un couloir où sont installés un banc et un écran. Le personnage de Mme de Maintenon suscite un intérêt renouvelé depuis la publication, en 1981, de « L’allée du Roi » par Françoise Chandernagor. Sont ici évoquées diverses apparitions cinématographiques ou télévisuelles à commencer par le film de Sacha Guitry, « Si Versailles m’était conté » (décembre 1953) pour finir par la série franco-canadienne « Versailles » (novembre 2015- décembre 2018).

Pendant plus d’une trentaine d’années, Louis XIV se rend quotidiennement dans cet appartement où il a ses habitudes, y travaillant et y recevant certains ministres. Cette suite de petites pièces au décor raffiné est devenue, pour la Cour, un endroit stratégique malgré la discrétion de leur occupante.



Publié le 08 mai 2019 par Jeanne-Marie Boesch