Montanari - Violin Concertos

Montanari - Violin Concertos ©Illustration basée sur une photo prise à Toblach (Dobbiaco - Italie) - Photographe: Christian Möhring
Afficher les détails

De nouveau, Johannes Pramsohler nous convie à une magnifique excursion dans les contrées inexplorées d’un compositeur méconnu du baroque italien, Antonio Maria Montanari (1676-1737).

Depuis quelques années, Johannes Pramsohler s’inscrit en véritable explorateur lancé à la découverte ou redécouverte des maîtres du Baroque, aux noms bien souvent ignorés ou oubliés et ce avec une flagrante injustice.
Comme il aime à le rappeler, «Je ne vois pas pourquoi je devrais enregistrer des œuvres qui ont été déjà gravées à de multiples reprises.»Personne ne pourra lui en vouloir d’être à la recherche constante de tels chefs-d’œuvre ! Sans influencer qui que ce soit, le présent enregistrement Violin Concertos – Concertos pour violons de Montanari se pare des couleurs chatoyantes et joyeuses aux doux reflets de la Noël prochaine.
Ce disque est le premier enregistrement mondial de ces pièces, excepté le dernier concerto en la majeur, Op.1, No.8 immortalisé par l’Orchestre baroque de l’Union Européenne.

Antonio Maria Montanari, connu à Rome sous le diminutif «Antonuccio», se révèle aussi fascinant que sa musique. Les théories, les postulats, les allégations sont légion à son sujet. Affirmer ou infirmer tel ou tel propos constituerait à se lancer dans une course folle après une vérité insaisissable, qui restera floue jusqu’à la fin des temps ! Nous connaissons en effet très peu de choses sur son enfance, son adolescence.Lors de sa formation, Montanari passe par Bologne. Ce fait est corroboré par la présence de quelques-unes de ses compositions – une sonate pour violon et violoncelle, sonate en trio étant en réalité un concerto primitif – dans une anthologie d’œuvres de compositeurs comme Giuseppe Torelli pour ne citer que lui.

Entre 1700 et 1715, Antonuccio établit des liens étroits avec le cardinal Pietro Ottoboni en occupant différentes fonctions auprès de sa maison. De 1705 à 1708, il sert également un autre prélat, son Eminence le cardinal Benedetto Pamphili.
L’année 1708 consacre Montanari, puisqu’il occupe la place de co-chef d’orchestre lors de la première représentation de La Resurrezione – oratorio sacré de Georg Friedrich Haendel, sur un livret de Carlo Sigismondo Capece – donnée à Rome au palais Bonelli le dimanche de Pâques (8 avril 1708).
En 1713, à la mort d’Arcangelo Corelli, Montanari prend les fonctions de chef des cordes. Serait-ce dû à l’influence des deux cardinaux, mécènes de Corelli ?
Là encore, le mystère demeure même si le spécialiste de la musique baroque italienne, Michael Talbot, livre quelques informations dans la brochure accompagnant le disque. Talbot affirme entre autre que Montanari fut l’élève de Corelli. A cela, il faut se montrer plus que prudent. A ce jour, aucun document n’apporte la preuve irréfragable de cette annonce.

