Cent portraits pour un siècle. De la cour à la ville sous les règnes de Louis XV et Louis XVI

Cent portraits pour un siècle. De la cour à la ville sous les règnes de Louis XV et Louis XVI ©Louis Jean-Baptiste Etienne Vigée (1758-1820), frère de l'artiste - Elisabeth Louise Vigée Le Brun (1755–1842) - Huile sur toile © CPDHS / Photo: Thierry Ollivier
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Le XVIIIème siècle, le siècle du portrait !

A peine prononçons-nous le mot « Versailles » qu’apparaissent les images du château et la Galerie des Glaces, du parc ses bosquets et ses jeux d’eau. Parfois celles des grandes ou petites Ecuries. Mais qui pense au musée Lambinet ? Nous vous invitons à le découvrir grâce à l’exposition qui s’y tient actuellement. Il s’agit d’un ancien hôtel particulier que l’entrepreneur des Bâtiments du roi Louis XV, Joseph-Barnabé Porchon, fit construire, en 1751, sur l’emplacement de l’ancien étang de Clagny (asséché en 1737). Il est l’œuvre de l’architecte Elie Blanchard. En 1852, un ancien avocat, alors juge au tribunal de Versailles et fils du maire de la ville, Victor Lambinet l’achète. La famille Lambinet était originaire de l’Est de la France et faisait commerce de draps.

Il s’y installe en 1859 avec son fils et sa bru, Nathalie Chevassus. Il n’en utilise qu’une partie, consacrant l’une des ailes comme immeuble de rapport. C’est à Nathalie Lambinet que nous devons la première collection d’œuvres. En 1883, Charles-Joseph Vatel, avocat et historien, oncle de Victor, réalise une importante donation. Notons que, parallèlement, en 1888, la ville de Versailles se dote d’un musée municipal dans l’ancien hôtel des Affaires étrangères et de la Marine.

En 1929, sans héritier après la mort successive de son beau-père, de son mari puis de son fils Pierre, Nathalie Lambinet lègue l’immeuble et ses collections à messieurs Dagincourt et Dénériaz en leur demandant de le transformer en musée. En 1932, la ville décide d’y transférer les œuvres conservées à la bibliothèque municipale et notamment des sculptures de l’artiste versaillais Jean-Antoine Houdon (1741-1828) qui donne temporairement son nom au musée. Le musée et les boiseries du salon doré sont classés monument historique en 1944. Il ferme pour travaux et restructuration entre avril et septembre 2010.

La brochure destinée au visiteur s’intitule « Musée Lambinet. Une maison de collectionneurs. XVIIIème-XIXème siècles ». Les trente-cinq salles, dont certaines ont conservé leurs lambris d’époque, ont été réorganisées en trois départements : celui des beaux-arts (peintures et sculptures du XVIe au XXe siècle), un second consacré aux arts décoratifs (appartement reconstitué évoquant l’atmosphère d’un hôtel particulier du XVIIIème siècle) et enfin un département historique (évocation de la vie de la cité royale et son rôle dans la Révolution). Traversons le petit jardin à la française. Remarquons la façade du bâtiment. Plus particulièrement le fronton sculpté. Il représente une allégorie de l’architecture symbolisée par des putti : deux d’entre eux tiennent un parchemin sur lequel un troisième trace un plan à l’aide d’un compas.

Entrons maintenant dans le musée. Les salles consacrées à l’exposition sont à notre droite. Mais pourquoi cette exposition ? Elle a pour but de mettre en valeur le genre pictural du portrait en France et dans l’Europe du XVIIIème siècle. Elle nous permet de nous faire une idée du succès qu’il rencontra : effigies de la famille royale ou des membres de la cour mais aussi de la bourgeoisie parisienne tout autant que provinciale. « Chacun désire avoir sa propre image afin de témoigner de son assise sociale, de sa réussite ou bien des sentiments qu’il développait pour le destinataire de l’effigie » (in catalogue). En somme, l’équivalent de nos photos d’art actuelles !

