Le goût de Marie Leszczynska

Le goût de Marie Leszczynska ©Château de Versailles
Afficher les détails

Une reine discrète et méconnue.


Dans notre chronique datée du 8 mai 2019, nous évoquions l’exposition consacrée à l’épouse morganatique de Louis XIV, Madame de Maintenon. Plus confidentiellement, le château de Versailles offre également la possibilité de découvrir la personnalité d’une des reines de France sans doute la moins connue de notre Histoire : Marie Leszczynska (1703-1768), épouse de Louis XV (1710-1774). L’exposition est présentée dans les appartements de la Dauphine qui rouvrent à cette occasion. Néanmoins, ce dernier ne présente pas son aménagement historique : il ne sera remeublé qu’après la restauration de l’appartement contigu du Dauphin (courant 2020). Y sont présentées une cinquantaine d’œuvres, tableaux, décors et porcelaines, appartenant, pour l’essentiel, aux collections du château de Versailles. Sans compter des acquisitions récentes de première importance.

Mais qui est cette reine souvent qualifiée de « reine polonaise » ? Avant d’entrer au cœur de l’exposition, un arbre généalogique accueille le visiteur. Il permet de comprendre qui est cette jeune femme de vingt-deux ans qui épouse Louis XV, à Fontainebleau, le 5 septembre 1725. Princesse polonaise (née à Trzebnica le 23 juin 1703) parce que fille de Catherine Opalinska (1680-1747) et de Stanislas Ier (1677-1766), roi déchu de Pologne (1704-1709 et 1733-1736) et par la suite, souverain des duchés de Bar et de Lorraine. Il s’établit en 1738 à Nancy et au château de Lunéville. Marie a passé son enfance d’abord en Allemagne puis en Alsace, à Wissembourg. La réputation, même passée, de son père lui permet de prétendre à un mariage avec un grand personnage issu des cours princières d’Europe. Après plusieurs déconvenues… après la disparition du Régent Philippe d’Orléans (1674-1723) qui fait craindre un moment que la couronne ne passe au fils de celui-ci… après la rupture des fiançailles du jeune roi (âgé de treize ans) d’avec l’infante d’Espagne (âgée de sept ans et qui est renvoyée avec ses poupées), c’est une union avec le roi lui-même qui s’offre à elle ! Et c’est ainsi qu’elle va passer quarante-deux ans au château de Versailles ce qui fera d’elle la reine y ayant vécu le plus longtemps. Elle y affirme ses goûts en aménageant les appartements officiels et privés, passant commande à de nombreux artistes.

Après la découverte de son arbre généalogique, entrons dans la première salle. Très lumineuse, elle permet de faire connaissance avec les enfants royaux dont divers peintres de renom exécutèrent le portrait. Tels Jean-Marc Nattier (1685-1766), Pierre Gobert (1662-1744) ou Alexis-Simon Belle (1674-1734). Mais d’abord, le portrait (1727) de « Stanislas Ier Leszczynski, roi de Pologne » dû à Jean-Baptiste Van Loo (1684-1745). Le roi est fièrement campé dans son armure d’apparat barrée du cordon bleu de l’ordre du Saint-Esprit, épée dans sa main gauche et casque empanaché de plumes blanches aux côtés. Puis, celui de son épouse Catherine Opalinska, peinte devant une balustrade et un grand rideau rouge qui met en valeur sa robe dorée. Elle tient de sa main gauche de petites branches de fleurs. Autre portait d’un auteur anonyme : Louis XV. Campé dans un intérieur palatial, sa longue chevelure bouclée tombe sur ses épaules. Il porte le collier de l’ordre du Saint-Esprit, l’imposant manteau de sacre fleurdelisé bordé d’hermine. Le roi pose sa main droite sur une table sur laquelle sont disposés les attributs de son pouvoir : main de justice, sceptre et couronne de Charlemagne.


marie-leszczynska
Louis XV (1710-1774), roi de France – Anonyme, XVIIIème siècle (vers 1728) – Huile sur toile – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot

