La Francesina - Junker

La Francesina - Junker ©
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Haendel et la petite Française

Quel est le point commun entre Georg Friedrich Haendel (1685-1759), sa muse Elisabeth Duparc (? - 1778) et la jeune soprano Sophie Junker ? Réponse : l’Angleterre, et plus précisément Londres. En effet, le compositeur d’origine saxonne passa l’essentiel de sa vie dans la capitale britannique, où il devint un sujet anglais. Quant aux deux sopranos, elles ont toutes deux étudié le chant à Londres. Elisabeth Duparc, sur laquelle nous disposons de peu d’informations, était surnommée « la petite Française ». Elle a été l’une des dernières muses du compositeur et la seule Française à avoir travaillé avec lui. Sophie Junker est intimement liée au compositeur à plus d’un titre. En 2010 elle se fait connaître, sur la scène internationale, en remportant le premier prix du Concours Haendel de Londres. Spécialisée dans la musique baroque, cette soprano franco-belge a déjà chanté des airs de Lully, Bach ou encore Purcell. Sans le savoir, elle avait déjà croisé le chemin de la « petite française » dans les rôles de Sémélé, de Iole (Hercules) ou encore de Romilda (Serse). Avec cet album La Francesina c’est un magnifique hommage à Elisabeth Duparc que nous propose Sophie Junker.

D’une durée d’un peu plus d’une heure, ce CD est accompagné d’un petit livret d’une vingtaine de pages où S. Junker, Franck-Emmanuel Comte et Pedro-Octavio Diaz (directeur artistique) nous livrent leur rapport à l'œuvre. Ils présentent aussi des dimensions peu connues du compositeur et de sa muse. On peut ainsi lire l’intérêt singulier que porte la soprano à la musique de Haendel qui l’a « prise par le cœur ». Une musique qui, comme elle le dit si bien, « libère l’esprit et la voix ». A titre personnel, je rejoins tout à fait ses mots. Je dois mes premières écoutes de Haendel à la soprano Anna Prohaska, et, à chaque fois, sa musique à cette capacité à libérer l’esprit. Haendel est un compositeur de la joie, loin des tracasseries de nos vies contemporaines. Cet album, dont le sous-titre est Handel’s Nightingale porte parfaitement son nom, tant chaque écoute me donne envie de siffloter tel un rossignol.

Dans ce premier album sous son nom, la soprano annonce la couleur dès la vingt-neuvième seconde de la première piste. Une fraîcheur et une légèreté dans les notes qui montre une aisance technique dans sa tessiture de soprano. Au-delà de la technique, c’est toute une  palette d’émotions qu’elle réussit à nous transmettre. Un véritable plaisir d’écoute. La qualité de sa voix s’exprime aussi bien dans les airs dynamiques (Và, perfido) que ceux, plus lents, et emprunts d’une lourdeur tragique (My father ! Ah !). Une voix qui propose une certaine signature vocale,  notamment dans Prophetic raptures swell my breast qui ouvre l’album.

La première moitié de l’album propose une thématique lyrique, dynamique et joyeuse. La sixième piste (l’ouverture de Semele) intervient au milieu de l’album. Elle apporte une agréable pause musicale où l’on peut apprécier la richesse de l’orchestration. La seconde moitié, elle, est plus lente, et aborde des airs plus graves. Avec le Concert de l'Hostel Dieu, c’est comme si Franck-Emmanuel Comte et Sophie Junker nous restituaient cette alchimie  « secrète et passionnante » entre Haendel et Duparc. Cet album est une agréable surprise.

Myself I shall adore est, je crois, mon morceau préféré dans cet album. Cet air, qui est l’un des plus longs de cet enregistrement, me trotte dans la tête depuis plusieurs jours. Avec ce morceau dynamique et joyeux, Sophie Junker nous montre une partie de son talent de chanteuse lyrique. Grâce à ses longues notes ornées, elle sait transmettre un bel éventail d’émotions. Fermez les yeux, imaginez-vous pieds nus, c’est le matin, le soleil se lève, la rosée du matin vous titille les pieds, un rossignol chante. Il annonce la renaissance du printemps, l’ouverture des fleurs, et le foisonnement de la nature : c’est le sacre du printemps et j’adore ça !



Publié le 17 avr. 2022 par Dimitri Morel