Pourquoi dans ce lieu ? D’abord parce que le musée est riche d’une cinquantaine de portraits peints ou dessinés. Ensuite parce ce lieu accueille des personnages illustres ou méconnus dont les portraits ont été rassemblés par le « Conservatoire du Portrait du Dix-Huitième Siècle » (CPDHS) créé il y a une trentaine d’années. Ce dernier s’est donné pour mission de « rassembler la plus large documentation possible sur la société européenne du XVIIIème siècle, sur ses effigies et sur ses portraitistes. A cet effet (il) acquiert les ouvrages dédiés au sujet, avec un effort particulier accordé aux publications anciennes, parfois difficiles à consulter (…). Dans son souhait de documenter le plus grand nombre de portraits du XVIIIème siècle et de réhabiliter certains personnages tombés dans l’anonymat en leur restituant leur prestigieuse ou plus modeste identité, le conservatoire fait œuvre salvatrice et mémorielle. » (in catalogue).

Ainsi les noms des plus grands artistes côtoient ceux des maitres moins célèbres : Louis-Michel Van Loo (1707-1771), Elisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842) ou Joseph-Siffred Duplessis (1725-1802) prennent place aux côtés de Josef Johann Melchior Wyrsch (1732-1798), de la pastelliste britannique Katherine Read (1723-1778) voire d’Alexandre Roslin (1718-1793). Notons une particularité relative aux portraits figurant la famille royale : le souverain et sa famille n’accordent que de rares séances de pose. Mais ils sont pourtant conscients de la nécessité de multiplier leur image (dons destinés aux ambassades, aux princes, cadeaux diplomatiques,…) et donc d’appeler des artistes même de moindre renom. L’administration recourt alors à des copistes du Cabinet du roi et des Menus-Plaisirs.

Retrouvons maintenant ces artistes et leurs modèles. Lors de notre déambulation, nous croiserons la famille royale, la cour, certains grands noms du Paris des Lumières mais aussi le nom de provinciaux inconnus ayant souhaité se faire portraiturer. Nous nous arrêterons sur quelques portraits dont les visages nous ont interpelés… choix tout à fait subjectif mais que nous espérons représentatif de la centaine d’œuvres exposées !

Commençons par saluer « Marie-Thérèse Geoffrin, née Rodet (1699-1777) », d’après Louis Marteau, (vers 1710-1804) et Simon Charles Miger (1736-1820). Son salon reçut la plupart des beaux esprits parisiens et un cénacle d’artistes connus. L’auteur anonyme de cette petite toile peint un modèle âgé, au visage émacié et vieilli. Les cheveux blancs sont emprisonnés dans un bonnet de dentelle de couleur crème et une fanchon (petit fichu noué sous le menton) noir. Elle porte une robe grise très simple. Elle nous regarde, un très léger sourire s’esquisse sur ses lèvres fardées de rouge. La toile est présentée dans son châssis d’origine. Sur le cadre, de forme ovale, une inscription : « Son éloge est dans le cœur de tous ceux qui l’ont connu ».


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Marie-Thérèse Geoffrin, née Rodet (1699-1777). Circa 1777 – D’après Louis MARTEAU (Paris, v. 1710 – Varsovie, 1804) et Simon Charles MIGER (Nemours, 1736 – Paris, 1820) – Huile sur toile. Rentoilée © CPDHS (Conservatoire du Portrait du Dix-Huitième Siècle)

Dirigeons-nous vers une alcôve où deux portraits retiennent notre attention. « L’Apothicaire Antoine-René Poullain (1698-1779)», un pastel dû à Rosalba Carriera (1673-1757). Nous pouvons regretter que ce portrait soit protégé par un verre mais la technique du pastel le nécessite (voir notre chronique en date du 30 juillet 2018). La renommée de la pastelliste n’était plus à faire au point qu’elle fixe les traits de nombreuses personnes dont ceux du jeune souverain. Dans une gamme de ton limitée (des nuances de gris), l’apothicaire est vêtu de façon élégante. La perruque met en valeur son visage « dont les chairs sont transcrites avec délicatesse en modulant avec le doigt les tons de rose et de brun. L’effigie de Poullain n’est pas dépourvue (…) de ces admirables passages de couleur et de sang qui, réunis, (parviennent) à exprimer le sentiment » (in catalogue). Puis un « Portrait d’homme tenant un compas, peut-être un géographe », huile sur toile attribuée à Catherine Lusurier (1752-1781). Le personnage est assis de trois-quarts et nous regarde avec une certaine bienveillance, un léger sourire aux lèvres. Remarquons le rendu du velours noir de la veste, du gilet rouge en soie brochée, la finesse du jabot de dentelle ainsi que la sobriété de la perruque.


