Kaspar Förster - Les Traversées Baroques

Kaspar Förster - Les Traversées Baroques ©Les Traversées Baroques
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En guise de troisième opus, après les deux premiers consacrés à Marcin Mielczewski (Virgo prudentissima, Ed. K617, 2011) et à Mikołaj Zieleński ( Ortus de Polonia, Ed. K617, 2015,chronique publiée sur ce présent site le 02.10.2015), Les Traversées Baroques continuent leur voyage dans le riche univers musical de la Pologne du XVIIe siècle à travers l'un des compositeurs prépondérants en Europe du Nord, Kaspar Förster.
Allant au-delà des influences esthétiques italiennes, Förster se révèle être un des musiciens les plus virtuoses mais aussi novateurs de son époque. Il adopte avec une parfaite maîtrise le style phantasticus, style musical baroque allemand dans lequel seul prédomine l'harmonie conférant ainsi une grande liberté au chanteur ou à l'exécutant. L'imagination du compositeur se veut fertile et quelque peu «révolutionnaire» dans son écriture musicale, d'où découle relativement naturellement l'écriture vocale. Avant le XVIIe siècle, la partie vocale entraînaît l'instrumentale.
L'ensemble Les Traversées Baroques,dirigé par Etienne Meyer, en saisit l'essence même et livre ici un enregistrement d'une grande qualité. Cet ensemble aime relever avec brio les défis les plus difficiles à réaliser, comme par exemple celui de monter les Vêpres de la Bienheureuse Vierge Marie de Monteverdi (1610) en moins d'une semaine lors du Festival de SARREBOURG (57), inscrit dans les Rencontres musicales de Saint Ulrich. Les œuvres de Förster, présentes dans ce disque, démontrent sans conteste possible la virtuosité de chanteur du compositeur dans le registre de la basse aux capacités hors normes et à l'ambitus très étendu. Les interprètes d'aujourd'hui s'attaquent à de vertigineux sommets de technicité et de capacités vocales.


Förster fait rivaliser de façon impressionnante les voix de soprano, alto, ténor et basse dans de fins ornements et de riches couleurs vocales. Le psaume Confitebor tibi Domine permet au jeune contre-ténor français Paulin Bündgen d'exprimer toute sa richesse vocale dans le registre d'alto. Non seulement de disposer d'une voix pure et claire, sa diction est fine et précise. Il nous charme. Ses voyelles prennent un solide appui sur les consonnes formées dans le moule.
La partie de basse est confiée à Renaud Delaigue. Dans l'hymne Jesu dulcis memoria, les parties élaborées des violons et celles de basse soliste confirment la virtuosité du jeune interprète. Il développe d'impressionnants graves à la noirceur étincellante. Quel paradoxe, que celui de briller par l'obscurité d'un timbre! Ses vocalises, ornements ne souffrent d'aucune lourdeur qui pourraient résulter de graves rocailleux attendus en de telles profondeurs.
La soprano Anne Magouët affirme sa douce et non moins brillante voix dans O bone Jesu en se lançant d'un solo accentué et pur. L'écriture se veut très vocalisante, brillamment interprétée par la soprano et soutenue par les trois autres voix notamment la basse atteignant le si bémol grave. Leur Amen final est divin...Le paradis s'ouvre à nos oreilles.
Le Credo quod redemptor offre la plus belle partie au ténor Martial Pauliat dans un dialogue vocal échangé avec entre autre l'alto, à la voix émouvante. Cependant, sa voix chaleureuse s'affirme avec beaucoup d'élégance.


Les trois pièces, en particulier la Sonate n°2 à 3 et la Sonate n°3 à 3, purement instrumentales sont le témoin de la qualité d'interprétation des musiciens. Les dialogues entre instruments et les solos d'instruments établissent leur virtuosité. Les solistes font preuve de rigueur et ne se laissent pas emportés par ces douces mélodies. Ils poussent à l'extrême le soin des nuances et des couleurs. La Sonate anonyme à deux cornettini, tenus par Judith Pacquier et William Dongois, en est le parfait exemple. Les contrastes imposés par cette musique sont parfaitement réalisés. Il n'en saurait être autrement...


Ce défi constitue bien un magnifique voyage dans l'univers de Kaspar Förster. Osez, aventurez-vous, voyagez! Allez d'escales en escales. L'escale d'été se déroulera le 14 juillet à l'église Saint Martin de Hoff - SARREBOURG (57), avec le Salve Morale e spirituale de Monteverdi dans le cadre du festival de Sarrebourg. N'hésitez pas à faire le déplacement. Le voyage en vaut la peine!



Publié le 20 mai 2016 par Jean-Stéphane SOURD DURAND