Ariane & Orphée - Cantates baroques françaises - Jean-Philippe Rameau (1683-1764)

Ariane & Orphée - Cantates baroques françaises - Jean-Philippe Rameau (1683-1764) ©Muso
Afficher les détails
La grâce vocale…

Jean-Baptiste Henriat

Connaissez-vous ce charmant visage ? « Non ! Qui est-ce ?» Un indice : en 2011, elle a remporté le Premier Prix du Concours de Chant Baroque dans le cadre du Festival de musique sacrée et baroque de Froville (Meurthe & Moselle). Ce visage appartient à une jeune soprano franco-marocaine, Hasnaa Bennani, destinée à un avenir des plus prometteurs. Nombre d’orchestres et des scènes d’opéra s’arrachent avec raison cette jeune voix. Ce profil ne se résume pas à la simple incarnation de la beauté, il cache une voix chaude et lumineuse, qui nous captive grâce à ses multiples expressions mêlant avec force l’amour, la passion, la crainte de la perte de l’être aimé, la peine mais aussi la joie dans ce récent enregistrement.
Pour son premier disque en solo, Hasnaa Bennani, accompagnée par l’Ensemble Stravaganza, met à l’honneur des compositeurs français du XVIIIème siècle connus (comme Rameau ou Marais) et d'autres moins connus (Courbois, Jacquet de la Guerre, Lambert). A travers leurs différentes oeuvres, la soprano et l’Ensemble apportent un vif éclairage sur les récits opposés d’Ariane et d’Orphée. La première souffre d’un mal dévastateur, un amour blessé par un homme ingrat, Thésée. Tout n’est que ruine si la colère et la vengeance l’emportent. Orphée, quant à lui, est l’amoureux qui risque sa vie pour secourir son épouse des Enfers.
Les cantates d’une part à voix seule et symphonie pour Orphée, et d’autre part à voix seule et un violon pour Ariane s'animent avec la réelle beauté du timbre et la finesse du phrasé de la soprano. L’émotion nous étreint, la plainte se montre douloureuse, la colère nous envahit furtivement. L’Amour triomphe ! L’air de cour Ombre de mon amant de Lambert, vibrant hommage au malheur d’Orphée s’oppose ainsi vigoureusement au bonheur retrouvé d’Ariane. Là encore Hasnaa Bennani révèle et conforte son talent dramatique, que nous avaient suggéré les apparitions furtives de la nymphe dans Armide de Lully à l’Opéra national de Lorraine de Nancy en juin dernier.
Les instrumentistes ne sont pas pour autant relégués au second plan. La sonate pour violon et continuo d’Elisabeth Jacquet de la Guerre accompagne joliment la palette des sentiments développés par la jeune soprano. Le premier des sept mouvements attribue aux instrumentistes une nouvelle couleur à cette palette, celle de la mélancolie. La joie voire l’entrain émanant de la Chaconne de Marais, extraite des Trios pour le Coucher du Roy, peut surprendre. Elle n’est que l’acte final triomphant des tourments…
Un fort joli présent à glisser au pied du sapin !

Publié le 12 déc. 2015 par Jean-Stéphane SOURD-DURAND