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Portrait d’homme tenant un compas, peut-être un géographe – Attribué à Catherine LUSURIER (Paris, 1752 – Paris, 1781) – Huile sur toile. Rentoilé © CPDHS

Quittons cette première pièce et ses grands miroirs, les moulures des boiseries et le parquet à chevron qui grince sous nos pas ! Sur la cheminée de la seconde salle, une « Allégorie de la Poésie » attribuée à Alexandre Roslin. La jeune fille nous regarde malicieusement. Son charme est palpable ! Elle est vêtue « à l’antique », la poitrine dénudée. Les attributs de la poésie sont présents : la plume (il semble d’ailleurs qu’elle écrive), la trompette de la renommée dans sa main gauche, la lyre en arrière-plan, les livres et bien sûr la couronne de lauriers. Remarquons le rendu des étoffes aux effets de transparence et reflets colorés… la délicatesse du modelé des chairs… les nuées roses du ciel. Même sourire malicieux chez cette « Jeune femme jouant de la mandoline » de Franz Peter Joseph Kymli (1748-1813). Le cartel indique qu’il s’agit d’une huile sur cuivre, ancienne matrice de burin avec motif de caducée. La touche picturale est tout en finesse : coloris vert pâle de la robe aux reflets légèrement moirés, blancheur des plumes de la coiffure, rose du dossier du fauteuil sur lequel la joueuse est assise. Les détails sont raffinés : les plis de la robe, l’aspect aérien de la dentelle, le livre sur la petite commode où est également posé un bijou fait de perles.

La troisième salle est consacrée aux artistes. Plusieurs autoportraits dont celui de « Charles-Amédée Van Loo » (1719-1795). Fils de Jean-Baptiste (1684-1745) et neveu de Carle (1705-1765), il se représente le visage de trois-quarts, le bras droit appuyé sur le dossier d’une chaise, vêtu d’un habit vert émeraude avec un col aux liserés dorés. Un « Portrait présumé de Zannetta Rosa Guionna Balletti (1701-1758) surnommée Mademoiselle Silvia », attribué à Hubert Drouais le Père (1699-1767). Il s’agit d’une des plus célèbres actrices de la Comédie italienne. D’elle, Giacomo Casanova disait dans ses Mémoires (tome 1) : « Sa figure était une énigme, car elle inspirait un intérêt vif, plaisait à tout le monde ; et malgré cela, à l’examen, elle n’avait pas un seul beau trait marqué ; on ne pouvait pas dire qu’elle fût belle ; mais personne sans doute ne s’était avisé de la trouver laide » (in catalogue). En effet, le nez est long, les yeux un peu écartés, le front haut et le menton marqué ce qui lui confère une allure quelque peu masculine ! Que dire de sa robe ? Un ton de bleu turquoise… une bande de fourrure brune de chaque côté du corps baleiné encadrant un imposant plastron de rubans doré… des manches en dentelle et sur son épaule gauche, un bouquet de fleurs multicolores. En nous approchant, nous distinguons, dans le coin droit, les deux yeux brillants d’un petit chien noir.