Entre 1727 et 1737, le couple royal donnera naissance à dix enfants : huit filles dont des jumelles, le Dauphin (né le 4 septembre 1729, mort en 1765) ainsi qu’un second fils qui succombera à la rougeole. Le portrait d’apparat peint vers 1730 par Alexis-Simon Belle représente « Marie Leszczynska, reine de France, et le dauphin Louis Ferdinand ». La reine, assise, porte le grand habit de cour : une robe de fils d’or avec une parure de grand corps (baleiné et rigide avec un large décolleté et un départ de manches bouillonnées) enrichie de diamants. Sa tenue est assortie à l’aigrette sertie de diamants qui orne sa coiffure dont une boucle de cheveux et de perles mêlées descend sur son épaule gauche. Elle est drapée dans un manteau de velours bleu, brodé de lys en fils d’or et d’hermine. Ses joues sont teintées de rose. Elle regarde le visiteur. La reine tient le Dauphin sur ses genoux, le jeune Louis posant sa main dans celle de sa mère. C’est un enfant potelé, pieds nus, vêtu d’une robe et d’un bonnet dont la couleur bleue rappelle celle du cordon qui barre sa poitrine. Lui aussi nous regarde ce qui peut paraître curieux pour le bébé qu’il devait être alors !


marie-leszczynska
Marie Leszczynska, reine de France, et le dauphin Louis Ferdinand (vers 1730) – Alexis-Simon Belle (1674-1734) – Huile sur toile – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

Soucieux des finances du royaume, le cardinal de Fleury (1653-1743), alors Principal ministre, décide, en 1738, que plusieurs des filles du couple royal doivent quitter la cour : les dépenses de leurs maisons respectives coûtent trop cher au royaume ! C’est ainsi que Mesdames Victoire (cinq ans), Sophie (quatre ans), Félicité (deux ans) et Louise (quelques mois) sont envoyées à l’abbaye de Fontevrault. Félicité y meurt. Les aînées, quant à elles, restent à Versailles. En 1747, sur ordre de Louis XV, le directeur des Bâtiments du roi envoie le peintre Nattier à l’abbaye afin de peindre le portrait de ses filles. Ceux-ci font la joie de la souveraine qui ne les avait pas revues depuis leur départ ! Les trois œuvres prennent alors place dans son appartement privé. « Marie Louise Thérèse Victoire de France (1733-1799), dite Madame Victoire » (la cinquième fille du couple) porte une robe brodée d’argent barrée d’une écharpe en soie jaune. Sa chevelure s’orne de pierreries. Sa sœur « Sophie Philippine Elisabeth Justine de France (1734-1782), dite Madame Sophie » est vêtue d’une robe blanche brodée d’or. De sa main droite, elle soulève un léger voile piqué dans ses cheveux. Son buste est barré d’une guirlande de fleurs. Son regard semble se perdre dans le lointain. « Louise Marie de France (1737-1787), dite Madame Louise » est plus jeune. Comme ses sœurs, elle est peinte « en buste ». Elle tient dans sa main droite une corbeille de fleurs et de l’autre un œillet. Elle nous regarde, la tête légèrement inclinée vers la gauche. Dans ce dernier portrait, le peintre a su rendre la fraîcheur de l’enfance.


marie-leszczynska
Marie Louise Thérèse Victoire de France (1733-1799), dite Madame Victoire, 1748 – Jean-Marc Nattier -1685-1766) – Huile sur toile – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

Sont également exposés deux dessus de porte (à double battant) du Grand Cabinet intérieur. Ce sont les portraits, peints par Nattier, de Madame Henriette (1727-1752) dite Mme Seconde en Flore et de Madame Adélaïde (1732-1800) dite Mme Quatrième en Diane. Cette dernière est âgée de treize ans. Figurée de trois-quarts face, elle est adossée contre un arbre et porte tous les attributs du personnage mythologique de Diane : croissant de lune dans sa coiffure, carquois à son côté, arc à la main, flèches. Elle est vêtue d’une chemise blanche ceinturée d’une peau de bête, un drapé rouge sur ses jambes croisées, chaussée de sandales à lanières. Sa sœur, Henriette, est une jeune fille de quinze ans qui nous regarde. Elle est aussi allongée entourée de plantes et tresse une couronne de fleurs. Sa robe blanche est rehaussée d’un drapé bleu.

