Pièces pour clavecin - Jacques Duphly

Pièces pour clavecin - Jacques Duphly ©ATMA Classique
Afficher les détails
Portraits au clavecin

Jacques Duphly nait à Rouen le 12 janvier 1715 (année ou s’éteint le Roi Soleil) et décède le lendemain de la prise de la Bastille. Ce compositeur a débuté une carrière d'organiste dans les cathédrales d’Evreux et de Rouen, avant de partir s’établir à Paris comme claveciniste. Il y parviendra avec plus ou moins de réussite, dispensant cours, concerts privés et publications. S'il est plutôt méconnu aujourd'hui, Duphly était considéré à son époque comme l'un des meilleurs maîtres de clavecin de Paris, avec son quasi-contemporain Claude Balbastre (1727 - 1799).
A partir de 1768, on sait qu'il continue de donner des cours, mais il se fait plus discret, pour complètement disparaitre du monde musical parisien à partir de 1783. Il nous laisse quatre livres de pièces, parus en 1744, 1748, 1756 et 1768, qui reflètent l'apogée de l’écriture pour clavecin dans un style galant, conformément à la mode en vigueur à cette époque. Ces pièces se composent de portraits et d’évocations en musique rendant hommage aux connaissances de Duphly ou à de hauts personnages (comme mademoiselle Victoire, fille de Louis XIV).
Le développement du piano-forte à partir de 1768 (année du premier concert avec piano-forte à Paris) a peut-être nuit à la carrière de Duphly, lui qui était réticent à se mettre au « clavecin à marteau ».
Duphly représente donc la fin d'une époque, celle de la royauté et de son instrument symbolique, mais aussi la fin du siècle des Lumières et de sa douceur de vivre, qui laissera place à la Révolution. La parution de cet enregistrement coïncide avec le tricentenaire de la mort du compositeur.
Yves-G. Préfontaine est un organiste et claveciniste québécois de renom. Après plusieurs premiers prix, il est devenu très actif sur les scènes montréalaise et québécoise. Il a notamment enregistré une Anthologie de versets français de Magnificat et  les Oeuvres pour clavecin de Wilhelm-Friedrich Marpourg.
Son interprétation des pièces de Duphly est très agréable à écouter ; son jeu est le reflet d'une grande expérience et d'une parfaite maîtrise de l'instrument. Loin de toute interprétation mécanique ou désincarnée, il communique à l'auditeur le plaisir qu'il éprouve à jouer ces pièces. Le clavecin qu'il utilise possède un son très agréable, au registre équilibré et aux aigus exempts de sécheresse.
J’ai particulièrement apprécié les pièces du mode mineur, même si celles en majeur ne déméritent pas. Du reste leurs enchainements quasi alternatifs permettent d’éviter la monotonie. Les deux disques s’écoutent avec bonheur, faisant succéder à l’originalité de La Redemonde la légèreté de La Vanlo, la douce mélancolie de la De Brissac et la solennité de la d’Héricourt, comme autant de portraits aux ambiances différenciées. Seule La Lanza n'a pas vraiment retenu mon intérêt, sans doute à cause de son aspect « comptine » voulu à n’en pas douter par le compositeur.
La maitrise parfaite de Yves-G. Préfontaine et son interprétation très sensible nous emportent rapidement dans une ambiance sonore raffinée et dynamique. Aucune rigidité, aucun accroc sonore ne rompent l’éxecution. L'interprète semble parfaitement investi par ces personnages qu'il évoque avec son clavier, comme avec une palette de couleurs.
La technique d'enregistrement rend fidèlement compte de cette expressivité : le clavecin est bien présent. La réverbération de la Chapelle du Grand Séminaire est profonde et agréable, même si les basses sont un peu absentes. Elle apporte une ambiance sonore bien dans l'esprit de la partition : légère et raffinée.
Le livret bilingue français/anglais contient la biographie détaillée du compositeur et de l’interprète, ainsi que l’explication des titres comme La Boucon, qui évoque Anne-Jeanne Boucon, une claveciniste renommée au XVIIIème siècle.
Nous regretterons toutefois qu'il ne contienne aucune précision sur ce clavecin au son si agréable, qui ravira les amateurs de cet instrument. Aussi ne boudons pas notre plaisir, et grâce à Préfontaine redécouvrons Duphly !

Publié le 25 mars 2016 par François PERVILLE