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Portrait présumé de Zannetta Rosa Guionna Balletti (1701 – 1758), surnommée Mademoiselle Silvia – Attribué à Hubert DROUAIS LE PÈRE (La Rocque, près de Pont-Audemer, 1699 – Paris, 1767) – Huile sur toile – Au dos, maintenu par le châssis, carton d’invitation à l’inauguration de l’exposition Balthus le 12 mai par 1966 au musée des arts décoratifs à Paris portant le texte suivant : Portrait présumé de / « Giannetta Rosa Benozzi » / née en 1700 à Toulouse / celebre comédienne italienne connue sous le nom de « Silvia » / et qui fut amie et interprète de Marivaux. / en 1722 dans « La surprise de l’amour » / et « La Double inconstance » etc… / Peinture attribuée à Nattier ou Vestier. © CPDHS

D’Elisabeth Louise Vigée Le Brun, « Louis Jean-Baptiste Etienne Vigée (1758-1820), frère de l’artiste », portrait qui figure l’affiche de l’exposition. Le tout jeune homme porte un carton à dessin sous le bras gauche et un porte-mine dans la main droite. Nous sommes séduits par le charme du visage au nez retroussé, par les lèvres ourlées qui esquissent un sourire, par les yeux pétillants qui nous regardent. Nous retrouvons le pinceau de la peintre dans le rendu des cheveux, dans celui de l’habit aux tons de brun mordoré.

Dans la salle suivante, une question : « Comment peindre un beau portrait ? » ainsi que de se faire portraiturer en province. De Jean-Baptiste Perronneau (1715/16-1783), une « Jeune élégante à la robe aux nœuds bleus » : peinte sur un fond neutre, la jeune femme, presque de profil, nous regarde. Les chairs sont une déclinaison de roses qui rendent la fraîcheur, la délicatesse du modèle. Notre regard, lui, se focalise presque plus volontiers sur la fluidité des étoffes que l’on devine froissées aux manches, sur les nœuds bleus voire sur le tour de cou aux perles qui captent la lumière. Trois portraits dus au pinceau de Josef Johann Melchior Wyrsch : « Jean-François Baulard d’Angirey (1740-1808) ». Le modèle est vêtu d’une riche tenue d’intérieur : une veste vert émeraude bordée de fourrure, ouverte sur un gilet de satin doré. Le col de la chemise étant lui aussi entre-ouvert. Une touche rouge : celle du ruban qui traduit sa condition de militaire (Baulard d’Angirey avait fait carrière dans le régiment de Bresse et avait reçu le ruban rouge de l’Ordre de Saint-Louis en 1782). Son bras droit accoudé sur un livre, le peintre ne nous cache rien du strabisme dont devait souffrir le modèle ! Dans le portait de « Jean-Antoine Marchand (1676 ?-1782) », nous retrouvons le même soin à rendre le visage du modèle dans toute sa vérité ! La mention manuscrite sur le côté gauche nous éclaire : « Jean-Antoine Marchand, vigneron de Velote à l’âge de 106 ans par Wyrsch à Besançon, 1782 ». Nous sentons le peintre fasciné par ce visage buriné à la longue chevelure blanche, par cette main façonnée par le travail manuel s’appuyant sur une canne. Rien n’est dissimulé de la réalité physique ! « Le Prêtre Joseph Henry » : visage expressif… regard, exprimant une certaine morgue, qui semble nous toiser… le tout mis en valeur par l’habit noir et le collet à liseré blanc. Ces deux portraits sont peints sur un fond sombre qui met encore plus en valeur l’expressivité du modèle !


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Jean-Antoine Marchand (1676 ? - 1782) – Josef Johann Melchior WYRSCH (Buochs, canton d’Unterwalden, 1732 – Buochs, 1798) – Huile sur toile © CPDHS

De François-Louis Lonsing (1739-1799), l’effigie de « Madame Mendès ». Elle appartient à la bourgeoisie bordelaise des négociants et des armateurs. En robe à panier de soie changeante, « (...) les cheveux blonds, les yeux limpides, la bouche vermeille, les chairs roses (…) donnent au visage un air d’exquise fraîcheur (… un) fichu de gaze blanche où fleurissent des roses soutenues d’un nœud de ruban bleu pâle ; les manches garnies de dentelles, découvrent l’avant-bras où monte le gant de peau moulant les mains (…). Un fond vert sombre, rompu de vapeurs rougeâtres et de clairs feuillages complètent la symphonie de vert-bleu, la note printanière de cette charmante composition. » (Maurice Meaudre de Lapouyade, rapporté in catalogue). Ces mains gantées tiennent un éventail, fermé, de nacre incrusté d’or.