Dans une vitrine, un nécessaire de voyage (sans doute un présent de Louis XV à son épouse au moment de la naissance du Dauphin) qui comprend des pièces d’orfèvrerie et de porcelaine de Chine ou du Japon. La « Chocolatière et son réchaud à esprit de vin » (Henri-Nicolas Cousinet, ? - vers 1768) est particulièrement raffinée : en vermeil (argent doré), son bec est une tête de chimère. Le pied, indépendant, est formé de trois dauphins semblant sortir d’une touffe de roseaux. Un godet en porcelaine blanche et sa soucoupe. Egalement la pince à sucre. Le sucrier rond, en porcelaine du Japon à décor Kakiemon (dessins à motifs d’oiseaux et de fleurs mettant en valeur la finesse et la blancheur de la porcelaine), a une prise en bronze doré faite de coquillages ciselés. C’est là un objet typique des créations dues aux marchands-merciers parisiens (voir notre chronique publiée le 7 décembre 2018).


marie-leszczynska
Chocolatière et son réchaud à esprit de vin. Pièces du nécessaire offerts à la reine Marie Leszczyńska à l’occasion de la naissance du Dauphin – Henri-Nicolas Cousinet (?-vers 1768), Paris, 1729-1730 – Vermeil © Paris, Musée du Louvre. Don de la Société des amis du Louvre avec le concours de Stavros S. Niarchos, 1955

La salle suivante présente l’aménagement des cabinets de la Reine. Si elle mène une vie réglée par l’étiquette, Marie Leszczynska aspire à vivre en simple particulière. Elle réunit autour d’elle un salon, cercle d’amis fidèles dans ses cabinets privés, échangeant ses idées lors de soupers intimes souvent suivis de parties de jeux. La souveraine se passionne surtout pour la cavagnole (jeu de hasard à tableaux et à boules, similaire au loto). Il lui arrive d’avoir quelques dettes qui sont alors épongées par le roi ! Parmi son cercle, le duc et la duchesse de Luynes, le ministre Maurepas ainsi que Charles Jean-François Hénault (1685-1770) président du Parlement de Paris dont nous pouvons admirer le buste (1768) en terre cuite sur piédouche (petit piédestal mouluré, le plus souvent de section circulaire) en marbre noir, dû à Jean-Jacques Caffieri (1725-1792).


marie-leszczynska
Buste de Charles Jean-François Hénault (1685-1770), (1768) – Jean-Jacques Caffieri (1725-1792) – Terre cuite sur piédouche en marbre noir –Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

La reine joue un rôle réel dans le réaménagement des espaces privés situés à l’arrière de son Grand Appartement. Dans celui-ci, dès 1725, elle souhaite mettre sa chambre au goût du jour en ce qui concerne les décors des fenêtres et les dessus de porte. Ainsi est-il commandé, en 1734, à Jean-François de Troy (1679-1752) « La Gloire des princes s’empare des Enfants de France » où figurent le Dauphin et ses deux sœurs ainées. Le plafond est repeint avec un décor géométrique orné des chiffres entrelacés du couple royal alors que François Boucher (1703-1770) orne les voussures de grisailles représentant les vertus que sont la Prudence, la Piété, la Charité et la Libéralité. Mais c’est dans ses cabinets privés qu’elle se retire plusieurs heures par jour pour méditer, prier, lire, peindre et recevoir son cercle intime. Reine cultivée et polyglotte, elle goûte les occupations de l’esprit mais a une attirance particulière pour la peinture. Une des pièces de son appartement intérieur est aménagée en atelier. Elle est conseillée, entre autres, par Jean-Baptiste Oudry (1686-1755). Ainsi en est-il de la copie fidèle (exposée ici) d’un tableau de ce peintre attribuée au pinceau de la reine : « Une Ferme » (1753). Cette huile sur toile était appelée « L’Agriculture » ou « La France » au XVIIIème siècle. La nature, sous un ciel clair, y est généreuse, la chaumière proprette, les personnages vaquent paisiblement à leurs occupations. L’encadrement en bois doré (dû au sculpteur Philippe Cayeux, 1688-1768) est tout de grâce, d’élégance et participe, avec ses oiseaux sculptés, à cette vision. Autre tableau dû aux pinceaux de la reine : « La Bataille de Fontenoy, le 11 mai 1745 ».


marie-leszczynska
Une ferme (1753) – Jean-Baptiste Oudry – Huile sur toile –Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN-GP (château de Versailles) / Gérard Blot

