Farinelli - Bartoli

Farinelli - Bartoli ©
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« Un seul Dieu, un seul Farinelli » Lady Elizabeth Rich

Cecilia Bartoli nous a habitué à un répertoire éclectique et parfois surprenant. Voilà qu'elle nous présente les airs écrits pour le plus grand des castrats, Farinelli (Carlo Broschi. 1705-1782). Doté d'une grande facilité technique, une tessiture de trois octaves et d'une capacité pulmonaire hors pair, Farinelli fait preuve d'une virtuosité exceptionnelle mais aussi d'une capacité d'interprétation nouvelle pour l'époque : « Dans sa voix, la puissance, la douceur, et la mesure ; et dans son style, le tendre, le gracieux et le rapide » nous rapporte Charles Burney.

Dans l'article publié dans The Guardian du 23 janvier 2020, Cecilia Bartoli déclare que le changement d'apparence (elle porte une barbe sur la couverture du disque) fait partie de son métier. Ce qui l'intéresse chez Farinelli, c'est l'art et la musique, la capacité de transformation que subit un artiste lorsqu'il monte sur scène.

La joie qu' exprime Cecilia Bartoli en interprétant ce répertoire, longtemps abandonné, est contagieuse. Elle alterne des airs de pur virtuosisme, passages de bravoure précis et scintillants, avec des airs plus riches en réflexions, mis en valeur par la délicatesse et le contrôle de sa voix. Elle fait preuve d'une maîtrise incroyable du souffle, d'un chant riche en couleurs et d'une diction sans faille. Ce sont ces qualités qui nous ont incité à revenir sur cet enregistrement, après une première chronique d’un de nos confrères dans ces colonnes.

Nell'attendere il mio bene de Porpora ouvre le programme de ce récital. Cecilia Bartoli y brille par les ornementations et la légèreté des vocalises qui glissent avec précision, facilité et clarté. Vaghi amori, grazie amate, toujours de Porpora, est plus mélancolique ; l'artiste nous éblouit par la délicatesse de sa voix. Dans Morte col fiero aspetto de Hasse, avec son rythme orchestrale soutenu, Cecilia Bartoli nous surprend par son chant souple et sa technique de coloratura experte. Lontan dal solo e caro....Lusingato dallo speme (Porpora) nous donne la possibilité d'apprécier la luminosité du timbre de voix de l'artiste, qui atteint souvent des accents de soprano, et sa grande sensibilité musicale.

Dans Chi non sente al mio dolore (de Riccardo Broschi, compositeur et frère du célèbre castrat), nous retrouvons des tons graves, d'une couleur vocale plus sombre, presque androgyne, caractéristiques du chant de Cecilia Bartoli, qui alternent avec des notes aiguës surprenantes. Dans Come nave in ria tempesta (Porpora), l'artiste fait preuve d'un staccato vertigineux. Un phrasé délicat, minutieusement ciselé, débordant de pathos caractérise Mancare o Dio mi sento de Giacomelli. Dans Sì traditore tu sei de Broschi, la voix de l'artiste se fait souple, expressive et vive. La clarté de l'émission vocale, ainsi que la parfaite maîtrise avec laquelle Cecilia Bartoli passe avec rapidité de temps dilatés à des temps extrêmement rapides sont surprenants dans les deux airs suivants : Questi al cor fin'ora ignoti, de Caldara, et Signor, la tua speranza de Hasse. Pour clore le programme, Alto Giove de Porpora, joué par Les Musiciens du Prince-Monaco, insuffle une profondeur de sentiments à la conclusion de cet album. Les trilles, une interprétation tourmentée et introspective mettent en valeur la sensibilité lyrique de l'artiste.

Enfin, la technique d'exécution épurée de Il Giardino Armonico, sous la direction de Giovanni Antonini, contribue puissamment à la beauté de cet album.



Publié le 22 janv. 2021 par Véronique Du Moulin