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Madame Mendès – François-Louis LONSING (Bruxelles, 1739 – Léognan, 1799) – Huile sur sa toile d’origine © CPDHS / Photo : Thierry Ollivier

Montons à l’étage. Dans un premier temps, c’est la famille royale qui nous accueille. « Louis XV (1710-1774), en armure » dû à l’atelier de Louis-Michel Van Loo ou « Louis XVI (1754-1793) en grand habit royal » attribué à Antoine François Callet (1741-1823). Deux portraits qui ont servi de modèle à de nombreuses copies destinées à être offertes (en témoigne l’inscription sur le cadre du portrait de Louis XV : « Donné par le roi à Mme de Gramont ») ou envoyées dans des ambassades. « Marie Leszczynska (1703-1768) en vestale », attribué à Jean Girardet (1709-1778) : la souveraine est assise, vêtue à la manière antique retenant de la main droite le drapé de son voile, la gauche posée sur la table où brûle le feu sacré. La couronne royale, rappelant sa condition, est posée à ses côtés sur un coussin de velours bleu.


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Marie Leszczynska (1703 - 1768) en vestale – Attribué à Jean GIRARDET (Lunéville, 1709 – Nancy, 1778) – Huile sur toile © CPDHS

De nombreux portraits ont pour modèles les filles de France, dites Mesdames. Nous retrouvons Madame Victoire peinte en vestale (habit rappelant celui du portait de sa mère et feu sacré en arrière-plan)… un pastel où Madame Louise est dessinée à mi-corps, richement vêtue d’une robe à bouillonné de dentelles, dans les tons de bleu myosotis. Elle tient à la main un éventail fermé… ou encore Madame Adélaïde vêtue d’un mantelet noir qui capte presque toute l’attention du spectateur !


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Madame Adélaïde (1732-1800), fille de Louis XV – Cabinet du roi d’après Jean-Étienne LIOTARD (Genève, 1702 – Genève, 1789) – Huile sur toile. Rentoilé © CPDHS / Photo : Thierry Ollivier

De Jean-Siffred Duplessis, « Louis Stanislas Xavier de France (1755-1824), comte de Provence, surnommé Monsieur ». Le peintre a concentré ses efforts sur le visage de celui qui deviendra plus tard Louis XVIII ne s’attardant guère sur l’habit barré du grand cordon de Saint-Louis. Nous retrouvons Mme Vigée Le Brun avec le portrait de « Louis-Philippe, duc d’Orléans (1725-1785), surnommé le « gros-duc » » peint avec toutes ses décorations : le ruban rouge de la Toison d’or, l’étoile de l’ordre du Saint Esprit et l’insigne à ruban rouge, porté sur la poitrine à gauche, ainsi que l’écharpe bleue de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis. Le velours prune de l’habit et la blancheur du gilet, tous deux bordés d’un galon d’or, les mettent en valeur.

Deux pastels retiennent notre attention. Ils sont dus aux crayons de Katherine Read, portraitiste vouant une grande admiration à Rosalba Carriera qu’elle eut l’occasion de rencontrer à Venise. Portraitiste reconnue et recherchée, ce qui lui permit d’obtenir une commande de la part des bâtiments du roi d’après ordre du Dauphin : « Charles-Philippe de bourbon, comte d’Artois (1757-1836) » et « Marie-Adélaïde Clotilde Xavière de Bourbon, dite Madame Clotilde (1759-1802) ». Il s’agit de deux portraits d’après nature, peints en buste. Les enfants sont représentés chacun avec un animal de compagnie : un chien que le petit prince enveloppe d’un geste protecteur, une colombe pour la petite princesse. Si cette dernière porte un tour de cou en perle, le comte d’Artois arbore la Toison d’or et l’ordre du Saint-Esprit. Par la fraîcheur du rendu des personnages, par les tons employés (notamment les dégradés de bleu), la pastelliste a su répondre au goût français et particulièrement à celui de la cour versaillaise.