Oudry livre, en 1749, la série des « Cinq Sens ». Ces œuvres sont destinées à une pièce étroite, sans fenêtre, servant de passage entre le cabinet intérieur de la reine et la salle à manger du roi, celle dite du « Grand Couvert ». Il s’agit de scènes champêtres décrivant une campagne idéalisée : « de jolis paysages avec de petites figures » selon le mot du duc de Luynes dans ses Mémoires. Il faut, en effet, s’approcher de la peinture pour les distinguer ! Notons la fraîcheur des coloris. « Le Toucher » : deux fermières sont occupées à la traite des vaches pendant qu’un paysan tire un âne par la bride tout en le menaçant d’un bâton. Le paysage, en arrière-plan, représente probablement une rivière enjambée par un pont de bois. « L’Ouïe » : deux villageois dansent au son d’une musette. Le joueur est assis, adossé contre un arbre ; des moutons paissent paisiblement au premier plan. « La Vue » : un bonimenteur « fait l’article », son tambour posé à terre. Une femme tient un enfant par la main qui, lui, croque dans une pomme. Elle regarde dans la lanterne magique alors qu’une autre paie son tour ! Pour évoquer « Le Goût », Oudry choisit de peindre la préparation d’un déjeuner de poisson comme en témoignent les filets de pêche qui sèchent suspendus entre les arbres. Une femme arrive, un panier à la main. Les hommes sont occupés à boire ou se servir du vin. La cueillette de fleurs fait référence à « L’Odorat » : un homme et une femme, corbeilles de fleurs en main, semblent proposer celles-ci à une jeune femme mieux vêtue.


marie-leszczynska
Les cinq sens, Un berger jouant de la musette (L’Ouïe), (1749) – Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) – Huile sur toile – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

Sont également exposés deux petits bustes, en faïence blanche à glaçage plombifère représentant le couple royal (vers 1744/60). Admirons un « Vase à rocailles à décor de rubans roses et de bouquets de fleurs peints au naturel » (Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, 1757/58). D’une extrême rareté il est récemment entré dans les collections du château. Il a probablement été offert à la reine par Louis XV au moment des étrennes. « De forme balustre, ce vase repose sur une base polylobée, dotée de coquilles en relief d’un esprit rocaille affirmé et rehaussé sur le pourtour extérieur de peignés d’or. La panse est ornée d’un savant décor de rubans roses, bordés d’un filet d’or, noués entre eux, disposés habillement sur plusieurs registres de tailles décroissantes. Entre les rubans s’inscrivent des bouquets de fleurs (…) la partie supérieure très échancré se termine par deux volutes en forme d’oreilles. » (in Communiqué de presse, « Versailles à l’heure des femmes » publié en avril 2019).


marie-leszczynska
Vase à rocailles à décor de rubans roses et de bouquets de fleurs peints au naturel, (1757-1758) – Manufacture royale de porcelaine de Sèvres – Porcelaine tendre – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

La troisième salle est tendue de rouge. Elle évoque l’attirance de la reine pour la Chine. Dès 1747, elle crée, au cœur de son appartement intérieur, un cabinet oriental tendu de papier peint dit « des Indes ». Un lieu qu’elle appelait son laboratoire. Plus tard, en 1761, elle le fait remplacer par un ensemble de toiles peintes dit « Cabinet des Chinois » (acquisition faite en 2018 auprès de la famille de Noailles, descendante de la dame d’honneur de Marie Leszczynska, qui avait reçu ce legs après le décès de la souveraine le 24 juin 1768). Ce sont les peintres du Cabinet du Roi ainsi que la reine elle-même qui en sont les auteurs. Ces huit huiles sur toile (encastrées dans des lambris) présentent une Chine pittoresque où architecture, costumes et paysages sont peints avec une extrême minutie. La perspective « à vue d’oiseau » s’inspire également de la peinture chinoise. Admirons « Des Chinois préparant le thé », « Des Chinois s’inclinant devant un grand seigneur » ou encore « Des esclaves descendant une barque de marchandises et plusieurs chinois fumant et buvant le thé ». Représentations quelque peu « idéalisées » de la vie chinoise ! « La Foire de la ville de Nankin » montre des badauds, aux vêtements très colorés, se promenant dans une large rue bordée de maisonnettes. Une autre toile « Des Marchands faisant des ballots, un jésuite et un mandarin conversant ensemble » évoque l’évangélisation des Chinois. Ces toiles sont également représentatives de l’esprit curieux de l’aristocratie du XVIIIème qui voyage et se lance à la découverte du monde.