Bien qu’Antonio Montanari apparaisse comme l’un des musiciens, compositeurs les plus en vogue de l’époque, sa musique n’a été que très peu publiée. C’est une des raisons pour laquelle il n’existe aujourd’hui qu’une infime trace écrite de ses compositions.
Fort heureusement, l’Ensemble Diderot nous gratifie d’un sublimissime enregistrement, qui peut « sans paillette » être déposé au pied du sapin. Les concertos pour violons de Montanari se révèlent accomplis dans leur forme, et adoptent pour quatre d’entre eux la facture italienne en quatre mouvements (lent-rapide-lent-rapide), employant le style du concerto grosso de Rome. Par son écriture empreinte de virtuosité, Montanari affirme là encore son originalité. Il confère à tous les instruments des parties de solistes sans césure dans le discours musical. La « rivalité » entre instruments dits de concertino (groupe de solistes dans un concerto grosso) et ceux du ripieno (ensemble de l’orchestre dévolu à l’accompagnement et s’opposant aux solistes) n’a pu lieu d’être ! Mais pourquoi se limiter à la simplicité puisqu’il est possible de « pimenter » la musique ?
Les deux concertos en do majeur, marquent clairement leur singularité. Ils sont construits en trois mouvements (rapide-lent-rapide) propres au style de la Sérénissime. A l’écoute du premier concerto « Dresden», nous retrouvons avec un plaisir non dissimulé l’Ensemble Diderot et sa légendaire précision… La fraîcheur, la virtuosité folâtrent, sans minauderie, avec audace dans la vivifiante interprétation du premier mouvement (piste 01). Toute cette fantaisie se pose sur le délicat Largo (p. 02). A la manière du Bernin peignant sa Sainte Thérèse en extase, les contrastes de lumière et de théâtralité s’expriment à merveille. Nous devons cette béatitude au violon envoûtant de Johannes Pramsohler, au théorbe ensorcelant de Jadran Duncumb.
Quant au second concerto en do majeur, dans ses trois mouvements (p. 12 à 13), il adopte un style pouvant être rapproché de celui des compositeurs Tomaso Albinoni, Antonio Vivaldi. L’empreinte est forte.

Le Concerto en mi bémol majeur offre une musique soignée aux airs de ritournelle pour l’adagio e staccato (p. 04). La phrase musicale liée du violon soliste contraste avec les coups d’arrêts francs et précis des autres archets (staccato) entre chaque note sans que ceux-ci ne quittent la corde. Saisissons-nous au passage de ce fil d’or pur tissé par les fines et discrètes notes jouées au clavecin par Philippe Grisvard. Légèreté absolue…
Autre moment ensorcelant, le Largo (p. 06) s’empare de l’ouïe par son discours chromatique dans un double mouvement – ascendant et descendant – appuyé sur le violoncelle présent sans excès de Gulrim Choi. Il se tait pour laisser place au premier violon et au clavecin. Le continuo se colore d’une transparence renforçant la lisibilité des autres parties. Quant au dernier mouvement – Allegro (p. 07) –, il nous entraîne dans une « valse » animée aux vertigineuses arpèges.

Le Concerto Opus 1, No. 1 écrit en la majeur, emploie le ré mineur dans les mouvements lents. L’oreille se trouve flattée par ce propos ombragé. Johannes Pramsohler déploie tout son art, son époustouflante maîtrise technique dans les double-arrêts (deux notes jouées simultanément) lors du premier allegro. Le mouvement Amoroso se pare de beaux effets à la précision musicale indéniable.L’Allegro in fine offre l’occasion au violon solo d’exprimer toute sa sensibilité dans les notes hautes.

Dans les trois derniers concertos, Montanari concède à un instrument une place prépondérante, l’alto. Samuel Hengebaert se saisit d’ailleurs de cette opportunité pour démontrer tout son talent. Les coups d’archet sont délicats, et « glissent » de cordes en cordes avec brio.
Le Concerto en mi majeur est le théâtre d’un dialogue aux limites expressives poussées à l’extrême entre le premier violon (Pramsohler) et le second tenu par David Wish. Le discours échangé reflète une poésie musicale, précieuse en ce temps…

Même s’ils n’ont pas été cités jusque lors, Roldán Bernarbé et Johannes Heim aux violons, et, Youen Cadiou à la viole rendent honneur au compositeur et à leur ensemble.
Les musiciens de l’Ensemble Diderot sont sans aucun doute possible de véritables interprètes. Ils ne se contentent pas simplement de jouer, mais ils vont bien plus loin. Ils donnent vie à cette musique oubliée, la musique d’Antonio Maria Montanari. Chacune de leur entreprise va en ce sens.
Le mot de la fin est laissé à Johannes Pramsohler dans l’entretien accordé à Claire Boisteau , en mars 2015, inclus dans le livret : «Je n’aime pas seulement jouer de la musique mais je veux comprendre tout le contexte qui l’entoure, son époque, son compositeur bien entendu.»



Publié le 23 déc. 2016 par Jean-Stéphane SOURD DURAND