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Charles-Philippe de Bourbon, comte d’Artois (1757-1836) – Katherine READ (Dundee, 1723 – morte en mer sur le bateau qui la ramenait des Indes, 1778) – Pastel sur papier marouflé sur toile tendue sur châssis © CPDHS / Photo : Thierry Ollivier

Un dernier souverain que nous avons eu le loisir de rencontrer lors d’autres expositions : « Gustave III, roi de Suède (1746-1792) » peint par Lorenz Pasch le Jeune (1733-1805). Le buste tourné vers la gauche, le roi regarde le visiteur. Il porte un habit prune et jaune, barré du ruban bleu de l’ordre royal du Séraphin ainsi que la plaque de poitrine.

Les sixième et septième salles sont consacrées à la Cour. Princes, ministres, aristocrates ou ecclésiastiques ont à cœur de se faire portraiturer ! Lors de notre visite, un groupe d’enfants, installés par terre, faisait du découpage et du collage afin de créer ou de recréer divers portraits… qui dans un châssis ovale qui dans un châssis rectangulaire. Activité ludique qui évoque la vocation pédagogique du musée !

Portrait quelque peu curieux que celui de « Godefroid Charles Henri de La Tour d’Auvergne (1728-1792), duc de Bouillon » par Jean-François Gilles dit Colson fils (1733-1803). Point de complaisance, point de flatterie ici puisque le duc est représenté vêtu d’une redingote grise et d’un gilet bleu à palmettes qu’il a, semble-t-il, eu du mal à boutonner ! L’embonpoint se devine aisément ! « Louis Hercule Timoléon, duc de Cossé (1734-1792) » est peint par Mme Vigée Le Brun. Celui qui devint duc de Brissac est représenté en buste, vêtu de l’habit de capitaine-colonel des Cent-Suisses de la garde du roi.


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Louis Hercule Timoléon, duc de Cossé (1734-1792) – Élisabeth Louise VIGÉE LE BRUN (Paris, 1755 – Paris, 1842) – Huile sur toile © CPDHS

En habit de velours rouge à parements dorés, la poitrine barrée du cordon rouge de commandeur de Saint-Louis, le portrait de l’éphémère ministre de la guerre (novembre 1788 -juillet 1789) sous le ministère Necker : « Pierre Louis de Chastenet de Puységur (1727-1807) » dû à Jean-François Lassave (vers 1750- ? après 1813). Un portrait féminin : « Jeanne Bécu, comtesse Du Barry (1743-1793) » par François-Hubert Drouais (1727-1775). La comtesse est représentée en déesse Flore, vêtue de rose, la tête ornée d’une couronne de fleurs dans les mêmes tons. Elle porte probablement une perruque à rouleaux dont l’un lui tombe sur l’épaule. Une particularité de ce portrait : trois grains de beauté sur le visage.


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Jeanne Bécu, comtesse Du Barry (1743 – 1793) – François-Hubert DROUAIS (Paris, 1727 – Paris, 1775) – Huile sur toile. Rentoilé © CPDHS / Photo: Thierry Ollivier

Nous abordons la dernière salle, dédiée aux derniers témoins de la cour d’Ancien Régime. « Etienne-Charles de Loménie de Brienne (1727-1794) » attribué à Jean-Baptiste Despax (1710-1773) et son atelier. Le prélat est ici représenté probablement après avoir été nommé archevêque de Toulouse. En regardant attentivement, on peut distinguer la croix pectorale sous celle de l’ordre du Saint-Esprit qui a été rajoutée après la promotion du modèle dans cet ordre en février 1782. Egalement le « Portrait d’un garde du corps, dit Armand Louis de Gontaut, duc de Lauzun puis de Biron (1747-1793) » par Antoine Vestier (1740-1824). Il semble que ce portrait soit plus exactement celui d’un gentilhomme de vieille noblesse que celui du fameux duc de Lauzun ceci par rapport à la lecture qui peut être faite de son costume ! Un habit d’un bleu sombre et mat (bleu turquin) bordé d’argent, à parement, doublure et veste rouge qui est celui des gardes du corps chargés de la protection de la personne du roi au sein de ses résidences. Il n’en reste pas moins que le personnage a fière allure et belle prestance !