Deux portraits de Marie Leszczynska : au milieu de la salle est accrochée la grande huile sur toile (206 cm x 137 cm) de Simon-Alexis Belle : « Marie Leszczynska, reine de France » (1725). En fait, ce n’est pas la reine qui est peinte ici mais la princesse polonaise ! Elle nous regarde et tient délicatement une brassée de lys (seul rappel à sa future condition !). Derrière elle, un page vêtu à la polonaise, abrité sous une ombrelle, soutient la traine de sa robe de velours bleu. Au premier plan, une levrette. Sur son collier figure l’inscription « je suis à la reine ». C’est d’ailleurs un détail de ce tableau qui sert d’affiche à l’exposition. Le tableau dans son entier avait, quant à lui, été choisi pour l’affiche de l’exposition consacrée à Marie Leszczynska qui s’était tenue en 2013 à Varsovie.

Le second portrait date de 1748 et a été peint par Jean-Marc Nattier. La reine est représentée en « habit de ville », une robe de velours rouge bordée de marte et terminée, aux manches et au décolleté, par de la fine dentelle blanche. Sa tête est couverte d’un bonnet également en dentelle sur lequel est nouée une marmotte (fichu noué sous le menton) en tulle noir. Son bras gauche est posé sur les Saintes Ecritures. Seuls rappels des portraits officiels : le fauteuil orné de fleurs de lys ainsi que les draperies et la colonne en arrière-plan.


marie-leszczynska
Marie Leszczynska, reine de France, (1748) – Jean-Marc Nattier (1685-1766) – Huile sur toile – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

Autre pièce maîtresse présentée dans cette salle : « Le nécessaire de Meissen ». C’est le comte Maurice de Saxe (1696-1750) qui offre, à la souveraine, ce nécessaire à thé et à chocolat, de la part de Frédéric-Auguste II (1696-1763) Grand électeur de Saxe devenu roi de Pologne sous le nom de Auguste III. Ce dernier souhaite apaiser les tensions diplomatiques occasionnées par la guerre de succession de Pologne et la mise à l’écart définitive de Stanislas Leszczynski. A l’origine, il comprenait cinquante-six pièces. En 2017, treize pièces ont été acquises par Versailles. Sont présentés ici : bols à thé et leurs soucoupes, tasses à chocolat également avec leurs soucoupes, une chocolatière… Ces pièces sont ornées des armes, dites d’alliance, de la Reine (armes de France et de Pologne couronnées). Luxe d’un décor abondant et peint en miniature avec de nombreux rehauts d’or. Les décors sont variés : scènes militaire ou maritime… scènes chinoises… Ces pièces rejoignent le grand bol (acquis en 2014). Il avait un usage alors méconnu en France : il permettait de rincer les bols à thé afin d’en éliminer le tanin qui se déposait sur la porcelaine ! Notons que, par la suite, la France suivra l’exemple saxon : à partir de 1758, Louis XV estimera que les productions de la Manufacture royal de Sèvres peuvent désormais faire parties des cadeaux diplomatiques !


marie-leszczynska
Pièces du nécessaire offert en 1737 à la reine Marie Leszczyńska par Auguste III (1696-1763), roi de Pologne et Électeur de Saxe – Manufacture de porcelaine de Meissen, Saxe, 1737 – Porcelaine dure – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

