Amore Dolore - Balducci

Amore Dolore - Balducci ©
Afficher les détails
Des couleurs chatoyantes

Ce programme est le deuxième enregistrement d’un tout jeune contre-ténor et sopraniste (il est né en 1999) dont la carrière semble d’ores et déjà bien engagée, avec prochainement un Cherubino à Ferrare, un Neron du Couronnement de Poppée à Valence et à Rennes sous la direction d’Alarcón, et avec sa participation au concert des contre ténors qui vient d’avoir lieu à Versailles (13 mars).

En première approche, on trouve le programme très ambitieux puisqu’il enchaîne des airs parmi les plus célèbres de la musique baroque. Cette construction du programme se pose ainsi en rupture avec ce qui est devenu aujourd’hui la règle, à savoir le développement d’une thématique ou un hommage à un chanteur du passé ou à un compositeur peu connu. Le programme, qui alterne classiquement air vif – air lent, semble ainsi vouloir renouer avec la volonté d’exposer les capacités esthétiques et techniques sur un répertoire connu et… difficile.

Et disons-le d’emblée, c’est une réussite. La voix est superbe et superbement conduite. Les aigus sont faciles, rayonnants et charnus. Le timbre est vraiment très intéressant, en tout cas tout à fait remarquable en comparaison de celui de nombreux sopranistes, avec un aigu dépourvu d’acidité, un style qui évite les excès et un chant qui conserve un indubitable caractère masculin qui en fait tout le prix.

L’accompagnement de l’Académie baroque de l’orchestre symphonique de Göteborg est un véritable écrin qui permet à Balducci de déployer tout son art. J’ai beaucoup apprécié la dynamique interne à ces interprétations, les équilibres toujours préservés et la pureté du style. S’agissant des morceaux purement instrumentaux, si l’ouverture de Giulio Cesare est un peu convenue, la sinfonia d’Orlando Furioso est vraiment tonique.

Dès la première aria, grand succès de Farinelli, Nicolò Balducci montre une voix d’une grande homogénéité, dont les passages ne sont nullement affectés par la virtuosité des vocalises et signe quelques très beaux aigus.

Enchaînant sur deux airs extraits du Demofoonte perdu de Duni, Nicolò Balducci fait tout d’abord la démonstration de sa capacité à rendre des émotions, aidé par la superbe flûte de Dan Laurin, et expose le bas de son registre avec de superbes graves. Le second air de Duni se prête à merveille à l’ornementation et Balducci semble se délecter à nous promener sur toute l’étendue de son registre avec une vivacité, une rapidité et une netteté de vocalise qui sont réjouissantes.

Le Lascia ch’io pianga est de très belle facture avec de très belles et subtiles variations, malgré un ou deux aigus peut être un peu trop tendus. Ombra mai fu est d’une beauté émouvante, Nicolò Balducci parant cette aria tellement entendue d’une fragilité délicate. On le retrouve en virtuose dans un Crude furie abordé sur un tempo peut être un peu lent mais qui permet de délivrer l’anxiété de l’écriture.

La dernière partie de l’album est consacré à Vivaldi qui sied particulièrement au timbre et à la technique de Nicolò Balducci qui rend parfaitement toute l’horreur et l’angoisse paternelle de Gelido in ogni vena, avec des graves particulièrement bien timbrés. Le Nel profondo cieco mondo est également particulièrement réussi, la virtuosité se pliant à l’expressivité sans jamais prendre le pas sur elle. Sol da te est un moment de chant halluciné rendant parfaitement la transe de Ruggiero, superbement soutenu une fois encore par la flûte obbligato de Dan Laurin. L’enregistrement se termine sur le Sento in seno de l’opéra perdu Tieteberga sur les pizzicati desquels Balducci déploie des couleurs chatoyantes.

On l’aura compris, j’ai adoré cet album. La voix reste d’une homogénéité et d’une qualité de timbre tout à fait remarquables. L’aisance virtuose est évidente et les vocalises sont d’une précision et d’une netteté qui forcent l’admiration. J’adorerai entendre ce programme au concert et je ne doute pas, qu’avec le temps les ornementations, déjà subtiles et étudiées, gagneront en richesse et en complexité.



Publié le 22 mars 2023 par Jean-Luc Izard