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Portrait d’un garde du corps, dit Armand Louis de Gontaut, duc de Lauzun puis de Biron – Antoine VESTIER (Avallon, 1740 – Paris, 1824) – Huile sur toile. Rentoilé © CPDHS

Nous saluerons enfin « Le Cardinal Anne-Antoine-Jules de Clermont-Tonnerre (1749-1830) » peint par Louis Hersent (1777-1860). Vie mouvementée que celle de l’évêque de Châlons, duc et pair de France puis élu député des états généraux (mars 1789) avant de migrer pour l’Allemagne puis de revenir en France (1801) et de retrouver son titre de Pair de France ! Il est ensuite nommé archevêque de Toulouse (1820) puis élevé à la pourpre cardinalice par le pape Pie VII. Il sera co-célébrant lors du sacre de Charles X (1757-1836) et reçoit l’ordre du Saint-Esprit qui figure, en dessous de la croix pectorale, sur le camail rouge de ce portait à mi-corps. Assis, mains croisées, son regard amusé se perd un lointain… par-delà notre épaule, pourrait-on dire !


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Le cardinal Anne-Antoine-Jules de Clermont-Tonnerre (1749 – 1830) – Louis HERSENT (Paris, 1777 – Paris, 1860) – Huile sur toile © CPDHS

Notre visite de cette galerie de portraits s’achève. Une des caractéristiques de l’exposition est qu’elle ne privilégie ni l’artiste ni le modèle. Ces peintres que nous connaissions ou dont nous avons découvert l’existence ont su transcrire l’apparence physique de leur modèle tout en rendant témoignage de leur caractère… même si, parfois, certains « moins talentueux se contentaient de peindre une enveloppe charnelle » (in dossier de presse). Un catalogue exhaustif permet de parfaire ses connaissances sur le sujet (nom du peintre et celui de l’effigie, contexte historique de la réalisation de l’œuvre, nom du ou des propriétaires successifs,…). Seul petit bémol : il ne suit pas l’accrochage des portraits mais adopte une présentation structurée autour de l’appartenance « sociale » de celui qui est portraituré.

Le musée Lambinet a su nous offrir des visages connus ou méconnus qui sont le reflet de la société du XVIIIème siècle, la société du temps des Lumières.


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Nous avons prolongé notre visite par celle du musée lui-même. Rappelons qu’il regroupe des collections issues de dons, de legs et d’acquisitions qui constituent actuellement les collections municipales de Versailles.

Au rez-de-chaussée, les premières salles sont consacrées à la sculpture avec notamment un ensemble de bustes (dont celui de sa fille Sabine) du sculpteur versaillais par excellence, Houdon. Puis trois salles dédiées à la peinture française, italienne et flamande (XVI-XVIIème siècles.).

Le premier étage nous permet de déambuler dans un appartement du XVIIIème siècle reconstitué : antichambre, salle à manger, salon, cabinet de travail et chambres de Madame puis chambre de Monsieur. Nous y retrouvons deux exemples de ces jardinières et leurs bouquets de porcelaine (de Meissen pour le vase et de Vincennes pour les fleurs) dus aux marchands-merciers parisiens (voir notre chronique publiée le 7 décembre 2018) parmi un ensemble d’objets d’art issu d’un don d’un collectionneur serbe. Enfin des peintures du XIXème siècle dont des scènes de loge dus à Louis-Léopold Boilly (1761-1845) : « L’effet du mélodrame » et « Une loge, un jour de spectacle gratuit » dans laquelle il reprend la tradition des « têtes d’expression » initiée par Léonard de Vinci (1452-1519) ou encore à Hubert Robert (1733-1808) avec « Alexandre le Grand devant le tombeau d’Achille ».

Le second étage a pour thème la ville de Versailles et son histoire. La période révolutionnaire y est largement représentée grâce à la donation de Charles Vatel qui éprouvait un vif intérêt pour Charlotte Corday et Marat ! Une salle est consacrée à la manufacture d’armes Boutet. Signalons que le musée possède également de rares plaques de cuivre qui servaient à l’impression des toiles de Jouy.



Publié le 31 déc. 2019 par Jeanne-Marie BOESCH