La dernière salle a pour objet la dévotion de la reine et sa participation au courant artistique appelé « à la grecque ». Très pieuse, la reine se confesse quotidiennement, assiste à deux messes par jour. Elle consacre une partie de son temps à la vénération de reliques, dont celle de Saint François-Xavier. Cela même à une période où les jésuites sont expulsés de France. Le Dauphin commande, pour son épouse, à Charles-Antoine Coypel (1694-1752) « La mort de Saint François-Xavier » (1749) : le saint s’éteint sur l’île de Sancian, au large de Canton en 1552. Allongé sur de la paille, le visage plombé, un grand crucifix dans les mains, il expire en levant les yeux vers le ciel. Un ange soutient sa tête… des têtes d’angelots émergents de la nuée au-dessus de lui. « Sainte Piame retirée avec sa mère dans un village de Haute-Égypte » (1747) : les deux femmes sont assises sur le sol, sous une fenêtre. La jeune fille, vêtue de bleu, file de la laine en regardant sa mère, vêtue d’un ample manteau rouge, qui lui fait la lecture. Sur l’étagère, une lampe à l’huile et quelques livres entourent un crucifix. Egalement « Sainte Landrade instruisant les jeunes personnes qui s’étaient mises sous sa conduite » ou une « Nativité » : le clair-obscur suggère l’étable. L’enfant Jésus est assis sur les genoux de Vierge. Vêtue de rose pâle, elle porte un voile bleu. Joseph en arrière-plan a les mains jointes sur son cœur. Le bœuf couché au premier plan regarde l’enfant irradiant de lumière. Marie Lesczynska commande, en 1753, à Joseph Marie Vien (1716-1809) un dessus-de-porte pour son cabinet : « Saint François-Xavier qui débarque à la Chine ». Le saint vient de poser le pied à terre, son bateau présent en arrière-plan. Il est vêtu d’un surplis blanc barré d’une étole dorée, les bras ouverts dans un geste d’action de grâce. Un frère jésuite, vêtu de noir l’accompagne tenant un livre sous son bras droit, s’appuyant de sa main gauche sur une canne. En arrière-plan, vogue une jonque.


marie-leszczynska
Sainte Piame retirée avec sa mère dans un village de Haute-Égypte, (1747) – Charles-Antoine Coypel (1694-1752) – Huile sur toile – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

La reine s’adonne également à la méditation de pieuses lectures. Sa bibliothèque contient de nombreux ouvrages parmi lesquels des récits édifiants. Quelques ouvrages sont présentés dont le onzième tome de l’ « Histoire de l’Eglise gallicane » (1744) que les Pères Pierre-Claude Fontenai (1683-1742) et Pierre Brumoi (1688-1742) avaient été chargés d’en continuer la rédaction. Egalement un « Office de la semaine Sainte en latin et français dédié à la reine pour l’usage de sa maison ».


marie-leszczynska
Onzième tome, Histoire de l’Eglise gallicane, (1744) – Pierre-Claude Fontenai (1683-1742) et Pierre Brumoi (1688-1742) – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles

Généreuse, elle l’est aussi. Elle multiplie les aumônes (bien souvent sur sa cassette personnelle) s’attachant à soulager la misère. Elle visite les églises, protège les hospices et autres fondations charitables. Saint-Cyr recevra régulièrement sa visite, tout comme le carmel de Compiègne. Elle aide le curé de Saint-Sulpice à créer la maison de l’Enfant-Jésus et crée le couvent de la Reine non loin du château (actuel lycée Hoche). François Stiémart (1680-1740) peint « Marie Leszczynska, reine de France, devant la maison royale de Saint-Cyr » (vers 1726) : elle est assise dans un fauteuil fleurdelisé comme le tissu qui recouvre la table sur laquelle sont posés la couronne royale ainsi qu’un livre ouvert. Particularité de la toile : la reine est peinte en costume de religieuse ! Elle porte l’habit de l’ordre de Saint-Augustin, tout de noir éclairé par la blancheur de la guimpe.

A partir des années 1750, un nouveau courant artistique se développe. Il rejette les formes de la rocaille au profit de la simplicité « à l’antique » ainsi que des thèmes puisés dans l’art grec. De fait, à partir des années 1760, la manufacture royale de porcelaine de Sèvres adopte ce nouveau style. Sont présentés ici un vase avec des cygnes et deux vases « à jet d’eau » (1765-1766) en porcelaine tendre. Notons leur forme très architecturée : ils sont façonnés autour d’une colonne tronquée et reposent sur des pieds moulurés. Tous trois sont enrichis de divers ornements : cygnes aux ailes déployées ou dauphin. Les effets de couleurs participent à l’ensemble : le blanc de la porcelaine, le bleu qualifié de « nouveau », le tout avec des rehauts d’or. Le couvent des chanoinesses de Saint-Augustin (cité plus haut) participe à cet engouement pour le goût « à la grecque ». La reine en confie la réalisation au nancéen Richard Mique (1728-1794). Le plan de la chapelle est celui d’une croix grecque inscrite dans un carré avec un portail d’entrée orné d’un péristyle à colonnes ioniques.


marie-leszczynska
Un vase avec des cygnes et deux vases ≪ à jet d’eau ≫, (1765-1766) – Manufacture royale de porcelaine de Sèvres – Porcelaine tendre – Paris, Musée du Louvre, département des Objets d’art © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Martine Beck-Coppola

Arrêtons-nous sur un dernier portrait de la reine. Il est dû à l’école de Nattier, d’après Maurice Quentin de La Tour : « Marie Leszczynska, reine de France » (1747-1748). Agée de quarante-quatre ans, elle est représentée en buste de trois-quarts, assise. Sans fard, elle nous regarde avec bienveillance, un léger sourire aux lèvres. Dans sa main droite, un éventail refermé. Coiffée d’une mantille noire, sa robe, dans les tons de gris et or, est taillée dans une étoffe ruchée enrichie de pompons qui montre le goût raffiné de la souveraine. Au sortir de la salle, une commode en laque du Japon destinée à la chambre de la Dauphine Marie-Thérèse Raphaëlle d’Espagne (1726-1746), épouse du Dauphin Louis-Ferdinand. Ce meuble aux décors de laques et bronzes dorés rend compte du raffinement et de la préciosité du mobilier versaillais.


marie-leszczynska
Marie Leszczynska (1703-1768), reine de France, (1747-1748) – Ecole de Jean-Marc Nattier (1685-1766), d’après Maurice Quentin de La Tour – Huile sur toile – Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles

Notre visite s’achève non sans nous laisser quelques regrets ! Le premier, qui peut paraître anecdotique, concerne la date de fin de la présente exposition ! Au cours de nos recherches, nous avons trouvé pour celle-ci le 21 juillet, puis le 12 septembre voire le 13 décembre 2019. Regardant de plus près le magazine semestriel « Les carnets de Versailles » (n°16, octobre 2019-mars 2020), nous y avons découvert des visites guidées de l’exposition programmées jusqu’au 22 février ! Engageant la conversation avec une surveillante des salles de l’exposition, cette dernière nous a indiqué son ignorance quant au terme de l’exposition sauf à nous expliquer que ce serait concomitant avec la fin du réaménagement des appartements du Dauphin… Et d’ajouter que les travaux dans celui-ci étaient suspendus en cette fin novembre !

Second regret : le peu, voire le manque de publicité faite pour cette exposition. Ce qui la rend, redisons-le, des plus confidentielles ! Pratiquement aucun affichage sur les murs du métro par exemple… publicité quasi inexistante dans la presse… pas de calicot sur la grille du château… Le visiteur de Versailles « tombe » finalement par hasard sur celle-ci lors de ses pérégrinations dans les couloirs du château ! Cependant, un point fort découle de cette remarque : l’exposition est spacieuse, lumineuse. Elle laisse la place et le temps au visiteur de s’imprégner des objets exposés.

Et notre troisième regret n’est-il pas issu des manques exprimés ci-dessus ? L’absence de catalogue ! Cela même si la brochure proposée à l’entrée de l’exposition ainsi que les notices explicatives accrochées auprès des œuvres présentées donnent une idée précise du goût de la protagoniste de l’exposition. Un autre encore ? L’absence d’objets personnels, voire de meubles… En fait, il reste peu de traces des nombreuses années passées par cette grande dame au sien du château de Versailles ! La plupart ont été effacées par les réaménagements effectués sous le règne de Marie-Antoinette.

Si Marie Leszczynska reste dans nos mémoires comme l’épouse trompée de Louis XV (qui lui vouait cependant beaucoup de respect et de tendresse) l’exposition nous permet d’entrevoir une femme qui aimait à mener, dans ses appartements privés, une vie plus calme et moins tournée vers l’apparat. Une femme qui se passionnait pour les arts et qui invita des artistes de renommée tel Farinelli ou un jeune prodige appelé Mozart ! Laissons le mot de la fin à son ami, le président Hénault (qui exerça la charge de surintendant de la Maison de la Reine de 1753 à 1768) : « Marie Leszczynska, fille de Stanislas, roi de Pologne fut (…) une des plus grandes reines qui ait régné, depuis la reine Blanche (…) et la force de ses exemples fit, d’une cour très dissipée, une cour tout occupée de pratiques de la religion, sans en diminuer la gaité ni la majesté ». (in Mémoires publiés en 1854 par son petit-neveu, le baron de Vigan).



Publié le 05 déc. 2019 par Jeanne-Marie BOESCH